La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, M. Breillat, conseiller, Mme Gorce, conseiller référendaire, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- M. Robert X...,
contre la décision du premier président de la cour d'appel de Besançon en date du 13 octobre 2005 qui lui a alloué une indemnité de 21 463 15 euros en réparation de son préjudice matériel et une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 2 mai 2006, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de M. Gonnin, avocat au Barreau de Belfort, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de M. Gonnin ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Gorce, les observations de M. Gonnin, avocat assistant M. Robert X..., celles de M. X... comparant, et de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION,
Attendu que par décision du 13 octobre 2005, le premier président de la cour d'appel de Besançon a alloué à M. Robert X... une somme de 21 463,15 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, en raison d'une détention provisoire subie du 29 novembre 1996 au 28 mai 1997, soit d'une durée de 179 jours, pour des faits ayant donné lieu une décision de relaxe devenue définitive ;
Attendu que M. Robert X... a formé un recours contre cette décision; qu'il demande que son préjudice matériel soit porté à la somme de 27 764,83 euros et son préjudice moral à celle de 30 000 euros ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor et le procureur général concluent à titre principal à l'irrecevabilité du recours de M. Robert X..., et subsidiairement à son rejet ;
Sur la recevabilité du recours ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor et le procureur général font valoir que le recours de M. Robert X... est irrecevable d'une part faute par son conseil d'avoir conformément aux dispositions de l'article R 40-4 du code de procédure pénale, remis au greffe de la cour d'appel de Besançon sa déclaration de recours; d'autre part au motif qu'il aurait été formé au nom des deux frères X... et non au nom de chacun d'eux ;
Attendu que M. Robert X... expose que, le 2 novembre 2005, il a déposé son recours au greffe du parquet général de la cour d'appel de Besançon après l'avoir transmis, par erreur, directement à la Commission nationale le 27 octobre 2005; qu'un nouveau recours a été remis greffe du premier président le 3 novembre 2005; qu'ainsi son recours est conforme aux dispositions de l'article R 40-4 précité ;
Attendu les dispositions de l'article R 40-4 du code de procédure pénale, imposent la remise effective, par le requérant ou son représentant, de sa déclaration de recours au greffe de la cour d'appel ;
Attendu que M. Robert X... justifie qu' une nouvelle déclaration de recours établie par son conseil, pour lui même et pour son frère Sergio, datée du 2 novembre 2005, a été reçue le jour même par le greffe du parquet général de la cour d'appel de Besançon, qui l'a transmis au greffe du premier président, qui a mentionné l'avoir reçu le 3 novembre 2005 ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que le recours formé par le conseil de M. Robert X..., qui est assorti de conclusions distinctes pour chacun des deux frères, a été régulièrement remis au greffe de la cour d'appel de Besançon dans les délais; qu'ainsi ce recours doit être déclaré recevable ;
Sur l'indemnisation du préjudice;
Vu les articles 149 et 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté;
Sur le préjudice matériel:
Attendu que M. Robert X... sollicite les sommes de :
- 15 881,64 euros au titre de la perte de salaires qu'il a subie pendant son incarcération,
- 1 905,16 euros au titre des pertes de salaires qu'il a subies du 28 mai, date de sa sortie de prison, au 30 juin 1997,
- 9 978,03 euros pour celles qu'il a connues à compter du 1er juillet 1997 et pendant une durée d'un an, cette somme représentant la différence entre le montant des salaires qu'il aurait perçus s'il n'avait pas été incarcéré et le montant de ceux qu'il a effectivement perçus,
- 8 420 euros au titre de ses frais d'avocat et 1 575 supportés par la communauté pour les visites de sa femme en détention ;
Attendu que le premier président lui a alloué:
- s'agissant de la perte de rémunération pendant la période d'incarcération, la somme de 15 881,64 euros qui était demandée,
- s'agissant de la perte de rémunération postérieure, la somme de 2 735,18 euros du 28 mai au 1er juillet 1997, sous déduction de l'indemnité servie par les ASSEDICS entre le 8 et le 30 juin 1997 (830,72 euros) ;
- s'agissant des frais d'avocat, la somme de 3 677,07 euros correspondant aux factures afférentes à la période de détention de M. X... ;
Attendu que pour rejeter la demande relative à la différence de salaires entre ceux réellement perçus à compter du 1er juillet 1997 et ceux auxquels il aurait pu prétendre s'il n'avait pas été incarcéré, le premier président a estimé qu'il n'était pas établi, compte tenu des difficultés du groupe familial, qu'à la suite des enquêtes suivies sur les agissements de son principal animateur, M. Robert X... aurait pu continuer à percevoir les salaires conséquents alloués à tous les membres de la famille, actionnaires et employés dans les sociétés du groupe ;
Attendu que M. Robert X... a incontestablement subi une perte d'activité du fait de son incarcération et, postérieurement à celle-ci, jusqu'au 1er juillet 1997, date à laquelle il a retrouvé du travail ;
Que l'indemnité allouée par le premier président doit donc être confirmée de ce chef ;
Attendu qu'en revanche, pour la période postérieure au 1er juillet 1997, M. Robert X... ne peut valablement prétendre qu'il aurait continué de percevoir des revenus équivalents à ceux qu'il percevait avant son incarcération, alors que comme l'a constaté le premier président, la société dont il était salarié étant concernée par les agissements délictuels de Luciano X..., rien ne garantissait que sa situation professionnelle serait demeurée identique; qu'ainsi, M. Robert X... ne justifie pas que cette perte de revenu résulterait directement de son placement en détention ;
Attendu que le remboursement des frais engagés au titre de la défense, notamment des honoraires versés à un avocat, ne peut concerner que les prestations directement liées à la privation de liberté ;
Attendu que le remboursement de ces frais n'est justifié qu'à hauteur de la somme de 3 677,07 euros ; qu'il convient de confirmer la décision du premier président sur ce point ;
Attendu enfin que pour rejeter la demande de M. Robert X... relative aux frais de déplacement supportés par son épouse pendant sa détention, le premier président a estimé que ce chef de préjudice ne lui était pas personnel ;
Attendu cependant, que dès lors que les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale et que les frais nécessités par les déplacements de son épouse à la maison d'arrêt ont été supportés par la communauté, M. Robert X... est fondé à se prévaloir d'un préjudice personnel à hauteur de la moitié des frais engagés; qu'il convient d'accueillir son recours et de lui allouer la somme de 787,50 euros à ce titre ;
Attendu au total qu'il convient d'allouer à M. Robert X... les sommes de 15 881,64 +1 904,46 + 3 677,07 + 787,50 soit au total la somme de 22 250,67 euros au titre de son préjudice matériel ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que pour allouer une somme de 10 000 euros à M. Robert X..., le premier président a retenu que celui-ci n'avait pas de passé carcéral et que son placement en détention avait eu un impact certain sur lui ;
Attendu que, compte tenu de son âge au moment de son incarcération (41ans), de la durée de celle-ci (179 jours), de l'absence de toute détention antérieure, de la séparation d'avec l'entourage familial et de la souffrance qui en est résultée, l'indemnité réparant intégralement le préjudice moral subi par M. X... doit être fixée à la somme de 18 000 euros ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE recevable le recours de M. Robert X... ;
ACCUEILLE le recours et statuant à nouveau ;
ALLOUE à M. Robert X... la somme de 22 250,67 (VINGT DEUX MILLE DEUX CENT CINQUANTE EUROS ET SOIXANTE SEPT CENTIMES) en réparation de son préjudice matériel et celle de 18 000 (DIX HUIT MILLE EUROS) en réparation de son préjudice moral ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 29 mai 2006 par le président de la Commission nationale de réparation des détentions,
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.