AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :
Vu l'article 1587 du code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, à l'égard du vin, de l'huile et des autres choses que l'on est dans l'usage de goûter avant d'en faire l'achat, il n'y a point de vente tant que l'acheteur ne les a pas goûtées ni agréées ;
Attendu que, par acte du 7 octobre 1998, la société Borie-Manoux a acheté à la société fermière d'exploitation des domaines Landureau, 95 000 bouteilles de Château Haut Myles, appellation Médoc, millésime 1997, après avoir goûté le vin en fût ; que s'étant plaint d'un dépôt anormal de tartre après avoir pris livraison de 28 200 bouteilles, la société Borie-Manoux a sollicité la désignation d'un expert, lequel a mis en évidence une forte précipitation de bitartrate de potassium due à une mise en bouteille trop précoce du vin qui, si elle n'en altérait pas les qualités gustatives, en interdisait la commercialisation, en l'état, auprès de la clientèle de la grande distribution à laquelle il était destiné, pour qui la présentation du vin est un élément important voire déterminant ; que la société Borie-Manoux a alors fait savoir à la société Landureau, qu'elle ne prendrait pas livraison du reste des bouteilles et demandé remboursement du prix de vente et paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour juger que la vente litigieuse n'était pas parfaite, de sorte que la société Landureau devait rembourser le prix payé, l'arrêt attaqué énonce que s'il était mentionné dans le bordereau d'achat du 7 octobre 1998 signé par les parties et le courtier que le vin objet du marché était "droit de goût, loyal et marchand" et s'il était justifié par une attestation de l'employé du courtier que la société Borie-Manoux avait eu un échantillon du château Myles 1997 préalablement à son ordre d'achat et que l'accord des parties avait été constaté à la suite de la dégustation du vin par le négociant, cette dégustation ne pouvait valoir agréage au sens de l'article 1587 du code civil dans la mesure où le marché n'avait pas porté sur du vin en vrac mais sur du vin en bouteilles et que, dans cette hypothèse, la perfection de la vente était subordonnée à l'agréage du vin tel que commandé, c'est-à-dire en bouteille, afin que l'acheteur ait pu vérifier s'il présentait les mêmes qualités que celles qu'il avait constatées lors de la dégustation en cuve ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'accord sur la chose et le prix intervenu, en matière de vente de vin, après que celui-ci a été goûté et agréé, valait vente, peu important que le vin ait été commandé en vrac ou en bouteille, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Borie-Manoux aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille six.