AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 28 septembre 2004), qu'à la suite de la signature le 29 juin 1999 d'un accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, et le 15 février 2000, de la convention Etat-entreprise prévue par la loi n° 98-461 du 13 juin 1998, les établissements composant alors l'Union économique et sociale Marionnaud (UES) ont bénéficié d'aides de l'Etat venant en déduction de leurs cotisations sociales et par la suite des allégements de cotisations sociales prévus par la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 ; que divers avenants à ces accords et conventions sont intervenus à la suite de l'intégration de nouveaux établissements, notamment en date du 24 mars 2000, un avenant à l'accord collectif ayant précisé que "tous les établissements intégrés à partir du 1er avril 2000 seront systématiquement annexés" ; que la société Marionnaud Nancy, créée le 13 juillet 2000, a appliqué les aides et allégements précités avant la signature, le 16 août 2001, d'un avenant à la convention Etat-entreprise prenant en compte son intégration à l'UES Marionnaud ; qu'à la suite d'un contrôle opéré sur la base de renseignements communiqués par l'URSSAF de Paris, l'URSSAF de Chaumont lui a notifié le 9 novembre 2001 les bases d'un redressement concernant chacun de ses cinq établissements, au motif que l'autorité signataire de l'avenant précité avait fixé l'ouverture de ses droits aux aides et allégements au 1er juin 2001 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Marionnaud Nancy fait grief à la cour d'appel d'avoir déclaré les opérations de contrôle régulières, alors, selon le moyen :
1 / - que la prise en considération de renseignements fournis par un autre organisme en vue d'un redressement constitue un contrôle au sens de l'article L. 243-7 du Code de la sécurité sociale, en sorte qu'il appartient à l'URSSAF, avant de procéder au redressement de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article R. 243-59 du même code ; qu'il résulte de ce texte que tout contrôle est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'en jugeant que l'envoi de l'avis n'était exigé par le code de la sécurité sociale qu'en cas de déplacement d'un inspecteur de l'URSSAF au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes précités ;
2 / - qu'il résulte de l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale que la lettre d'observation adressée par l'inspecteur à l'issue du contrôle, doit permettre à l'employeur de connaître les erreurs ou omissions qui lui sont reprochées, afin qu'il soit en mesure d'y répondre;
que tel n'est pas le cas de la lettre qui se borne à faire état d'une décision de la DDTEFP refusant les allégements Aubry I et Aubry II pratiqués avant le 1er juin 2001, sans préciser les erreurs ou omissions de l'employeur qui ont fondé cette décision, ce dernier ne pouvant alors valablement exercer son droit de réponse; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire applicable à la procédure de contrôle, en violation des textes précités ;
Mais attendu d'abord, que si la prise en considération des renseignements communiqués par un autre organisme social en vue d'un redressement constitue un contrôle au sens de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale, la régularité d'un tel contrôle n'est pas subordonnée à l'envoi de l'avis préalable prévu par l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale, lequel a pour objet d'informer l'employeur de la date de la première visite de l'inspecteur du recouvrement ;
Et attendu ensuite, qu'il résulte de la procédure qu'après avoir visé les dispositions de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 et de ses décrets d'application, les lettres d'observations litigieuses rappelaient notamment que subordonné à un accord d'entreprise, le dispositif d'aide litigieux devait donner lieu en outre à une convention avec l'Etat, représenté éventuellement par le directeur départemental du travail de l'emploi et de la formation professionnelle, lequel avait fixé la date d'ouverture des droits de la société Marionnaud Nancy au 1er juin 2001 ;
qu'au vu de ces mentions, qui permettaient à l'employeur d'avoir connaissance de l'objet du contrôle et de la nature du redressement, la cour d'appel a exactement décidé que les documents précités étaient conformes aux exigences de l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Marionnaud Nancy fait grief à l'arrêt d'avoir fixé au 1er juin 2001 la date d'ouverture de ses droits aux aides et litigieuses alors, selon le moyen :
1 / - que le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur pour pratiquer les aides prévues par les lois Aubry I et Aubry II en contrepartie de la réduction collective de la durée du travail, décider sans violer le principe de la séparation des pouvoirs que l'employeur n'est pas bénéficiaire des dites aides ; qu'il résulte des deux avenants régularisés par la DDTEFP le 16 août 2001 que l'Etat a donné son accord pour que la réduction collective du temps de travail et partant, le bénéfice des aides prévues par les lois Aubry I et II, soient applicables rétroactivement au sein de l'UES Marionnaud à compter du 1er mars puis du 1er avril 2000, étant précisé que les entreprises qui intégreraient postérieurement l'UES, seraient systématiquement soumises à ce régime ; qu'en jugeant que la société Marionnaud Nancy ne démontrait pas avoir obtenu l'accord de la DDTEFP pour bénéficier des aides en contrepartie de la réduction collective du temps de travail, dès le mois de novembre 2000, la cour d'appel a violé les avenants précités, constitutifs de décisions administratives définitives, et violé le principe de la séparation des pouvoirs posé par la loi des 16-24 août 1790 ;
2 / - qu'il résulte de l'avenant du 24 mars 2000 complétant l'accord de réduction collective du temps de travail, que la date de prise d'effet de cet accord, et partant de l'ouverture du droit aux aides prévues par les lois Aubry I et II, est celle "du premier jour du mois suivant la signature de l'avenant avec l'Etat"; qu'en vertu des deux avenants signés par l'Etat le 16 août 2001, qui ont fixé rétroactivement l'application de l'horaire collectif réduit aux dates du 1er mars puis du 1er avril 2000, la date de "signature de l'avenant avec l'Etat" est celle à laquelle ces avenants ont fait rétroagir leurs effets; qu'ainsi "le premier jour du mois qui suit la signature de l'avenant avec l'Etat" date de prise d'effet de l'accord et d'ouverture du droit aux aides, correspond au 1er mai 2000 ; qu'en retenant que la société Marionnaud Nancy n'était pas autorisée à pratiquer les aides à partir du mois de novembre 2000, la cour d'appel, de ce chef encore, a statué en violation des décisions administratives du 16 août 2001 ;
3 / - que le décret n° 98-495 du 22 juin 1998 organise un suivi de l'exécution des conventions de réduction du temps de travail passées avec l'Etat dans les conditions prévues par l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 (article 7), et prévoit des sanctions en cas d'inexécution par l'employeur des obligations mises à sa charge par la convention (article 1er et suivants) ; qu'en relevant que la société Marionnaud Nancy ne pouvait prétendre appliquer les aides sans aucun contrôle sur la réalisation des contreparties dont elles étaient assorties, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation des textes précités ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des paragraphes IV et VI de l'article 3 de la loi n° 98-61 du 13 juin 1998, qu' instaurée pour chacun des salariés auxquels s'applique la réduction du temps de travail ainsi que pour ceux embauchés dans le cadre de ce dispositif, l'aide prévue par ce texte est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat, après vérification par l'autorité représentant l'Etat de la conformité de l'accord collectif aux dispositions légales ;
Et attendu qu'ayant relevé que la situation créée par l'intégration de la société Marionnaud Nancy à l'UES Marionnaud n'avait été soumise au contrôle du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, représentant l'Etat, que dans le cadre de la signature, le 16 août 2001, d'avenants à la convention Etat-entreprise, de sorte que cet employeur ne pouvait prétendre aux aides et allégement litigieux avant le 1er juin 2001, date retenue par la commission de recours amiable de l'URSSAF, la cour d'appel a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que le redressement litigieux était justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marionnaud Nancy aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la société Marionnaud Nancy et de l'URSSAF de Meurthe et Moselle ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. X..., conseiller le plus ancien, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du trois mai deux mille six.