La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- M. Tarik X...,
contre la décision du premier président de la cour d'appel de Paris en date du 18 octobre 2005 qui lui a alloué une indemnité de 3.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code précité ; ainsi qu'une somme de 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 31 mars 2006, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de M. Louis, avocat au Barreau du Val de Marne, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Chaumont , les observations de M. Louis Palisse, avocat assistant M. X..., celles de M. X..., comparant, et de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION,
Attendu que, par décision du 18 octobre 2005, le premier président de la cour d'appel de Paris, saisi par M. X... d'une requête en réparation, à raison d'une détention provisoire effectuée du 12 avril au 16 juin 2003, pour des faits ayant donné lieu à un jugement de relaxe devenu définitif, lui a alloué la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral et a rejeté sa demande en réparation d'un préjudice matériel ;
Attendu que M. X... a régulièrement formé, le 1er août 2005, un recours contre cette décision tendant au paiement de la somme de 10 000 euros au titre du préjudice matériel et à la majoration de celle accordée au titre du préjudice moral ;
Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu que M. X... fait valoir qu'au moment de son incarcération, il était inscrit en terminale électrotechnique et, qu'étant détenu, il n'a pu se présenter aux épreuves du brevet d'études professionnelles et du certificat d'aptitude professionnelle, qui se sont déroulées du 22 mai au 13 juin 2003; qu'il ajoute que, l'année suivante, il s'est présenté mais a échoué en raison du traumatisme moral qu'il avait subi et de l'imminence de l'audience de jugement qui le rendait très anxieux ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut au rejet de la demande estimant que si M.X... a été incarcéré au cours de sa dernière année de brevet d'études professionnelles, il n'a pas perdu de chance de mener à bien sa formation qu'il avait reprise l'année suivante ;
Attendu que l'avocat général estime que le premier échec à l'examen, lié à l'impossibilité de se présenter aux épreuves, peut être considéré comme la perte d'une chance de le réussir mais non le second ;
Attendu que l'incarcération de M. X... au moment du déroulement des épreuves du brevet d'études professionnelles et du certificat d'aptitude professionnelle auxquelles il a été convoqué, lui a fait perdre une chance de réussir son examen et l'a contraint à recommencer une année scolaire afin de pouvoir à nouveau se présenter aux épreuves; qu'il en résulte un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 1 500 euros ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que M. X... explique qu'il a particulièrement mal vécu sa détention alors qu'il se savait innocent, qu'il n'avait aucune expérience de l'emprisonnement et qu'il n'a bénéficié d'aucune visite en raison du rejet des demandes d'autorisation présentées par sa famille ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor estime que le demandeur ne démontre pas l'existence de circonstances particulières qui justifieraient l'augmentation de l'indemnité qui lui a été allouée; que l'avocat général conclut également à la confirmation de la décision de ce chef ;
Attendu que, compte tenu de l'âge de M. X... lors de sa mise sous écrou (18 ans), de la durée de l'emprisonnement (64 jours), de l'absence de tout antécédent d'incarcération, de la rupture temporaire des relations familiales et du choc carcéral ressenti, l'indemnité réparatrice de l'intégralité de son préjudice moral doit être fixée à 6 400 euros ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours de M. Tarik X... et statuant à nouveau ;
Lui ALLOUE les sommes de 1 500 (MILLE CINQ CENTS EUROS) et 6.400 (SIX MILLE QUATRE CENTS EUROS) en réparation de ses préjudices matériel et moral ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 2 mai 2006 par le président de la Commission nationale de réparation des détentions,
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.