AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 25 février 2004) et les productions, que dans le cadre d'un litige l'opposant à une société de droit anglais, porté devant les juridictions anglaises, M. X... a sollicité les conseils et assistance de la société d'avocats Fidal, laquelle a sollicité à son tour le concours d'un cabinet d'avocats anglais ; que contestant la qualité du travail fourni par la société Fidal et par le cabinet d'avocats anglais, M. X... a refusé de régler la facture d'honoraires du 6 octobre 1999, en garantie du paiement de laquelle il avait émis un billet à ordre à échéance du 15 décembre 2000, qu'il a également refusé de régler les honoraires du cabinet anglais tels que fixés par une décision de la High Court of justice ainsi que l'ensemble des honoraires et frais exposés par la société Fidal devant cette juridiction ; que le litige a été soumis au bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir constaté qu'il restait redevable envers la société Fidal de la facture du 6 octobre 1999 d'un montant de 214 916,05 euros TTC alors, selon le moyen :
1 / qu'en statuant par le motif tiré de ce que le contreseing de la lettre datée du 26 septembre 2000 comportait une date ne pouvant s'y rapporter, faisant référence au 26 juin 2000, motif inopérant, dès lors que la cour d'appel n'a pas nié l'authenticité de cette lettre ni de son contreseing, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;
2 / qu'en énonçant que le courrier ultérieur de M. X... du 4 (en réalité 1er) février 2001 faisait des propositions de versement, quand cette lettre qui se bornait à rappeler que M. Y... avait reçu une traite en garantie, loin de faire des propositions de versement, différait sa réponse et la formulation d'une telle proposition après une réunion à intervenir avec ses représentants anglais, le premier président de la cour d'appel a dénaturé la portée de ladite lettre, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'ordonnance retient que la facture du 6 octobre 1999 a fait l'objet d'un billet à ordre émis postérieurement par M. X... le 26 septembre 2000 à échéance du 15 décembre 2000 ; que la validité de ce billet qui est un moyen de paiement, n'a jamais été contestée par M. X... ; que ce dernier est revenu impayé non en raison d'une opposition à paiement mais du fait de l'absence de provision ; que la lettre datée du 26 septembre 2000 émanant de M. X... et invoquée par ce dernier ne saurait emporter de conséquences juridiques et remettre en cause la portée et la validité dudit billet, le contreseing de M. Y..., ancien associé de la société Fidal, destiné à la valider comportant manifestement une date ne pouvant s'y rapporter, faisant référence au 26 juin 2000 ; que le courrier ultérieur de M. X... du 4 février 2001 ne remet pas en cause la validité dudit billet et fait des propositions de versement ; qu'eu égard à l'émission d'un effet de commerce afin d'acquitter la facture du 6 octobre 1999 qui a été émise postérieurement à l'accomplissement des diligences, donc après service rendu, il y a lieu de dire que M. X... est redevable de cette dernière ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui ont été soumis, le premier président, hors toute dénaturation, et abstraction faite du motif inopérant tiré de la date du contreseing, a justement déduit que ni la lettre du 26 septembre 2000 ni celle du 1er février 2001 n'étaient de nature à remettre en cause la validité du billet à ordre remis à la société Fidal après services rendus ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'ordonnance d'avoir dit qu'il était également redevable envers la société Fidal de la contre-valeur en euros de la somme de 271 765,20 livres sterling correspondant aux honoraires du cabinet d'avocats anglais et aux frais et honoraires supportés par la société Fidal, alors, selon le moyen :
1 / que ne constituaient pas des "débours" au sens de la section 5 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, et ne relevaient pas de la procédure prévue par les articles 174 et suivants dudit décret, les condamnations prononcées par la juridiction anglaise à l'encontre de la Selafa Fidal en règlement des honoraires du cabinet anglais, de sorte qu'en statuant comme il l'a fait sous couvert de la qualification erronée de "débours" conférée aux sommes dont le remboursement était sollicité par la société Fidal, le premier président de la cour d'appel de Versailles a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en violation des articles 174 et 176 du décret du 27 novembre 1991 ;
2 / qu'en statuant comme il l'a fait, sans répondre aux écritures de M. X... faisant valoir que la somme au paiement de laquelle la société Fidal avait été condamnée au titre des honoraires dus au cabinet anglais s'élevait à la somme de 190 000 livres sterling, en sorte qu'il ne pouvait être tenu au paiement de la différence, soit la somme de 25 554,54 livres sterling, correspondant à des frais irrépétibles alloués à ce cabinet dans le cadre de l'instance engagée devant la juridiction anglaise, le premier président de la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que ne constituaient pas des "débours" au sens de la section 5 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, et ne relevaient pas de la procédure prévue par les articles 174 et suivants dudit décret, les frais d'avocat exposés par la Selafa Fidal pour sa propre défense devant la juridiction anglaise dans l'instance en paiement des honoraires du cabinet anglais, de sorte qu'en statuant comme il l'a fait sous couvert de la qualification erronée de "débours" conférée aux sommes ainsi engagées par la société Fidal, le premier président de la cour d'appel de Versailles a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en violation des articles 174 et 176 du décret du 27 novembre 1991 ;
Mais attendu que l'ordonnance retient exactement que les montants au paiement desquels la société Fidal a été condamnée par la juridiction anglaise pour le compte de M. X... et au profit du cabinet d'avocats anglais ainsi que les sommes qu'elle a dû exposer au titre de sa défense devant cette juridiction, soit au total 271 765,20 livres sont assimilables à des frais et débours au sens du décret du 27 novembre 1991 et doivent être supportés par M. X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Fidal fait grief à l'ordonnance de l'avoir déboutée de sa demande en paiement des factures des 30 septembre 2000 et 19 février 2001, alors, selon le moyen, que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance de preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'ayant considéré que la facture du 6 octobre 1999 avait été émise après services rendus et ayant constaté que la Selafa Fidal avait cessé ses diligences en février 2001 d'où il s'évinçait que l'existence de la créance de FIDAL, relatives aux diligences effectuées entre le mois d'octobre 1999 et le mois de février 2001, n'était pas discutable, le premier président s'est borné à relever que la société Fidal n'établissait pas le volume des diligences opérées ; qu'en déboutant ainsi purement et simplement la société Fidal de sa demande, le premier président a refusé de statuer, commettant un déni de justice en violation de l'article 4 du Code civil ;
Mais attendu que l'ordonnance retient que, s'agissant des quatrième et cinquième factures des 30 septembre 2000 et 19 février 2001, il est constant qu'elles n'ont pas été payées, même partiellement ; qu'il appartient à tout demandeur et notamment à une société d'avocats de justifier la réalité des travaux accomplis en contrepartie des sommes réclamées ; qu'en l'espèce, alors que M. X... conteste le volume des diligences opérées, la Selafa Fidal tout en invoquant un nombre considérable d'heures de travail passées dans l'intérêt de son client ne produit aucune pièce et notamment des projets d'écritures, des copies de mémoire, des courriers, des dires aux experts, des analyses ou synthèses de notices techniques, ou encore des comptes-rendus de rendez-vous ; que le seul récapitulatif dénommé "travaux réalisés par Fidal" ne saurait y suppléer de même que les propos qu'aurait tenus M. Y... lors de l'instance ordinale ;"
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui ont été soumis, le premier président, qui a statué sur les demandes, a pu déduire la carence de la société Fidal a établir la preuve des diligences qu'elle prétendait avoir accomplies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. X... et de la Selafa Fidal ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille six.