AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'Odette X..., née en 1916 et domiciliée en Allemagne, a demandé à la SARL Agence de l'Avenue (l'agence) de délivrer pour son compte un congé pour vendre ; qu'Odette X..., représentée lors de l'acte en l'état d'une procuration établie le 27 janvier 1991, a vendu, le 9 octobre 1991, ce bien à sa cousine, Mme Claire Y..., le prix de cession étant converti en bail à nourriture ;
que le 28 octobre 1991, Odette X... a vendu, en l'état d'une autre procuration, établie le 7 octobre 1991, ce même bien, par un nouvel acte de vente, le premier n'étant pas encore publié, à l'agence ; que Mmes X... et Y... ont assigné, le 4 février 1992, l'agence en nullité de la vente ; qu'Odette X... a été placée, après demande formée le 9 novembre 1992, sous le régime allemand de la curatelle ;
qu'elle est décédée le 20 février 1996 ;
Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu que l'agence fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er décembre 2004 ) d'avoir prononcé, pour insanité d'esprit d'Odette X..., la nullité des deux ventes et plus particulièrement celle du 28 octobre 1991 consentie à son profit, alors, selon le moyen :
1 / que seule d'introduction d'une action devant les juridictions françaises aux fins de faire ouvrir une tutelle ou une curatelle avant le décès d'une personne permet d'attaquer pour cause d'insanité d'esprit les actes faits par celle-ci ; qu'en retenant néanmoins que l'ouverture en Allemagne d'une procédure de curatelle après une demande formulée le 9 novembre 1992 justifiait la nullité des actes de vente litigieux, la cour d'appel a violé l'article 489-1 du code civil ;
2 / que la reconnaissance en France d'une procédure de curatelle ouverte à l'étranger ne peut intervenir que dans la mesure où le juge étranger a appliqué la loi compétente d'après les règles françaises de conflit de lois ; qu'en reconnaissant la procédure de curatelle ouverte en Allemagne à l'égard de Mme X..., de nationalité française, sans vérifier que le juge allemand avait fait application du droit français désigné par la règle française de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
3 / que les juges du fond doivent préciser la disposition de la loi étrangère à laquelle ils se réfèrent implicitement ; qu'en retenant que le régime allemand de la curatelle, dont bénéficiait Mme X..., était "semble-t-il" proche de la tutelle du droit français, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé qu'Odette X..., domiciliée en Allemagne, était décédée après avoir été placée sous le régime allemand de la curatelle, équivalent au régime français, à la suite d'une demande formée le 9 novembre 1992, et qu'elle était atteinte d'un trouble mental important tant au moment de la signature de la procuration du 27 janvier 1991 que de celle du 7 octobre 1991, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les deux ventes des 9 et 28 octobre 1991 étaient nulles en application de l'article 489-1 du code civil français, de sorte qu'elle a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, pris en ses diverses branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :
Attendu que l'agence fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en remboursement du coût des travaux qu'elle a réalisés sur l'immeuble, objet de la vente annulée ;
Attendu qu'après avoir relevé que les deux actes de vente étaient annulés pour cause d'insanité d'esprit de la venderesse, la cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine, que Mme Claire Y..., en sa qualité d'héritière, ne saurait être condamnée à prendre en charge le coût de travaux qui auraient été réalisés, alors même que l'agence a, d'une part su très rapidement que la validité de son acte de vente était contestée et, d'autre part, qu'elle a prétendu n'avoir pu avoir la jouissance des lieux ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Agence de l'Avenue aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille six.