LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que si l'interprétation de la volonté du défunt, exprimée dans son testament, appartient exclusivement aux juges du fond, ceux-ci ne peuvent néanmoins refaire le testament qui leur est soumis en ne se référant qu'à des éléments d'appréciation extérieurs à ce document fondés sur des circonstances postérieures au décès du testateur ;
Attendu que Jeanne X... est décédée le 5 janvier 1997 après avoir, par testament du 21 février 1994, institué Roger Y..., légataire universel à charge de fournir à son frère, M. X..., gratuitement et sa vie durant tous les soins dont il pourrait avoir besoin ; que Roger Y... est décédé le 29 janvier 1997, sa succession ayant été acceptée par ses neveu et nièce, M. Z... et Mme A... ; que, postérieurement, M. X... est devenu pensionnaire d'une maison de retraite ; que, par acte sous seing privé en date du 22 août 1997 reçu le 10 janvier 1998 par M. B..., notaire, M. X... et les consorts Z... ont convenu de préciser la charge imposée par Jeanne X... à son légataire ;
Attendu que, pour débouter M. X... de ses demandes en nullité de l'acte du 22 août 1997 et en indemnités dirigées contre M. Z... et Mme A..., l'arrêt attaqué retient qu'eu égard à la modestie de l'émolument reçu par les héritiers de Roger Y... du legs que lui avait consenti Jeanne X..., alors que M. X..., pensionnaire depuis le mois d'août 1997 dans une maison de retraite, ne pouvait faire face avec ses seuls revenus à la totalité des frais de séjour dans cet établissement, et que M. Z... ainsi que Mme A... prenaient en charge ses "petits frais", ainsi que sa dépense de mutuelle, Jeanne X... n'avait pas entendu mettre à la charge des héritiers de son légataire universel celle du séjour de son frère en maison de retraite, mais leur avait simplement imposé d'assurer auprès de lui une présence affectueuse et de lui fournir les soins qui ne lui seraient pas assurés par ailleurs ;
Attendu qu'en ne se fondant, pour interpréter les termes du testament de Jeanne X..., que sur des circonstances postérieures au décès de cette dernière, la cour d'appel a méconnu les prescriptions du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Z... et Mme A... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille six.