AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 décembre 2003), que par acte sous-seing privé du 28 octobre 1998, les époux X... se sont engagés à acquérir moyennant le prix de 3.000.000 F un immeuble vendu par les époux Y..., sous la condition suspensive d'obtenir un prêt bancaire de 2.500.000 francs dans les deux mois ; que les époux Y..., avisés le 30 décembre 1998 de la non-obtention du crédit et faisant grief à leurs acquéreurs d'avoir fourni des indications de revenus erronées, les ont assignés pour voir juger que la condition suspensive était réputée accomplie, en résolution de la vente et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :
1 / que l'acte de vente conclu entre les époux X... et les époux Y... ne comportait aucune mention faisant état d'un revenu mensuel de M. X... d'un montant de 70 000 francs ; qu'en affirmant que le contrat avait engagé les parties sur la base d'un revenu mensuel de l'acquéreur d'un montant de 70 000 francs et que si celui-ci ne faisait pas mention d'une rémunération de M. X... par "royalties" tous les six mois, il faisait état d'un revenu mensuel de ce dernier, les juges du fond ont dénaturé l'acte de vente du 28 octobre 1998 et violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / qu'à défaut de précision dans le contrat, le bénéficiaire d'une vente sous condition suspensive d'obtention d'un prêt n'est pas tenu de donner toutes indications sur le caractère particulier de ses revenus et n'empêche pas de ce seul fait l'accomplissement de la condition ; qu'en l'espèce, la vente consentie par les époux Y... aux époux X... était soumise à la condition suspensive de l'obtention d'un prêt immobilier ; qu'aucune obligation n'était faite aux époux X... de préciser la nature et la périodicité de leurs revenus ; qu'en reprochant aux époux X... de n'avoir pas déclaré leurs ressources réelles pour en déduire qu'ils avaient empêché l'accomplissement de la condition suspensive d'obtention d'un prêt du seul fait qu'ils avaient fait état, dans une fiche de renseignement de solvabilité remise à l'agence immobilière, d'un salaire mensuel de M. X..., en qualité de manager-producteur, d'environ 70 000 francs sans préciser qu'il s'agissait de "royalties" perçues semestriellement, la cour d'appel a ajouté à la vente une condition qu'elle ne comportait pas et violé les articles 1134, 1147 et 1178 du Code civil ;
3 / que la condition suspensive d'obtention d'un prêt, figurant dans un acte de vente, n'est réputée accomplie que si l'acquéreur a empêché ultérieurement la réalisation de la condition, notamment par une absence de diligences ou de fausses déclarations auprès des organismes prêteurs ; que le fait que l'acquéreur n'ait pas indiqué le montant et la nature exacts de ses revenus avant la signature de la promesse est sans incidence sur la réalisation de la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt dès l'instant que le bénéficiaire a déclaré ses ressources réelles aux organismes prêteurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait justifié auprès des établissements de ses revenus actuels qui ne portaient que sur six mois ("royalties") ; que M. X... ayant ainsi déclaré ses revenus réels aux établissements bancaires, l'absence de déclaration, par les époux X..., de leurs revenus réels avant la signature de la vente ne pouvait donc avoir pour effet d'empêcher la réalisation de la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt bancaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1178 du Code civil ;
4 / que l'acte de vente du 28 octobre 1998 prévoyait que la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt serait réputée accomplie que dans le seul cas de négligences ou de non accomplissement des diligences nécessaires ou d'un refus personnel d'accepter une ou plusieurs offres de prêts et non dans le cas où les époux X... n'auraient pas déclaré leurs ressources réelles ; qu'en retenant néanmoins qu'en ne déclarant pas leurs ressources réelles, les époux X... avaient empêché l'accomplissement de la condition suspensive, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1178 du Code civil ;
5 / qu'il résulte des constatations mêmes de la cour d'appel que les époux X... avaient mandaté la société El Immobilier pour rechercher un prêt, que celle-ci avait procédé à sa mission mais que les démarches effectuées auprès des différents établissements bancaires s'étaient d'emblée révélées infructueuses du fait de la dernière déclaration d'impôts de M. X... et de ses revenus actuels ne portant que sur une période de six mois ("royalties") ; que les époux X... avaient donc suffisamment respecté leur obligation de diligence en chargeant un tiers de leur trouver un prêt et en lui confiant le dossier nécessaire à l'obtention de ce prêt mais qu'ils s'étaient heurtés au refus des établissements bancaires sollicités ; qu'en retenant que les époux X... s'étaient abstenus d'effectuer, soit directement, soit par l'intermédiaire de la société El Immobilier, toutes recherches sérieuses en vue d'obtenir un prêt sans expliquer en quoi les époux X..., qui, par l'intermédiaire d'un mandataire, avaient sollicité plusieurs établissements bancaires et n'étaient pas tenus d'insister auprès de ces établissements ayant refusé le prêt demandé et de provoquer leurs explications, auraient fait preuve de négligence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1178 et 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait de l'attestation établie par l'assistante en courtage de prêts immobiliers que les banques n'avaient pas pris la peine de regarder le dossier que M. X... avait remis, du fait de sa dernière "déclaration d'impôts", égale à zéro, et de ses revenus actuels ne portant que sur une période de six mois, composés de "royalties", et retenu que les époux X... n'avaient pas déclaré leurs ressources réelles et qu'ils s'étaient abstenus d'effectuer toutes recherches sérieuses en vue d'obtenir un prêt, la cour d'appel, sans dénaturation, a pu en déduire qu'ils avaient empêché l'accomplissement de la condition suspensive ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux X... à payer aux époux Y... la somme de 2 000 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille six.