LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
Attendu que, selon ces textes, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités réparant des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel ; que ces dispositions s'appliquent aux événements ayant occasionné ce dommage survenus avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2006, dès lors que le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement fixé ;
Attendu que Mme X..., qui se trouvait sur le bateau piloté par M. Y..., a été blessée à la suite d'une collision survenue avec le bateau piloté par M. Z... ; que Mme X... et son époux, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de leur fille mineure, ont saisi un tribunal de grande instance d'une action en réparation de leurs préjudices ;
Attendu que l'arrêt, après avoir évalué le montant du préjudice de la victime soumis à recours a déduit de ce montant la totalité de la créance des tiers payeurs ;
Qu'en statuant ainsi, par un arrêt rendu le 15 février 2007 à la suite de débats s'étant tenus à l'audience du 25 janvier 2007, la cour d'appel, à qui il appartenait d'appliquer les textes susvisés, après réouverture des débats, les a violés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a évalué à 1 553 234, 25 euros le préjudice de Mme X... soumis à recours, condamné in solidum la société Axa France IARD, M. Z..., la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole (Groupama d'Oc assurances) et M. Y... à payer :- à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne 126 975, 32 euros ainsi que les frais d'hospitalisation de Mme X... au fur et à mesure de leur exposition, et représentés par un capital de 598 338, 64 euros, et une indemnité forfaitaire de 910 euros,- à la caisse mutuelle régionale des professions indépendantes 180 022, 73 euros,- au département de la Haute-Garonne 76 790, 56 euros,
- à Mme X... 501 873, 69 euros, somme dont il convient de déduire les provisions déjà versées soit 114 336, 76 euros, ainsi que, à compter du 1er janvier 2007, la rémunération mensuelle de l'aide de tierce personne basée sur le SMIC annuel en vigueur augmenté de 40 % et divisé par douze, et rappelé que, au cas où le placement en cours de Mme X... viendrait à cesser et où elle résiderait à son domicile, les remboursements des frais de séjour cessant, Mme X... pourra présenter une demande relativement aux frais générés par cette nouvelle situation, l'arrêt rendu le 15 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les sociétés Axa France IARD et Groupama d'Oc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, in solidum, les sociétés Axa France IARD et Groupama d'Oc à payer à M. et Mme X... la somme globale de 2 500 euros ; rejette toutes les autres demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me LE PRADO, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
Il est fait grief à la décision attaquée :
D'AVOIR évalué à 1. 553. 234, 25 le préjudice de Madame X... soumis à recours et condamné in solidum la S. A. AXA FRANCE lARD, Monsieur Philippe Z..., la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE (GROUPAMA d'OC ASSURANCES) et Monsieur Julien Y... à payer :- à la CPAM de la Haute-Garonne 126. 975, 32 ainsi que les frais d'hospitalisation de Madame X... au fur et à mesure de leur exposition, et représentés par un capital de 598. 338, 64, et une indemnité forfaitaire de 910,- à la C. M. R. des PROFESSIONS INDEPENDANTES 180. 022, 73,- au département de la Haute-Garonne 76. 790, 56, à Madame X... 501. 873, 69, somme dont il convient de déduire * les provisions déjà versées soit 114. 336, 76, *ainsi que, à compter du 1er janvier 2007, la rémunération mensuelle de l'aide de tierce personne basée sur le SMIC annuel en vigueur augmenté de 40 % et divisé par douze et rappelé que, au cas où le placement en cours de Madame X... viendrait à cesser et où elle résiderait à son domicile, les remboursements des frais de séjour cessant, Madame X... pourra présenter une demande relativement aux frais générés par cette nouvelle situation ;
AUX MOTIFS QUE « les frais des soins donnés à Madame X... ne peuvent être écartés pour cela seul qu'ils l'ont été après la date fixée pour la consolidation (hospitalisation à compter du 8 février 2000) dès lors qu'il n'est pas contesté qu'ils sont exposés en conséquence directe de l'accident, et que le jugement sera réformé sur ce point ; que la CPAM demande 126. 975, 32 de frais médicaux, pharmaceutiques, de transport et d'hospitalisation déjà exposés et justifiés, et qu'il doit être fait droit à cette demande ; qu'elle demande en outre 598. 338, 64 de capital représentatif des frais futurs de placement en foyer d'accueil médicalisé et de pharmacie ; que, s'il ne peut qu'y être fait droit pour les frais pharmaceutiques, soit à hauteur de 12. 624, 85, le reste de la demande est en conflit avec la demande de Madame X... au titre de l'assistance par une tierce personne fondée sur le principe qu'elle aurait l'intention de s'installer définitivement à son domicile ; que, toutefois, il est à constater que cette intention n'a reçu aucun début de concrétisation, qu'un séjour à domicile a duré du 17 novembre 1998 au 31 janvier 2000, et que depuis 7 ans, aucune nouvelle tentative n'a été faite et qu'elle est toujours en foyer médicalisé ; qu'il sera donc fait droit à la demande de la CPAM pour le tout, étant rappelé que si, pour les besoins de l'évaluation du préjudice, les frais futurs sont capitalisés, leur paiement sera exécuté au fur et à mesure des frais réellement exposés ; que, si le placement en cours vient à cesser et que Madame X... réside à nouveau à son domicile, les remboursements de ces frais cesseront, faute de justification de leur exposition, et Madame X... pourra présenter une demande spécifique pour tenir compte de cette situation nouvelle ; que la créance de la CPAM s'élève donc à 725. 313, 96 ; que les frais de la CMR ne sont pas contestés et que le jugement sera confirmé de ce chef ; sur la demande du département de la Haute-Garonne, que la nécessité de l'exposition des frais d'hébergement au foyer Jean THEBAUD-CANTOU d'ARRENS, est la conséquence directe de l'accident ; que sa décision de les prendre en charge est, certes, prise en vertu d'une obligation légale mais qu'il s'agit de dépenses exposées en réalité par Madame X... à cause de l'accident et qui ne l'auraient jamais été sans l'accident, soit en d'autres termes une partie de son préjudice, qu'elle est d'ailleurs faite en considération de l'insuffisance des ressources de l'intéressée et sous condition de la participation de celle-ci dans la seule limite de ses ressources disponibles, que pour cette prestation le département n'a perçu aucune prime ou cotisation de la victime, et que, le département, s'il effectue directement les paiements au centre de séjour, ne fait que les avancer pour le compte de Madame X..., véritable débitrice ; que, là encore, le jugement sera réformé et qu'il sera donc fait droit à la demande du département pour la somme justifiée de 76. 790, 56 ; que Madame X... justifie avoir payé en 2003 au conseil général de la Haute-Garonne 17. 647, 73 au titre de la participation maintenue à sa charge pour les frais de placement au centre d'ARRENS, et dans le corps de ses écritures en demande le remboursement ; qu'il doit y être fait droit ; qu'il n'y a pas lieu de prévoir de condamnation pour l'avenir dès lors que le placement a cessé, qu'elle justifie des paiements faits et que le conseil général est indemnisé du solde des frais ; que, la somme allouée à Madame X... par le tribunal au titre des conséquences professionnelles de l'incapacité totale n'est pas contestée ; que l'évaluation par le tribunal de la gêne dans les actes de la vie courante apparaît correspondre au préjudice effectivement subi par Madame X... et sera confirmée, en sorte que sa créance au titre de l'incapacité totale temporaire s'élève à 42. 850 ; que, aux éléments caractérisant l'incapacité permanente relevés par le tribunal (hémiparésie droite, altération des fonctions neuropsychiques, troubles de la parole, inhibition de la mémoire, de l'orientation et altération de certaines praxies, impossibilité de reprendre l'exercice de sa profession et troubles neuropsychologiques enlevant toute possibilité de reconversion), l'expertise ordonnée au cours de la procédure d'appel et rapportée par le même expert, Dr B..., qui s'est adjoint successivement deux sapiteurs ophtalmologistes, a conclu à un taux d'IPP de 75 % ; que Madame X... le critique en ce que ce chiffre résulte de l'application du principe de la capacité restante, estimant que le taux d'incapacité oculaire (paralysie du nerf moteur oculaire commun) de 14 % doit être ajouté au taux d'incapacité précédemment retenu de 70 %, mais que l'expert B... a parfaitement répondu, d'une part qu'il s'agit de nouvelles séquelles non constatées ni évoquées lors de la première expertise, d'autre part parce que l'addition des deux taux correspondrait à un nouveau taux qui serait excessif par rapport à la capacité restante ; que ce préjudice, y compris son incidence professionnelle, doit être évalué à 305. 000 ; que, s'agissant de l'assistance d'une tierce personne, l'expert a évalué la nécessité d'une tierce personne active mais non spécialisée 7 heures par jour et pendant la nuit une possibilité d'appel avec une personne disponible à prévenir, parce qu'elle ne saurait prendre les précautions nécessaires pour faire face au danger ; que, pour la période antérieure à ce jour, il n'y a pas lieu à hypothèses mais seulement à constater les faits ; que l'aide qui lui a été apportée avant la consolidation était de même nature que celle qui lui était due postérieurement, compte tenu de ce que l'expert explique qu'elle a toute sa capacité motrice, mais une insuffisance d'initiative qui peut être dangereuse et nécessite une surveillance ; que de fin février au 17 novembre 1998 (séjour dans le service de rééducation de la clinique de VERDAICH) elle a passé 19 week-ends chez elle à raison d'une assistance familiale de 7 heures par jour, que du 17 novembre 1998 au 31 janvier 2000 (traitée en externe à la clinique des Cèdres puis au CRF de la Haute-Garonne), alors qu'elle passait chaque jour l'après-midi dans le centre, elle a séjourné chez ses beaux parents où elle a bénéficié d'une simple assistance familiale qui peut être évaluée à 7 heures par jour, que, après la consolidation, l'expert retient une assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de 7 heures par jour avec une assistance de proximité pour la nuit, que toutefois elle est restée hospitalisée au centre de long séjour d'ARRENS et au centre Saint-Jean à L'UNION, avec un retour un week-end sur deux ; que le premier juge a exactement considéré d'une part que l'assistance de nuit pouvait être évaluée à l'équivalent de 2 heures, d'autre part que le week-end comprend trois nuits, et enfin que l'assistance n'était nécessaire que 5 heures par jour de semaine, nuit comprise, durant les périodes de soins en externe ; que l'évaluation de sa rémunération, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un travail normalement salarié, dont la charge de salaire comprend nécessairement les charges sociales et qui est également rémunéré si l'aide est familiale, sans qu'il soit nécessaire de justifier de la dépense effective de ces sommes, doit être fixée à 8, 58 l'heure ; que pour la période antérieure à la consolidation, l'indemnité due doit s'élever à (8, 58 x 20 x 81 =) 13. 899, 60 pour les week-ends + (8, 58 x 5 x 310 =) 13. 299 pour les jours et nuits de semaine = 27. 198, 60 ; que les mêmes critères doivent être pris en compte pour la période postérieure à la consolidation ; que l'indemnité est due intégralement pour la période écoulée depuis lors, à raison d'un week-end sur deux, soit du 2 février au 30 juin 2000, 26 chaque année ensuite du 1er juillet 2000 au 30 juin 2006 et 13 du 1er juillet au 31 décembre 2006 ; que, compte tenu de l'évolution du SMIC horaire il lui est dû (8, 58 x 20 x 11 =) 1. 887, 60 du 2 février au 30 juin 2000, (8, 58 x 20 x 26 =) 4. 659, 20 l'année suivante du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001, puis les années suivantes (9, 34 x 20 x 26 =) 4. 856, 80, (9, 562 x 20 x 26 =) 4. 972, 24, (10, 066 x 20 x 26 =) 5. 234, 32, (10, 654 x 20 x 26 =) 5. 540, 08, (11, 242 x 20 x 26 =) 5. 845, 84 et (11, 578 x 20 x 13 =) 3. 010, 28 ; que sa créance d'aide de tierce personne pour la période écoulée s'élève donc à (27. 198, 60 + 1. 887, 60 + 4. 659, 20 + 4. 856, 80 + 4. 972, 24 + 5. 234, 32 + 5. 540, 08 + 5. 845, 84 + 3. 010, 28 =) 63. 204, 96 ; que, sur les frais d'assistance de tierce personne pour l'avenir, il n'y a lieu que de considérer la situation actuelle, le séjour permanent de Madame X... à son domicile étant pour l'instant hypothétique, et qu'il lui appartiendra, en cas d'adoption de cette nouvelle modalité, de demander l'indemnisation correspondante ; que pour calculer le capital représentatif il convient, à partir d'un taux de SMIC et charges de 11, 578, de 20 heures par fin de semaine et d'une fin de semaine sur deux, soit 6. 020, 56 par an, et de ce que Madame X... est âgée de 40 ans, de retenir un taux de rente de 23, 653 qui, sur la base d'un taux d'intérêt de 3, 20 % tient compte de l'espérance de vie actuelle et d'un taux d'intérêt proche du taux légal, est plus adapté que le barème fiscal, fondé sur une table de mortalité de 1960 et un taux d'intérêt de 6, 50 %, et de fixer le capital représentatif à (6. 020, 56 x 23, 653 =) 142. 404, 31 ; que, toutefois, Madame X... n'en demande le paiement qu'en forme de rente, que celle-ci, toujours calculée sur la base du SMIC en vigueur, s'agissant d'un salaire calculé au plus bas puisque l'aide n'est pas qualifiée, sera payée à la fin de chaque mois à partir de janvier 2007, la somme mensuelle due de janvier à juin 2007 s'élevant à (6. 020, 56 : 12 =) 501, 71 ; que le préjudice soumis à recours s'élève donc à (725. 313, 96 + 180. 022, 73 + 76. 790, 56 + 17. 647, 73 + 42. 850 + 305. 000 + 63. 204, 96 + 142. 404, 31 =) 1. 553. 234, 25 ; que, de cette somme, il est dû immédiatement, sous réserve des provisions déjà versées, 126. 975, 32 à la CPAM, 180. 022, 73 à la CMR, 76. 790, 56 au département de la Haute-Garonne et 428. 702, 69 à Madame X..., les autres sommes étant dues à la CP AM sur justification au fur et à mesure des dépenses et mensuellement à Madame C... » ;
1) ALORS QUE la loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations non contractuelles en cours au moment de son entrée en vigueur ; qu'en conséquence, la Cour d'appel qui ne s'était pas encore prononcée sur les demandes d'indemnisations des consorts X... à la date d'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2006 aurait du faire application de ses dispositions ; qu'elle a violé ensemble l'article 2 du Code civil et l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
2) ALORS QUE le Département qui, au titre de l'aide sociale, a fait l'avance des frais d'hébergement n'a pas la qualité de tiers payeur disposant d'un recours subrogatoire ; qu'aussi en l'espèce, en permettant au département d'obtenir le remboursement de tels frais sur la part du préjudice soumis à recours de Madame X..., la Cour d'appel a violé l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ;
3) ALORS QUE la Cour d'appel a tout d'abord accueilli la demande de la Caisse relative aux frais d'hébergement futurs en soulignant que Madame X... vivait toujours dans un foyer médicalisée ; qu'en retenant ensuite, pour rejeter la demande présentée par la victime au titre des frais d'hébergement futurs demeurant à sa charge que son placement dans un foyer médicalisé avait cessé, la Cour d'appel s'est contredite, privant ainsi sa décision de motif en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.