Donne acte à Mmes Anne-Lise, Pascale et Muriel X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes Fabienne et Béatrice X... et M. Eric X... ;
Donne acte des reprises d'instance ;
Attendu que Philippe X... et Mme Y... se sont mariés en 1965 et ont eu trois enfants, Anne-Lise, Pascale et Muriel X..., nées respectivement en 1967, 1969 et 1974 ; que par testament du 1er juillet modifié par un codicille du 4 juillet 1981, le père de Philippe X..., Antoine X..., notaire à la retraite, a légué, d'une part, l'usufruit de plusieurs biens immobiliers à son fils Philippe ou, à défaut, à ses descendants non nommément désignés, et à sa fille Béatrice ou, à défaut, à ses descendants, Philippe et Vanessa Z..., d'autre part, la nue-propriété desdits biens à leurs enfants respectifs ; qu'Antoine X... est décédé le 26 juillet 1982 ; que le 22 mai 1982, Mme A... a donné naissance à un fils Stéphane, reconnu le 4 novembre 1983 par Philippe B... ; que le 31 octobre 2002, M. Stéphane X... a assigné Mmes Anne-Lise, Pascale et Muriel X..., M. C... en sa qualité d'administrateur des biens de la succession d'Antoine X... et l'ensemble des héritiers en délivrance de legs ; que Mmes X... ont contesté la reconnaissance et sollicité une expertise génétique ; que Philippe X... étant décédé en cours de procédure, le 22 octobre 2007, ses héritiers ont déclaré reprendre l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mmes X... font grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 9 novembre 2006) de les avoir déclarées irrecevables à contester la reconnaissance par Philippe X... de sa paternité sur M. Stéphane X..., alors, selon le moyen :
1° / qu'en déclarant irrecevable l'expertise biologique au motif qu'elle était présentée par voie d'exception alors qu'il résulte des articles 339 et 311-12 du code civil et 146 du code de procédure civile que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation et que l'article 16-11 du code civil, qui dispose que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides, ne réserve pas la présentation d'une telle demande à ceux qui contestent une filiation par voie d'action principale ;
2° / que la cour d'appel en s'attachant seulement au fait que Philippe X... était présent aux côtés de M. Stéphane X... lors d'événements familiaux et avait tiré certaines conséquences fiscales et civiles de la reconnaissance de paternité qu'il avait effectuée, sans constater que celui-ci qui se disait pourtant séparé de son épouse légitime avant la naissance de l'enfant, ait vécu avec celui-ci et sa mère et sans s'expliquer sur les éléments avancés par Mmes X..., qui démontraient que dans les différentes déclarations successorales qu'il avait effectuées ne faisait jamais état de l'existence de ce fils, n'a pas caractérisé la possession d'état et a privé son arrêt de base légale au regard des articles 339, 311-1 et 311-2 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Philippe X... avait toujours présenté M. Stéphane X... comme son fils depuis sa naissance et assumé sa paternité tant dans le cadre familial et social qu'à l'égard des responsables de la scolarité de son fils entre 1993 et 1999, que le 15 janvier 1986, Mme A... avait, pour le compte de son fils mineur Stéphane, donné son accord au changement de régime matrimonial des époux X...-Y..., que Philippe X... avait mentionné la pension qu'il versait à son fils dans ses déclarations d'impôts de 1987 et 1988 signées par son épouse, qu'il avait effectué avec Mme A..., le 28 avril 1988, une déclaration conjointe devant le juge des tutelles afin que son fils Stéphane porte son nom, qu'il avait déclaré dans un acte de donation à sa fille Anne-Lise du 10 mars 1995 qu'il avait quatre enfants dont Stéphane X..., qu'il résultait des correspondances échangées avec la mère et la soeur de Philippe X... que celles-ci considéraient Stéphane comme leur petit-fils et neveu et que la grand-mère paternelle lui avait consenti une donation comme à ses autres petits-enfants, la cour d'appel a pu en déduire que M. Stéphane X... s'était constitué une possession d'état d'enfant naturel de Philippe X... conforme à la reconnaissance depuis plus de dix ans et que les quelques éléments avancés par Mmes X... n'étaient pas de nature à remettre en cause le caractère continu de cette possession d'état ; qu'elle a dès lors retenu, à bon droit, que l'action en contestation de reconnaissance n'était pas recevable en application de l'article 339, alinéa 3, de l'ancien code civil et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mmes X... reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à la demande de délivrance de legs, alors, selon le moyen, que le legs fait aux enfants d'une personne dénommée est présumé ne désigner que les enfants nés au jour du testament ; qu'ainsi la cour d'appel, en retenant, pour décider que M. Stéphane X..., né le 22 mai 1982, devait bénéficier du legs de la nue propriété consentie aux enfants de Philippe X... à deux reprises dans l'énoncé du legs initial et du codicille montre que le testateur n'ignorait pas la mésentente entre Philippe X... et son épouse ainsi que la probabilité de leur séparation définitive et de la création d'une nouvelle famille par son fils, a statué par un motif hypothétique et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, sans statuer par motif hypothétique, a souverainement estimé que l'absence de précision des noms des descendants de Philippe X... à deux reprises dans le legs initial et son codicille alors que les autres petits-enfants étaient nommément désignés démontrait que le testateur, ancien notaire, avait envisagé la possibilité que son fils crée une nouvelle famille et justement retenu que l'expression « enfants respectifs » sans autre précision, devait, par application de l'article 908-2 du code civil, s'entendre de l'ensemble de la descendance naturelle aussi bien que légitime de Philippe X..., à défaut de volonté contraire exprimée par le testateur ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes Anne-Lise, Pascale et Muriel X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes Anne-Lise, Pascale et Muriel X... et les condamne à payer la somme totale de 2 500 euros à M. Stéphane X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille neuf.
Moyens annexés au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour Mmes Anne-Lise, Pascale et Muriel X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Mmes Anne, Pascale et Muriel X... irrecevables à contester la reconnaissance par Philippe X... de sa paternité sur Stéphane X... par acte du 4 novembre 1983 ;
1)
AUX MOTIFS QUE d'une part la demande d'expertise biologique formée par les appelantes au soutien de leur contestation de la paternité de Philippe X... sur Stéphane X... né le 22 Mai 1982, n'est pas recevable par voie d'exception en application des dispositions d'ordre public de l'article 16-11 du code civil ;
ALORS QU'il résulte des articles 339 et 311-12 du code civil et de l'article 146 du nouveau code de procédure civile, que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder et que l'article 16-11 du code civil qui dispose que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides n'a pas pour objet de réserver la présentation d'une telle demande à ceux qui contestent une filiation par voie d'action principale ; qu'ainsi la cour d'appel, en déclarant irrecevable la demande d'expertise biologique de Mme X..., car elle est présentée par voie d'exception, a violé les textes précités ;
2)
AUX MOTIFS QUE d'autre part la contestation de paternité invoquée pour s'opposer à l'action en délivrance de legs formée par Stéphane X... n'est pas recevable, en vertu de l'article 339 alinéa 3 du code civil, dès lors qu'il résulte d'un faisceau d'éléments mis en évidence par les multiples attestations et les nombreux documents produits par ce dernier et par son père qu'il bénéficie d'une possession d'état continue et publique et conforme à la reconnaissance qui a duré au moins dix ans après cette reconnaissance ; qu'il est en effet démontré que M. Philippe X... s'est présenté et s'est comporté comme le père de Stéphane X... depuis sa naissance, non seulement en étant présent aux côtés de son fils lors d'événements familiaux importants faisant l'objet de clichés photographiques mais aussi en le présentant comme son fils et en assumant sa paternité vis-à-vis de son entourage dans la sphère privée comme dans le cadre de sa vie sociale, de sa famille (parents, épouse et enfants légitimes), des services fiscaux puisqu'il a déclaré la pension qu'il versait à son fils dans ses déclarations d'impôts de 1987 et 1988 signées par son épouse, des responsables de la scolarité de son fils entre 1993 et 1999, outre qu'il a déclaré dans un acte de donation à sa fille Anne qu'il avait quatre enfants dont Stéphane X... et encore que la mère de Stéphane X... a donné, pour le compte de son fils mineur, le 15 janvier 1986, son accord à la demande de changement de régime matrimonial des époux Philippe X... et Anne
Y...
. Cette possession d'état est d'autant plus apparente que, sur la requête conjointe de ses deux parents en date du 28 avril 1988, Stéphane A... porte depuis cette date le nom de famille de son père. Il résulte aussi des correspondances échangées avec la soeur de Philippe X..., Mme Béatrice X... / Z... que celle-ci considérait Stéphane comme son neveu et que la grand-mère paternelle avait mentionné le nom et la date de l'anniversaire de naissance de Stéphane avec ceux de ses proches et lui avait consenti une donation comme à ses autres petits enfants ; que les éléments de fait avancés par les appelantes ne sont pas de nature à remettre en cause la possession d'état qui résulte des nombreux éléments concordants produits par le père et le fils ;
ALORS QUE la possession d'état qui fait obstacle à toute contestation de reconnaissance, suppose que l'enfant ait été traité comme tel de façon continue par l'auteur de la reconnaissance et ait été reconnu comme tel par les tiers ; que la cour d'appel en s'attachant seulement au fait que Philippe X... était présent aux côtés de Stéphane X... lors d'événements familiaux et avait tiré certaines conséquences fiscales et civiles de la reconnaissance de paternité qu'il avait effectuée, sans constater que celui-ci qui se disait pourtant séparé de son épouse légitime avant la naissance de l'enfant, ait vécu avec celui-ci et sa mère, et sans s'expliquer sur les éléments avancés par Mmes X..., qui démontraient que Philippe X... dans les différentes déclarations successorales qu'il avait effectuées ne faisait jamais état de l'existence de ce fils, n'a pas caractérisé la possession d'état et a privé son arrêt de base légale au regard des articles 339, 311-1 et 311-2 du code civil.
** ***
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Stéphane X... est légataire particulier de M. Antoine X..., avec Mmes Anne, Pascale et Muriel X..., déclaré M. Stéphane X... bien fondé en sa demande de délivrance de legs, dit que le présent arrêt vaut délivrance à M. Stéphane X... de sa quote-part du legs de la nue propriété des biens légués ;
AUX MOTIFS QUE le testament olographe de feu Antoine X..., ancien notaire, en date du 1er juillet 1981 et son codicille du 4 juillet 1981 sur la même première page, est dépourvu de toute équivoque et ne souffre pas de difficulté d'interprétation pour inclure M. Stéphane X... parmi les bénéficiaires du premier legs en sa qualité de fils de Philippe X... et de petit-fils du testateur. Celui-ci y déclare en effet léguer différents biens d'une part à son fils Philippe X... et à défaut à ses descendants qui ne sont pas nommément désignés, et d'autre part à sa fille Béatrice X... épouse de Patrick Z... et à défaut à ses descendants nommément désignés Philippe Z... et Vanessa Z... ; dans son codicille Antoine X... ajoute « A la suite de circonstances dont je me suis entretenu avec mes enfants, j'apporte pour les legs énoncés ci-dessus la modification suivante : les bénéficiaires, mon fils et ma fille ne bénéficieront pas de la pleine propriété, car je transforme ces legs faits à leur profit en un usufruit viager pour chacun d'eux, léguant la nue propriété des biens concernés à leurs enfants respectifs. » ; l'absence de précision des noms des descendants de Philippe X... à deux reprises dans l'énoncé du legs initial et du codicille alors qu'il avait nommément désigné les enfants de sa fille et ceux de son autre fils prédécédé, montre que le testateur n'ignorait pas la mésentente entre M. Philippe X... et son épouse, Mme Nicole Y... et la probabilité de leur séparation définitive et de la création d'une nouvelle famille par son fils ; que le fait que M. Antoine X... ait ensuite, et dans le même testament, consenti d'autres legs notamment à plusieurs de ses petits enfants nommément désignés, par fratrie et en particulier « à (ses) petites-filles Anne Pascale et Muriel X... » ne justifient nullement d'écarter M. Stéphane X... du legs consenti aux « enfants respectifs » de Philippe et Béatrice X... par application de l'article 908 – 2 du code civil ;
ALORS QUE le legs fait aux enfants d'une personne dénommée est présumé ne désigner que les enfants nés au jour du testament ; qu'ainsi la cour d'appel en retenant, pour décider que Stéphane X... né le 22 mai 1982 devait bénéficier du legs de la nue propriété consentie aux enfants de Philippe X... par le testament du 1er juillet 1981 et son codicille du 4 juillet 1981, que l'absence de précision des noms des descendants de Philippe X... à deux reprises dans l'énoncé du legs initial et du codicille montre que le testateur n'ignorait pas la mésentente entre M. Philippe X... et son épouse, Mme Nicole Y... et la probabilité de leur séparation définitive et de la création d'une nouvelle famille par son fils, a statué par un motif hypothétique et violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile.