AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 3 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981, ensemble l'article 1110 du Code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, à moins qu'elle ne soit accompagnée d'une réserve expresse sur l'authenticité, l'indication qu'une oeuvre ou un objet porte la signature ou l'estampille d'un artiste entraîne la garantie que l'artiste mentionné en est effectivement l'auteur et qu'il en va de même lorsque le nom de l'artiste est immédiatement suivi de la désignation ou du titre de l'oeuvre ; qu'au sens de ce texte, l'auteur effectif s'entend de celui qui réalise ou exécute personnellement l'oeuvre ou l'objet, condition substantielle de leur authenticité dans le cadre d'une vente publique aux enchères ;
Attendu que, lors d'une vente publique organisée par M. X... de Y..., commissaire-priseur, M. Z... a été déclaré adjudicataire, pour le prix de 38 325,00 francs, d'un tableau désigné, dans le catalogue de la vente, sous les indications suivantes : "Daniel A.... Mon petit déjeuner 1972, tableau piège : vaisselle et objets collés sur bois. Porte au dos un texte de l'artiste et la mention "pris en février-mars 1972, à Paris, 17e". Signé et daté au dos. 80 x 45 cm" ;
qu'ayant ultérieurement appris que le tableau n'était pas de la main de Daniel A... mais que, sur la proposition faite par celui-ci, aux visiteurs d'une exposition, d'exécuter un "tableau-piège", il avait été réalisé par un enfant de onze ans, à qui Daniel A... avait délivré un "brevet de garantie" destiné à être collé au dos du tableau, l'acquéreur a assigné M. X... de Y... en annulation de l'adjudication ;
Attendu que, pour débouter M. Z... de sa demande, l'arrêt retient que l'exécution personnelle n'est ni la condition nécessaire ni la condition suffisante de la reconnaissance de la qualité d'auteur, et que l'authenticité de l'oeuvre, unique condition déterminante de son consentement, avait été satisfaite ;
Attendu, cependant, qu'ayant constaté que l'oeuvre litigieuse, vendue aux enchères publiques, avait été exécutée "en brevet" par un tiers et que la simple référence, dans le catalogue de vente, à la présence, au dos du tableau, d'un texte de l'artiste, n'était pas de nature à informer l'acquéreur sur le fait que l'oeuvre n'avait pas été exécutée de la main même de Daniel A..., quand les mentions du catalogue entraînaient la garantie et, partant, la croyance erronée et excusable de l'acheteur, que celui-là était effectivement l'auteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés ;
Et sur le même moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d'oeuvres d'art et d'objets de collection, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. Z... de sa demande subsidiaire en dommages-intérêts, l'arrêt énonce que les mentions du catalogue de vente étaient exactes et suffisantes et qu'il était loisible à tout acquéreur de se reporter au texte de l'artiste figurant au dos de l'oeuvre, de sorte qu'aucune faute ne saurait être reprochée au commissaire-priseur ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que, contrairement aux mentions du catalogue de vente qui entraînaient la garantie que Daniel A... était effectivement l'auteur de l'oeuvre litigieuse, celle-ci n'était pas de la main même de l'artiste mentionné, mais avait été exécutée "en brevet" par un tiers, alors qu'il incombe au commissaire-priseur qui procède à une vente publique aux enchères de mentionner l'auteur effectif de l'oeuvre offerte à la vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... de Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... de Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille cinq.