AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société d'assurance La Mutuelle de l'Est-la Bresse du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Manpower, la société Venditelli transports, la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse et le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Marseille ;
Reçoit la société Venditelli Transports en son intervention à l'appui des prétentions de la société d'assurance La Mutuelle de l'Est-la Bresse ;
Sur le moyen unique:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 novembre 2004), que le 28 avril 1999, M. X..., salarié de la société Manpower, mis à la disposition de la société Venditelli Transports en qualité de chauffeur routier, a perdu le contrôle du poids-lourd appartenant à cette société qu'il conduisait venant percuter un arbre situé sur l'accotement inverse de son sens de circulation ; que la caisse primaire d'assurance maladie lui a attribué une rente basée sur un taux d'incapacité permanente de 100 % ;
que la cour d'appel a reconnu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur ;
Attendu que la société La Mutuelle de l'Est-la Bresse fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article R.59 ancien du code de la route, en vigueur au jour de l'accident, les pneumatiques "doivent présenter sur toute la surface de roulement des structures apparentes" et "ne doivent comporter sur leurs flancs aucune déchirure profonde" et que la cour d'appel, en concluant à l'état défectueux des pneumatiques du seul fait que ceux-ci étaient, pour l'un, "en limite d'usure" et pour les autres "râpés sur leurs flancs", a violé le texte précité ;
2 / qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par les conclusions d'appel des Mutuelles de l'Est La Bresse, si le fait que l'état des pneumatiques, conforme à la réglementation en vigueur, n'ait fait l'objet d'aucune observation lors de la dernière visite de contrôle technique du 20 janvier 1999 ni été sanctionné par les services de gendarmerie après l'accident, n'empêchait pas que l'employeur ait pu avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'elle n'a pas ainsi donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
3 / qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'anomalie du système de freinage tenant à ce que les traces de freinage n'étaient pas identiques à droite et à gauche, sans inviter au préalable les parties à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
4 / que, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, la cour d'appel a cru à tort pouvoir induire la relation des prétendus défauts des pneumatiques et du système de freinage avec l'accident des seules déclarations du salarié, demandeur en preuve, selon lesquelles l'accident avait été provoqué par l'éclatement d'un pneumatique du camion et qu'elle a par là même violé l'article 1315 du code civil ;
5 / qu'en ne précisant pas les éléments, autres que les déclarations du salarié, sur lesquels elle se fondait pour affirmer que les défauts des pneumatiques et du système de freinage étaient en relation avec l'accident dont la cause était restée indéterminée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que l'absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'une faute inexcusable en application du texte précité ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait d'une part, que la société Venditelli Transports, substituée dans la direction du salarié à la société Manpower, aurait dû avoir conscience du danger lié à la mise en circulation d'un poids-lourd présentant des défauts affectant ses pneumatiques et son système de freinage et d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Venditelli Transports avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société d'assurance La Mutuelle de l'Est-La Bresse aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société d'assurance La Mutuelle de l'Est-La Bresse ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille six.