AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'association "Fonds régional d'organisation du marché du poisson des ports du Nord de la France", dite FROM Nord, ci-après l'association, ouverte à toute personne, propriétaire ou en charge d'un navire habituellement exploité dans les ports de sa zone géographique, répartit entre ses adhérents des quotas de pêches par catégories de poissons et territoires marins, tels que préalablement et globalement attribués par l'Administration ; que le 17 juin 2003, conformément à un "protocole" signé le 2 septembre 2002 entre elle-même et la société malouine Comapêche, et pour permettre l'adhésion de celle-ci, l'association, dont la zone géographique s'étendait de la frontière belge à l'embouchure de la Seine, en a prolongé la limite jusqu'à Hendaye ; qu'aux termes d'une répartition de quotas opérée le 27 janvier 2003 en vue de l'année en cours, la société Comapêche, en stricte application de l'arrêté d'attribution, s'est vu renouveler dans ceux qu'elle apportait au titre de sa situation solitaire antérieure, tandis que ceux des membres déjà en place, quoique comparativement moins importants, demeuraient inchangés ; que l'un d'eux, la société Leveau, ayant enfreint cette répartition qu'il contestait, s'est vu réclamer par l'association la pénalité de "trop pêché", avant d'en être exclu pour faute grave ; que l'arrêt attaqué (Rouen, 28 juin 2005), après avoir dit recevable l'action en justice soutenue par M. X..., ès qualités de président de l'association, et valables les décisions de celle-ci concernant la société Comapêche, a fixé à 700 609,03 euros la créance de l'association à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Leveau ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches et le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel, en manque de base légale au regard des articles 1134 du code civil et 1er de la loi du 1er juillet 1901 d'avoir admis que M. X..., président de l'association, pouvait agir en justice au nom de celle-ci, alors, d'une part, qu'elle aurait dû rechercher si l'intéressé pouvait encore exercer cette fonction tout en ayant perdu depuis 1993 la qualité de propriétaire ou exploitant de navire pourtant exigée de chaque membre à l'article 5 des statuts, et d'autre part, qu'elle se serait contredite en jugeant par ailleurs que la société Leveau, qui n'appartenait plus à l'association, ne pouvait plus en être administrateur ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé d'une part, qu'aux termes des statuts rénovés du 17 juin 2003, le conseil d'administration pouvait, afin de les admettre dans son sein, accorder la qualité de membre honoraire à des personnes ayant une compétence reconnue et qu'il lui revenait d'autre part de désigner son président, chargé notamment de représenter l'association en justice; que par ces motifs, suggérés par la défense à partir des constatations de l'arrêt, l'assignation ayant été par ailleurs délivrée en janvier 2004, la décision se trouve légalement justifiée ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu qu'il est ensuite fait grief à la cour d'appel d'avoir dit valables tant l'adhésion de la société Comapêche à l'association que l'exclusion de la société Leveau, et d'avoir débouté M. Y..., liquidateur de celle-ci, de ses demandes indemnitaires pour répartition inégalitaire des quotas, alors, d'une part, que la cour d'appel aurait ainsi violé à deux reprises l'article 1134 du code civil, les statuts de l'association qui, dans leur rédaction de 1996, définissaient une zone de pêche étendue de la frontière belge à l'embouchure de la Seine, ne permettant ni, le 2 septembre 2002, l'admission de la société Comapêche, basée à Saint-Malo ni, le 27 janvier 2003, son intégration dans la répartition des quotas de pêche attribués à la France et destinés en l'espèce aux seuls navires adhérents de l'association ; alors, d'autre part, qu'elle aurait violé aussi deux fois l'article 455 du nouveau code de procédure civile en ne répondant pas à des conclusions faisant valoir qu'en septembre 2002 la société Comapêche ne remplissait pas les conditions d'une adhésion valable à l'association, et par ailleurs que les décisions du conseil d'administration restreint devenaient caduques si elles n'étaient pas entérinées dans les deux mois par le conseil plénier ;
Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir, d'une part, que le protocole du 2 septembre 2002 avait été signé entre l'association et la société Comapêche sous la condition suspensive de la modification des statuts de l'association quant à sa zone géographique d'exploitation, rétroactivement intervenue lors de l'assemblée générale extraordinaire le 17 juin 2003, laquelle avait validé corrélativement la répartition de quotas opérée le 27 janvier précédent, et, d'autre part que, le 12 septembre 2002, la société Leveau, en donnant son accord au protocole soumis à son approbation, avait renoncé à se prévaloir d'un éventuel défaut d'entérinement par le conseil plénier dans les deux mois, pallié en tout état de cause par la tenue de l'assemblée générale du 17 juin 2003 ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est aussi fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté les demandes de M. Y... en annulation de la décision du 27 janvier 2003 relative à la répartition des quotas de pêche, de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires et d'avoir inscrit la créance corrélative au passif de liquidation de la société Leveau, sans rechercher si les attributions résultant de la décision contestée, allouant à la société Comapêche un quota près de dix fois supérieur pour un seul navire à celui accordé pour les autres membres, ne portait pas atteinte au principe constitutionnel d'égalité entre les membres d'une association ;
Mais attendu, indépendamment de l'allégation erronée d'un principe constitutionnel d'égalité applicable entre sociétaires, la cour d'appel a relevé que les quotas attribués à l'association par arrêté au titre de l'année 2003 n'étaient que l'addition des parts qui auparavant revenaient aux deux "organisations" FROM Nord et Comapêche dans leurs situations antérieures, et que les répartitions particulières subséquentes, conformes à ces antériorités et justifiées par elles, étaient demeurées strictement identiques ; que la recherche prétendument omise ayant été menée, le moyen manque en fait ;
Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé, en violation de la loi de 1901, que l'exclusion de la société Leveau de l'association était conforme aux statuts de celle-ci et qu'elle ne pouvait plus en être administrateur, sans rechercher si les faits allégués contre elle étaient matériellement établis ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que dès février 2003, la société Leveau avait contesté la répartition proposée puis avait dépassé sa part, se livrant à des pêches supplémentaires réalisées au détriment des autres adhérents de l'association ; que le moyen là encore manque en fait ;
Et sur le cinquième moyen :
Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt d'avoir, en violation de la séparation des pouvoirs, ensemble l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, dit recevable et fondée la demande de l'association, d'avoir validé ses décisions ayant visé les deux sociétés Comapêche et Leveau, d'avoir débouté cette dernière de ses demandes indemnitaires et d'avoir inscrit à son passif de liquidation la créance de la première, alors que relevait de la compétence du juge administratif l'appréciation de la validité de la décision par laquelle l'association FROM Nord, organisme privé chargé de la mission de service public, répartissait, dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, des quotas de pêche entre ses membres ;
Mais attendu que ne met en oeuvre aucune prérogative de puissance publique l'association qui, conformément à ses statuts, procède entre ses membres à une répartition de quotas globalement attribués par l'autorité administrative ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille six.