AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Hubert X...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1995 par la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, qui, pour travail clandestin, faux, usage de faux, publicité mensongère et infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement, dont 14 mois avec sursis et mise à l'épreuve, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a statué sur les intérêts civils ;
Par arrêt du 2 décembre 1997, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a déclaré M. X... déchu de son pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry ;
M. Hubert X... a saisi la Cour européenne des droits de l'homme qui, par arrêt du 12 février 2004, a dit qu'il y avait eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
A la suite de cet arrêt, M. Hubert X... a présenté devant la Commission de réexamen d'une décision pénale une requête tendant au réexamen du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry ; cette commission a renvoyé l'examen du pourvoi devant l'Assemblée plénière ;
Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'Assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation le 16 septembre 1996 par la SCP Boré et Xavier ;
Des mémoires en défense ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par Me de Nervo le 14 novembre 1996, par la SCP Rouvière et Boutet le 30 décembre 1996, par Me Boullez le 12 juin 1997 ;
Le rapport écrit de Mme Nocquet, conseiller, et l'avis écrit de M. Finielz, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en Assemblée plénière, en l'audience publique du 25 novembre 2005, où étaient présents : M. Canivet, premier président, MM. Cotte, Weber, Ancel, Tricot, Dintilhac, présidents, M. Chagny, conseiller doyen remplaçant M. le président Sargos, empêché, Mme Nocquet, conseiller rapporteur, MM. Villien, Métivet, Bouscharain, Thavaud, Le Gall, Mme Mazars, M. Cahart, Mme Marais, MM. Breillat, Garban, Gosselin, conseillers, M. Charpenel, avocat général substituant M. l'avocat général Finielz, Mme Tardi, greffier en chef ;
Sur le rapport de Mme Nocquet, conseiller, assistée de Mme Lazerges, auditeur au Service de documentation et d'études, l'avis de M. Charpenel, avocat général, auquel Me de Nervo et la SCP Rouvière et Boutet, présents à l'audience, invités à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 12 février 2004 ayant dit qu'il y avait eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que M. Hubert X..., ayant été déchu de son pourvoi en cassation faute de s'être constitué prisonnier avant l'audience, avait subi une entrave excessive à son droit d'accès à un tribunal et à son droit un procès équitable ;
Vu les articles 626-1 à 626-7 du Code de procédure pénale ;
Vu la décision de la Commission de réexamen d'une décision pénale du 26 mai 2005, saisissant l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du réexamen du pourvoi ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 427 et 593 du Code de procédure pénale :
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de procédure que le prévenu ait régulièrement saisi la cour d'appel, dans les formes prévues par l'article 459 du Code de procédure pénale, d'une demande tendant à l'audition de témoins ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens, qui ne seraient pas de nature permettre l'admission du pourvoi ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en Assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du deux décembre deux mille cinq.
LE CONSEILLER RAPPORTEUR LE PREMIER PRESIDENT
LE GREFFIER EN CHEF
Moyens produits par la SCP Boré et Xavier, avocat aux Conseils pour M. Hubert X....
MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 531 P / 2005 (Assemblée plénière)
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
VIOLATION des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 427 et 593 du Code de procédure pénale ;
EN CE QUE l'arrêt attaqué n'a pas entendu Me Sauvan et Me Becheret qui n'ont jamais été confrontés avec le prévenu malgré sa demande plusieurs fois réitérée ;
ALORS QUE tout prévenu a le droit d'interroger ou faire interroger les témoins avec lesquels il n'a, à aucun stade de la procédure, été confronté, sauf impossibilité qu'il appartient la Cour de préciser ; qu'en refusant de faire droit à la demande de M. X..., sans d'ailleurs expliquer les raisons de son refus, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
VIOLATION des articles 441-1, 441-10, 131-26, 131-27, 131-30, 131-35 du Code pénal, L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 143-3, L. 143-5, L. 630-3, L. 362-4, L. 362-5 du Code du travail ;
EN CE QUE l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de faux, usage de faux et travail clandestin ;
AUX MOTIFS QUE les préventions de travail clandestin, faux et usage de faux sont liées et doivent être examinées ensemble ; que M. X... ne conteste pas que les sociétés Golf Hôtel du Mont-Blanc, société hôtelière, et Ogertrane, sociétés de construction, qui employaient du personnel, n'étaient pas immatriculées au registre du commerce ; qu'il prétend, en revanche, que ces deux sociétés ont été déclarées en temps utile aux organismes sociaux ; qu'il impute au liquidateur de ces sociétés le retard de régularisation de leur affiliation ; qu'il fait valoir qu'il n'avait pas immatriculer la société Ogertrane auprès des organismes sociaux puisqu'il n'employait que du personnel intérimaire ; que cependant il n'est pas contesté que les contrats de travail comportaient des mentions d'immatriculation au registre du commerce et d'affiliation auprès des organismes sociaux ; que ces mentions étaient fausses au moins pour partie puisque ces sociétés n'ont jamais été immatriculées au registre du commerce et des sociétés ; qu'en outre ces sociétés ont été déclarées et immatriculées tardivement auprès des divers organismes, à savoir fin 1991 et début 1992, avec effet rétroactif en avril ou en mai 1991, et n'ont d'ailleurs jamais payé aucune cotisation, en raison de la cessation des paiements qui a entraîné l'ouverture d'une procédure collective ; que le liquidateur judiciaire ne saurait être tenu pour responsable de faits antérieurs à sa gestion ; que si, jusqu'à la fin 1991, la société Ogertrane employait essentiellement, selon les dires de M. X..., du personnel intérimaire, elle avait néanmoins aussi du personnel permanent, tel M. Y..., chef de chantier embauché le 30 septembre 1990 par la société PM France puis passé au service de la société Ogertrane le 1er mai 1991 ; que, de même, la société Golf Hôtel du Mont-Blanc employait du personnel recruté à titre permanent, tel M. Z..., directeur commercial embauché le 15 novembre 1990 ; qu'il y a en outre lieu de noter que la société Ogertrane ne tenait pas de registre du personnel, celui-ci ayant été ouvert après le passage de l'inspecteur du travail sur le chantier où étaient employés une quinzaine d'ouvriers ; que le Trésor public ignorait l'existence de ces deux sociétés, qu'il a taxées d'office en 1992 ; que les éléments constitutifs du délit de travail clandestin prévu par l'article L. 124-9 du Code du travail sont donc réunis et qu'il résulte clairement de l'ensemble des circonstances de la cause que M. X... a volontairement dissimulé ses activités au fisc et aux organismes sociaux, de même qu'il a sciemment et volontairement induit en erreur les salariés qu'il a recrutés sur l'existence réelle et la régularité de ses entreprises ;
1 ) ALORS QUE, en constatant d'une part que M. X... avait procédé à la déclaration des sociétés auprès des divers organismes sociaux avec effet rétroactif en avril ou mai 1991, soit une date proche de leur création, et en déclarant cependant que M. X... était coupable d'avoir exercé une activité à but lucratif sans avoir procédé aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et d'avoir altéré frauduleusement la vérité en faisant mensongèrement mention d'affiliations auprès d'organismes sociaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
2 ) ALORS QUE les délits de faux et usage de faux exigent pour être constitués que soit constatée l'existence d'un préjudice ; qu'en retenant qu'en établissant et en faisant usage de bulletins de salaires portant la mention mensongère d'une immatriculation au registre du commerce, M. X... se serait rendu coupable de faux et d'usage de faux, sans constater l'existence du préjudice que ce défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés avait pu engendrer pour les salariés parties civiles, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
VIOLATION des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 alinéa 1, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation, 1134 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale ;
EN CE QUE l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de publicité mensongère ;
AUX MOTIFS QUE M. X... conteste également les infractions de publicité mensongère en déclarant que s'il n'a pu faire face à l'afflux de clients, c'est parce que le COJO a réquisitionné ses hôtels ; que cependant M. X... devait prévoir l'indisponibilité des chambres que sa société Les Nantives avait contractuellement louées au COJO ; qu'il a pris en connaissance de cause, le risque et la responsabilité de résilier unilatéralement ses engagements avec le COJO et de relouer les chambres avec d'autres clients qu'il a induits en erreur par une publicité trompeuse sur ses capacités réelles d'hébergement ;
ALORS QUE M. X... s'était légitimement fondé sur l'exception " non adimpleti contractus " pour refuser d'exécuter ses prestations auprès du COJO qui n'avait pas rempli les siennes, lesquelles étaient préalables, et il avait ainsi en toute bonne foi proposé des chambres d'hébergement existantes des particuliers ; qu'en estimant cependant que le délit de publicité mensongère était constitué dès lors que l'exposant avait reloué les chambres destinées au COJO à d'autres clients, trompant ces derniers sur ses capacités d'hébergement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.