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05/12/2005 | FRANCE | N°05-CRD016

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 05 décembre 2005, 05-CRD016


La Commission Nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, Mme Gailly, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

Statuant sur le recours formé par :

- L'agent judiciaire du Trésor ;

contre la décision du premier président de la cour d'appel de Chambéry, en date du 21 février 2005, qui a alloué à M. Emmanuel O. X... une indemnité d

e 25.000 euros en réparation de son préjudice économique et à 36.000 euros celui du préju...

La Commission Nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, Mme Gailly, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

Statuant sur le recours formé par :

- L'agent judiciaire du Trésor ;

contre la décision du premier président de la cour d'appel de Chambéry, en date du 21 février 2005, qui a alloué à M. Emmanuel O. X... une indemnité de 25.000 euros en réparation de son préjudice économique et à 36.000 euros celui du préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 21 octobre 2005, en l'absence de l'intéressé et de son avocat ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu les conclusions en défense de Me Soudan, avocat au Barreau de Chambéry, représentant M. O. X... ;

Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;

Sur le rapport de M. le conseiller Gueudet, les observations de Mme Couturier-Heller, avocat de l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION ,

Attendu que par décision du 21 février 2005 le premier président de la cour d'appel de Chambéry a alloué à M. O. X... les sommes de 25.000 euros et de 36.000 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'il a subis à raison d'une détention provisoire de 1 an et 5 jours (371 jours) effectuée du 24 janvier 2000 au 29 janvier 2001 pour des faits ayant abouti à un jugement de relaxe ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a régulièrement formé le 2 mars 2005 un recours contre cette décision pour obtenir le rejet de la demande de réparation du préjudice matériel et la réduction de l'indemnité allouée en réparation du préjudice moral ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ;que, selon l'article 149 susvisé, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que pour allouer à M. O. X... une indemnité de 25 000 euros en réparation de son préjudice économique, le premier président se fonde sur une attestation établie par un expert comptable italien selon laquelle les pertes de revenus du requérant, relatifs à une activité de "Phone Center" à Turin se sont élevées à 25 000 euros pendant la période d'incarcération ;

Attendu que l'Agent judiciaire du Trésor conclut au rejet de la demande en faisant valoir que la seule pièce fournie par le requérant est insuffisante pour établir la réalité de ce chef de préjudice dès lors qu'il est invraisemblable que le résultat net soit supérieur au résultat brut ;

Attendu que M. O. X... soutient que son préjudice économique est parfaitement justifié par l'attestation établie par un professionnel et par la décision du tribunal administratif régional du Piémont ;

Attendu qu'il appartient à celui qui invoque un préjudice d'en rapporter la preuve ; qu'à cet effet M. O. X... a produit une déclaration non signée d'un expert comptable attestant que son client " à cause de la période de détention purgée en France, période du 24/1/2000 au 30/1/2001, sur la base de ses revenus et recettes des années précédentes peut affirmer avoir subi un manque à gagner égal à 25 000 euros environ" ; qu'à ce document est joint un état des comptes au 31/12/2002 non certifié, faisant apparaître un résultat net de 23 .868,31 euros pour l'année suivant la sortie de prison mais qu'aucun document n'est produit pour les années antérieures à l'incarcération ;

qu'il résulte encore des pièces versées aux débats que M.O. X... avait fait l'objet d'une décision de rejet d'une demande de renouvellement de permis de séjour au motif que le demandeur " tout en étant titulaire d'un permis de séjour à compter du 28/3/1996 n'avait exercé une activité en conformité avec la réglementation que pendant une durée de 6 mois", et que pour contester cette décision il soutenait dans son recours du 12 juin 2001 qu'il exerçait actuellement une activité commerciale ;

Attendu que les documents produits ne permettent pas d'établir que le requérant a perdu la somme de 25.000 euros, mais qu'ils font preuve que l'intéressé avait eu une activité professionnelle avant son incarcération et qu'il en avait une à sa sortie de prison ; que dès lors il est établi qu'il a subi pendant sa détention la perte d'une chance de percevoir des revenus dont le montant doit être fixé à 13 200 euros ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que pour fixer à 36.000 euros l'indemnité réparatrice du préjudice moral le premier président retient qu'il s'agit d'une première incarcération ayant provoqué pour un ressortissant nigérien éloigné de sa famille un choc psychologique important subi pendant une année ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor fait valoir d'une part que le premier président, qui avait d'ores et déjà accordé 25.000 euros en réparation du préjudice matériel, a statué ultra petita en lui accordant 36.000 euros en réparation de son préjudice moral dès lors que la demande globale qu'il avait formée s'élevait à 60.000 euros, d'autre part que le montant alloué est trop important eu égard à la personnalité du requérant ;

Attendu que M. O. X... soutient que son préjudice moral ne peut effectivement excéder 35.000 euros mais fait valoir qu'une telle indemnité est parfaitement justifiée eu égard à son isolement, peu important que les renseignements donnés par la police sur son compte soient défavorables ;

Attendu que compte tenu de l'âge de M. O. X... au moment de son incarcération (35 ans), de sa personnalité, de la durée de sa détention (371 jours), de la séparation d'avec les membres de sa famille que celle-ci soit demeurée au Nigéria ou en Italie où il résidait, il apparaît que le montant alloué par le premier président au titre de la réparation du préjudice moral est excessif ; que les circonstances rappelées ci dessus justifient l'allocation d'une indemnité de 19.000 euros ;

Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que M. O. X... sollicite le paiement de la somme de 1500 euros à ce titre ; que l'équité n'exige pas qu'il soit fait droit à la demande fondée sur cette disposition ;

PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE partiellement le recours de l'Agent Judiciaire du Trésor;

ALLOUE à M. Emmanuel O. X... les sommes de 13.200 (treize mille deux cent euros) en réparation de son préjudice économique et de 19 000 (dix neuf mille euros) en réparation de son préjudice moral ;

REJETTE le recours pour le surplus ;

REJETTE la demande sollicitée par M. Emmanuel X... au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 5 décembre 2005 par le président de la Commission nationale de réparation des détentions


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 05-CRD016
Date de la décision : 05/12/2005

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 21 février 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 05 déc. 2005, pourvoi n°05-CRD016


Composition du Tribunal
Président : M. Gueudet, président
Avocat général : M. Charpenel, avocat général
Rapporteur ?: M. Gueudet, rapporteur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.CRD016
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