AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que le juge aux affaires matrimoniales a fixé, par ordonnance de non-conciliation du 2 septembre 1992, la part contributive de M. X... à l'entretien et l'éducation de ses deux enfants mineurs dont la résidence était fixée chez leur mère, Mme Y... ; que cette dernière ayant perçu l'allocation de soutien familial, la caisse d'allocations familiales de la Vendée (la caisse) a engagé à l'encontre de M. X... une procédure de recouvrement public pour obtenir le paiement d'un arriéré de pensions dues de novembre 1993 à mars 1996 ; que le président du tribunal de grande instance a rejeté la contestation élevée par M. X... et l'a condamné à payer une amende civile de 1 500 euros ;
Sur le premier moyen pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir dit que la procédure de recouvrement public a été engagée à bon droit pour une somme de 15 902,92 euros, alors, selon le moyen :
1 / que la caisse d'allocations familiales n'est subrogée dans les droits du créancier d'aliments, et par suite fondée à recouvrer pour le compte de celui-ci les pensions alimentaires impayées qu'à la condition d'être débitrice à l'égard de ce créancier de l'allocation de soutien familial ;
qu'en se bornant à énoncer que la caisse d'allocations familiales était fondée à mettre en oeuvre une procédure de recouvrement public dès lors qu'elle démontre qu'un droit à allocation a été ouvert en novembre 1993, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la caisse, qui avait elle-même constaté que cette allocation était indue et en avait du reste obtenu la répétition de la part de la bénéficiaire, était véritablement débitrice de l'allocation de soutien familial et par suite en droit de mettre en oeuvre la procédure de recouvrement public, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 581-2 et L. 581-10 du code de la sécurité sociale ;
2 / que, si la caisse débitrice de l'allocation de soutien familial est subrogée dans les droits du créancier d'aliments pour le recouvrement de la valeur de la créance excédant l'allocation de soutien familial, ce ne peut être que pour les seuls mois où il y a eu versement effectif de cette allocation ; qu'en faisant droit à la demande de la caisse d'allocations familiales sans constater que celle-ci avait réglé à la créancière d'aliments une allocation de soutien familial pendant toute la période pour laquelle elle agissait, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 581-3 du code de la sécurité sociale ;
3 / que, l'article L. 581-3 du code de la sécurité sociale prévoit que la demande d'allocation emporte, pour le surplus de la créance alimentaire, mandat du créancier au profit de l'organisme qui a reçu cette demande ; qu'en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, les motifs ci-dessus ne répondent pas aux conclusions par lesquelles M. X... soutenait que la créancière ayant demandé l'allocation de soutien familial à la caisse d'allocations familiales de la Loire-Atlantique, sans d'ailleurs donner de mandat spécial, la caisse d'allocations familiales de la Vendée ne pouvait se prévaloir d'un mandat qui lui aurait été conféré par la créancière ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 581-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, que la demande d'allocation de soutien familial emporte mandat au profit de la caisse pour procéder au recouvrement du surplus de la créance d'aliments et des termes à échoir, dont le non-paiement a fondé la demande d'allocation ; qu'en vertu de l'article R. 514-1 du même code, le service des prestations familiales incombe à la caisse d'allocations familiales du lieu de résidence habituel de la famille de l'allocataire ;
Et attendu qu'ayant estimé par une appréciation souveraine des éléments soumis à son examen que la caisse rapportait la preuve de l'ouverture du droit à l'allocation de soutien familial litigieuse en novembre 1993 ainsi que de versements opérés à compter de la même date, ce dont il résultait que Mme Y... avait déposé une demande emportant mandat au profit de l'organisme social compétent, le Président du tribunal de grande instance, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen pris en ses deux branches :
Vu l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour retenir le caractère abusif de la demande introduite par M. X... et le condamner à une amende civile, l'ordonnance attaquée relève qu'il a engagé "des procédures interminables" pour se soustraire à ses obligations alimentaires et que sa bonne foi "peut être légitimement mise en doute" ;
Qu'en statuant ainsi, le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas caractérisé la faute commise par M. X... dans l'exercice de son action en justice, a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'ordonnance rendue le 5 avril 2004, entre les parties, par le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, en ce qu'elle a condamné M. X... à payer une amende civile de 1 500 euros ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens tant devant les juges du fond que devant la Cour de cassation ;
Vu les articles 700 du nouveau code de procédure civile, et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille six.