La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, M. Breillat, conseiller, Mme Gailly, conseiller référendaire, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- M. Alexis X...,
contre la décision du premier président de la cour d'appel de Nîmes en date du 20 avril 2005 qui lui a alloué une indemnité de 7.800 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 14 novembre 2005, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de M. Fortunet, avocat au Barreau d'Avignon, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de M. Fortunet ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Breillat, les observations de M. Fortunet, avocat assistant M. X..., celles de M. X... comparant et de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION ,
Attendu que par décision du 20 avril 2005, le premier président de la cour d'appel de Nîmes a alloué à M. X... 3.800 euros en indemnisation de son préjudice matériel, et 4.000 euros au titre du préjudice moral à raison d'une détention de 3 mois et 8 jours effectuée du 17 février au 26 mai 1997 ;
Que M. X... a régulièrement formé un recours contre cette décision tendant à obtenir 160.000 euros au titre du préjudice matériel, 50.000 euros au titre du préjudice moral et 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Que l'agent judiciaire du Trésor et le Procureur Général près la Cour de cassation concluent au rejet ;
Vu les articles 149 et 150 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée , à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive; que cette indemnité répare intégralement le préjudice personnel, moral et matériel directement lié à la privation de liberté ;
Sur le préjudice moral :
Attendu qu' à l'appui de sa demande, M. X... fait valoir, sur le préjudice moral :
- que les répercussions de la détention ont été aggravées par "la suspicion et les perturbations qu'elle a induites dans son entourage familial, social et professionnel" ;
- que l'affaire a eu un important retentissement médiatique dont n'a pas bénéficié la décision de relaxe ;
Mais attendu que les atteintes à l'honneur et à la réputation émanant d'articles de presse ne peuvent être réparées sur le fondement des dispositions de l'article 149 du Code de procédure pénale ;
Que compte tenu de l'âge du requérant lors de son incarcération (58 ans), de la durée de la détention, du choc psychologique enduré, et du fait que l'intéressé n'avait pas d'antécédents judiciaires, il convient de fixer à 6.000 euros l'indemnité qui assurera la réparation intégrale du préjudice moral directement subi par M. X... ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu, sur le préjudice économique, que le requérant soutient :
- que lors de son incarcération il assurait, en qualité de salarié, la gestion de la société X... International SA, entreprise de négoce automobile installée en Belgique ;
- que l'affaire a abouti à la ruine de sa société ; qu'il a été alors licencié sans indemnité ni droit aux allocations sociales, et que, en raison de son âge, il n'avait pas pu retrouver une situation professionnelle correcte ;
- que l'indemnité allouée en première instance, ne visant que les seuls salaires perdus, est insuffisante à réparer l'entier dommage ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats, et notamment de l'attestation d'un expert comptable, dans la mesure où elle n'est étayée par aucun document afférent à la procédure collective, et en particulier les décisions judiciaires concernées, que la détention provisoire de M. X... a été à l'origine de la faillite de la société X... ; que M. X... n'apporte, en la présente instance, d' élément susceptible d'établir l'existence d'un préjudice matériel supérieur à celui réparé en première instance et correspondant à la perte des salaires pendant la durée de la détention ; qu'en conséquence la juste évaluation opérée de ce chef par le premier président sera retenue ;
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que l'équité commande de faire bénéficier le requérant des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours en ce qui concerne le préjudice moral ;
Statuant à nouveau ;
ALLOUE à M. Alexis X... 6.000 (six mille euros)à ce titre ;
outre 2.000 (deux mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 14 décembre 2005 par le président de la Commission nationale de réparation des détentions,
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.