LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts X... de leur reprise d'instance ;
Attendu que, par acte notarié du 26 septembre 1989, la Bred a consenti à la société civile immobilière Duneau un prêt d'un montant de 1 700 000 francs remboursable avec un taux d'intérêt égal au taux de base de la banque majoré de 3,35 points ; que, par acte sous seing privé du 15 novembre 1990, Raymond X..., aujourd'hui décédé, alors gérant de la société, s'est porté caution solidaire envers la banque à concurrence de 1 250 000 francs du remboursement du solde débiteur du compte courant ouvert au nom de cette dernière ; qu'en l'absence de remboursement du prêt à l'échéance du 1er janvier 1990, la banque a, par acte notarié du 4 juillet 1991, renouvelé et augmenté son concours sous forme d'une autorisation de découvert en compte courant à concurrence de 2 850 000 francs jusqu'au 1er décembre 1991 ; que la société Duneau ayant été ensuite défaillante, la banque l'a assignée, solidairement avec la caution, en paiement de la somme de 1 162 009,06 francs correspondant au solde débiteur du compte courant ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1907, alinéa 2, du code civil, ensemble l'article L. 313-2 du code de la consommation ;
Attendu que, selon ce dernier texte, le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt ;
Attendu que pour accueillir cette demande et rejeter les prétentions de la société Duneau et de Raymond X... qui sollicitait, en raison de l'absence d'indication du taux effectif global, l'annulation de la stipulation du taux d'intérêt et la substitution du taux légal au taux conventionnel, l'arrêt retient que le prêt et l'ouverture de crédit, qui avaient été consentis par actes authentiques et dont l'objet était le financement d'une opération immobilière, n'entraient pas dans le champ d'application de l'article L. 313-2 du code de la consommation ;
Attendu qu'en ajoutant au second des textes susvisés une restriction qu'il ne comporte pas, la cour d'appel l'a violé, par refus d'application ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1907, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 et R. 313-2 du code de la consommation ;
Attendu qu'en cas d'ouverture de crédit en compte courant, l'obligation de payer dès l'origine des agios conventionnels par application du taux effectif global exige non seulement que soit porté sur un document écrit préalable à titre indicatif le taux effectif global mais aussi que le taux effectif global appliqué soit porté sur les relevés périodiques reçus par l'emprunteur sans protestation ni réserve ; qu'à défaut de cette première exigence, les agios ne sont dus qu'à compter de l'information régulièrement reçue, valant seulement pour l'avenir, et qu'à défaut de la seconde exigence, la seule mention indicative de ce taux, ne vaut pas, s'agissant d'un compte courant, reconnaissance d'une stipulation d'agios conventionnels ;
Attendu que pour rejeter les contestations de la société Duneau et de Raymond X... relativement aux intérêts qui avaient été appliqués au solde débiteur du compte courant de la société, l'arrêt retient que le contrat d'ouverture de crédit du 4 juillet 1991 indique que le taux d'intérêt applicable au solde débiteur du compte courant est le taux de base de la banque majoré de 3,5 % et qu'au surplus le montant du taux effectif global figure depuis janvier 1994 sur les relevés de compte reçus sans protestation ni réserve ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir expressément constaté que l'acte du 4 juillet 1991 ne mentionnait que le taux d'intérêt conventionnel et que le taux effectif global ne figurait sur les relevés de compte que depuis le mois de janvier 1994, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1907 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
Attendu que pour débouter Raymond X... de sa demande en déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels pour avoir manqué à l'obligation d'information prescrite par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, la cour d'appel a retenu que celui-ci, gérant de la société Duneau, était nécessairement destinataire des comptes sociaux et des relevés de compte, qu'il avait ainsi connaissance à tout moment de l'état précis des engagements de la société cautionnée et qu'en conséquence il ne pouvait se prévaloir de la violation par la banque de son obligation d'information ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que cette obligation à laquelle sont tenus les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition d'un cautionnement, de faire connaître chaque année à la caution le montant et le terme des principal, intérêts frais et accessoires, garantis par elle, doit être respectée même lorsque le cautionnement a été souscrit par un dirigeant de la société cautionnée dont il connaissait exactement la situation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne société Bred Banque populaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bred Banque populaire à payer à la société Duneau et aux consorts X... la somme totale de 2 500 euros ; rejette la demande de la Bred ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille huit.