COUR DE CASSATION
07 CRD 063
Audience publique du 15 octobre 2007 Prononcé au 30 novembre 2007
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l ’ article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l ’ assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Statuant sur les recours formés par :
- Monsieur Victor X...,
- L'agent judiciaire du Trésor,
contre la décision du premier président de la cour d'appel de Bordeaux en date du 6 mars 2007 qui a déclaré irrecevable la requête en omission de statuer présentée par Monsieur Victor X....
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 15 octobre 2007 en l ’ absence de l ’ intéressé et de son avocat ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Ducos-Ader, avocat au Barreau de Bordeaux, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l ’ agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de Me Ducos-Ader ;
Vu la notification de la date de l ’ audience, par lettre recommandée avec demande d ’ avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l ’ agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l ’ audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Chaumont, les observations de Me Couturier-Heller, avocat représentant l ’ agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l ’ avocat général Charpenel ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION,
Attendu que, par requête du 9 août 2005, M. X... a saisi le premier président de la cour d ’ appel de Bordeaux en indiquant que, mis en examen pour viol, il avait été incarcéré par mandat de dépôt du 22 décembre 1995 puis remis en liberté par la chambre d ’ accusation le 13 août 1996, qu ’ il avait été condamné par contumace à 20 ans de réclusion criminelle le 6 décembre 1999, puis extradé et à nouveau incarcéré le 13 juillet 2004, avant d ’ être acquitté par la cour d ’ assises de la Gironde le 13 mai 2005 ; qu ’ il a précisé qu ’ il était actuellement incarcéré à la maison d ’ arrêt de Gradignan où il exécutait une peine de 3 ans d ’ emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel des Sables-d ’ Olonne le 12 février 2001, qui lui avait été notifiée le 14 octobre 2004 ;
Qu ’ il a sollicité le paiement des sommes de 25 000 euros et 50 000 euros, en réparation de son préjudice matériel et moral ;
Attendu que, par décision du 23 mai 2006, le premier président a rejeté la demande présentée au titre du préjudice matériel, en l ’ absence de pièce justificative, et a alloué à M. X... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral à raison de la détention subie du 22 décembre 1995 au 13 août 1996 ;
Attendu que, le 26 juin 2006, M. X... a saisi le premier président d ’ une requête en omission de statuer, en faisant valoir qu ’ il n ’ avait pas pris en considération la seconde période d ’ incarcération du 13 juillet 2004 au 7 février 2005, date de la mise à exécution de la peine d ’ emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel des Sables-d ’ Olonne ;
Que, par décision du 6 mars 2007, le premier président a déclaré la requête irrecevable, considérant que sa décision n ’ était pas affectée d ’ une omission de statuer, M. X... n ’ ayant pas présenté de demande au titre de la seconde période de détention provisoire ;
Attendu que, le 13 mars 2007, M. X... a formé un recours contre cette décision et a sollicité l ’ allocation de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la détention provisoire subie du 13 juillet 2004 au 7 février 2005 ;
Attendu que l ’ agent judiciaire du Trésor a formé un recours dont il s'est désisté ; qu'en défense il conclut au rejet du recours, estimant que le demandeur n ’ avait pas précisé, lors de sa requête initiale, que sa demande concernait les deux périodes de détention ;
Que l ’ avocat général considère que le recours est fondé et qu ’ une majoration de l ’ indemnité allouée au titre du préjudice moral est souhaitable en raison du renouvellement du choc carcéral, suite à une nouvelle réincarcération, plusieurs années après la première mesure privative de liberté ;
Sur l ’ omission de statuer :
Attendu que, dans sa requête, M. X... a précisé qu ’ il avait été placé en détention provisoire à deux reprises, du 22 décembre 1995 au 13 août 1996 puis, à compter du 13 juillet 2004, avant d ’ être acquitté le 13 mai 2005 ; que la demande, dont le premier président était saisi, avait pour objet la réparation du préjudice causé par deux périodes d ’ emprisonnement distinctes ; qu ’ en ne prenant en compte que la première d ’ entre elles, il a omis de statuer sur un chef de demande ; que la demande doit être déclarée recevable par application de l ’ article 463 du nouveau code de procédure civile ;
Sur la réparation du préjudice :
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu ’ une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l ’ objet d ’ une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d ’ acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral directement causé par la privation de liberté ;
Attendu que compte tenu de l ’ âge de l ’ intéressé au moment de l ’ incarcération (61 ans), de la durée de celle-ci (six mois et vingt six jours), du renouvellement du choc psychologique ressenti à la suite de cette nouvelle détention, près de huit ans après la première, il convient de fixer à 10 000 euros l ’ indemnité réparatrice de l ’ intégralité du préjudice moral ;
PAR CES MOTIFS :
DONNE acte à l ’ agent judiciaire du Trésor du désistement de son recours ;
ACCUEILLE le recours de M. Victor X..., et statuant à nouveau ;
Lui ALLOUE la somme de 10 000 EUROS (DIX MILLE EUROS) en réparation du préjudice moral causé par la détention provisoire subie du 13 juillet 2004 au 7 février 2005 ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 30 novembre 2007 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.
Le président Le rapporteur M. Gueudet M. Chaumont Le greffier Mme Bureau