LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux époux X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Ernestine Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 septembre 2007) que le 16 mars 1993, Mme Z..., aux droits de laquelle se trouvent M. Henri Z..., M. Jean-Pierre A..., Mme Nicole Z..., épouse A..., Mme Maryse Z..., veuve B..., M. Philippe Z..., Mme Elisabeth C..., épouse Z..., M. Francis Z... et Mme Suzette Z... (les consorts Z...), a donné à bail rural à long terme à la société civile d'exploitation agricole de La Petite Retz (SCEA) dix parcelles de terres ; que par acte sous seing privé du 6 juillet 2000, les consorts Z... se sont engagés à vendre aux époux X... neuf des dix parcelles faisant l'objet du bail sous la condition suspensive de la renonciation par le preneur en place à son droit de préemption, la réalisation de la vente par acte authentique devant intervenir au plus tard le 28 février 2001 ; que le 23 octobre 2000, les consorts Z... ont fait savoir à la SCEA leur intention de vendre les biens donnés à bail, pour le prix de 1 350 000 francs ; que le 22 décembre 2000, la société Domaine Agricole, venue aux droits de la société preneuse, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande de révision judiciaire du prix de vente, ayant au préalable fait savoir au bailleur qu'elle entendait acquérir les biens mis en vente, sous réserve de la révision judiciaire du prix de vente ; que par jugement du 11 mai 2001, le tribunal de commerce a prononcé le redressement judiciaire de la société Domaine agricole ; que par jugement du 25 octobre 2001, le tribunal paritaire des baux ruraux, devant lequel est intervenu l'administrateur judiciaire de la société, a donné acte à la société Domaine agricole de sa renonciation à l'exercice de son droit de préemption ; que par jugement du 11 janvier 2002, le tribunal de commerce a ordonné le transfert du contrat de bail liant la société Domaine agricole aux consorts Z... au profit de M. et Mme D... en application de l'article L. 621-88 du code de commerce, fixant la date d'entrée en jouissance au 11 janvier 2002 ; que par acte authentique du 19 juin 2002, la vente des parcelles a été régularisée entre les consorts Z... et les époux X... ; que la vente a été signifiée le 24 juin 2002 aux époux D... ; que ces derniers ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande d'annulation de cette vente intervenue au mépris de leur droit de préemption ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1583 du code civil, ensemble les articles L. 412-8 et L. 412-9 du code rural ;
Attendu que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ;
Attendu que pour accueillir la demande d'annulation de la vente en raison de la caducité de la promesse, l'arrêt retient que la promesse synallagmatique conclue le 6 juillet 2000 entre les consorts Z... et les époux E... stipulait que les acquéreurs ne deviendraient propriétaires des biens en faisant l'objet qu'à compter du jour de la réalisation de la vente par acte authentique devant intervenir au plus tard le 28 février 2001, que la régularisation de la vente par acte authentique du 19 juin 2002 postérieurement à l'expiration du délai de validité de la promesse, alors que la prorogation de ce délai ne pouvait aux termes de celle-ci excéder le 25 octobre 2001 date du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Abbeville donnant acte à la société Domaine agricole de sa renonciation à l'exercice de son droit de préemption, les éléments nécessaires à la perfection de l'acte authentique étant ainsi réunis, et que dans le délai d'un mois contractuellement fixé à compter du terme de la prorogation aucune des parties n'avait saisi le tribunal compétent afin de faire constater la vente par décision de justice, de sorte que l'acte du 6 juillet 2000 était frappé de caducité et que ses termes devenus inexistants ne pouvaient plus produire effet, constitue une nouvelle vente rendant en toute hypothèse nécessaire le recours à la notification prévue par l'article L. 412-8 du Code rural ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le terme fixé pour la signature de l'acte authentique n'était pas assorti de la sanction de la caducité de la promesse de vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 412-9 du code rural, ensemble les articles L. 412-10 et L. 412-12 du même code ;
Attendu que lorsqu'un an après l'envoi de la dernière notification, la vente n'étant pas réalisée, le propriétaire persiste dans son intention de vendre, il est tenu de renouveler la procédure prévue à l'article L.412-8 du code rural ;
Attendu que pour annuler la vente, l'arrêt retient que les époux D... avaient la qualité de preneurs en place depuis le 11 janvier 2002 et qu'il appartenait aux consorts Z... de satisfaire aux dispositions de l'article L. 412-8 du code rural en leur faisant connaître le prix et les conditions de la vente projetée peu important que la notification prévue par ce texte ait été antérieurement faite au précédent titulaire du bail ayant alors la qualité de preneur en place et que ce dernier ait renoncé à l'exercice de son droit de préemption dès lors que celui-ci est personnel au preneur en place et ne peut être cédé et séparé du droit au bail, sauf cas de subrogation qui ne se retrouve pas en l'espèce, de sorte que la renonciation invoquée par les consorts Z... et les époux X... ne pouvait produire effet à l'égard des nouveaux preneurs en place à la date de la vente ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la réalisation de la vente des parcelles par acte authentique était intervenue moins d'un an après le jugement du 25 octobre 2001 ayant donné acte à la société Domaine agricole de sa renonciation à exercer son droit de préemption, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne les époux D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux D... ; les condamne à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros et la somme de 2 500 euros aux consorts Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du dix huit février deux mille neuf par M. Peyrat conseiller doyen faisant fonction de président, conformément à l'article 452 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les époux X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, prononcé l'annulation de la vente intervenue le 19 juin 2002 entre les consorts Z... et Monsieur et Madame X...,
AUX MOTIFS QUE , antérieurement à la vente intervenue le 19 juin 2002 entre les consorts Z... et les époux E... de neuf des dix parcelles faisant l'objet du bail du 16 mars 1993 les époux H... étaient devenus titulaires de ce dernier en vertu du jugement exécutoire de plein droit à titre provisoire en application de l'article 155 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 rendu le 11 janvier 2002 par le tribunal de commerce d'ABBEVILLE arrêtant le plan de cession totale de la SARL DOMAINE AGRICOLE et ordonnant le transfert du bail à leur profit en fixant au 11 janvier 2002 la date d'entrée en jouissance, décision confirmée par l'arrêt rendu le 28 novembre 2002 par cette chambre de la Cour d'appel d'AMIENS ; qu'il s'ensuit que les époux H... qui disposaient d'un titre régulier d'occupation avaient la qualité de preneurs en place depuis le 11 janvier 2002 et qu'il appartenait aux consorts Z... et précisément au notaire qu'ils avaient chargé d'instrumenter et auquel les époux H... avaient fait connaître leur qualité par courrier recommandé avec demande d' avis de réception distribué à son destinataire le 22 février 2002, de satisfaire aux dispositions de l'article L. 412-8 du Code rural en leur faisant connaître le prix et les conditions de la vente projet peu important que la notification prévue par ce texte ait été antérieurement faite au précédent titulaire du bail ayant alors la qualité de preneur en place et que ce dernier ait renoncé à l'exercice de son droit de préemption dès lors que celui-ci est personnel au preneur en place et ne peut être cédé et séparé du droit au bail, sauf cas de subrogation qui ne se retrouve pas en l'espèce, de sorte que la renonciation invoquée par les consorts Z... et les époux E... ne peut produire effet à l'égard des nouveaux preneurs en place à la date de la vente ; que par ailleurs la promesse synallagmatique conclue le 6 juillet 2000 entre les consorts Z... et les époux E... stipulait que les acquéreurs ne deviendraient propriétaires des biens en faisant l'objet qu'à compter du jour de la réalisation de la vente par acte authentique devant intervenir au plus tard le 28 février 2001 ; que la régularisation de la vente par acte authentique du 19 juin 2002 postérieurement à l'expiration du délai de validité de la promesse, alors que la prorogation de ce délai ne pouvait aux termes de celle-ci excéder le 25 octobre 2001 date du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'ABBEVILLE donnant acte à la société DOMAINE AGRICOLE de sa renonciation à l'exercice de son droit de préemption, les éléments nécessaires à la perfection de l'acte authentique étant ainsi réunis, et que dans le délai d'un mois contractuellement fixé à compter du terme de la prorogation aucune des parties n'avait saisi le tribunal compétent afin de faire constater la vente par décision de justice, de sorte que l'acte du 6 juillet 2000 était frappé de caducité et que ses termes devenus inexistants ne pouvaient plus produire effet, constitue une nouvelle vente rendant en toute hypothèse nécessaire le recours à la notification prévue par l'article L 412-8 du Code rural
ALORS, D'UNE PART, QUE, lorsqu'un an après l'envoi de la dernière notification, la vente n'étant pas réalisée, le propriétaire persiste dans son intention de vendre, il est tenu de renouveler la procédure prévue à l'article L412-8 du code rural ; qu'en l'espèce, l'instance en fixation du prix mise en oeuvre par les époux D... ayant interrompu le délai d'un an ci-dessus visé jusqu'à la date du jugement du Tribunal Paritaire des baux ruraux ayant le 25 octobre 2001 donné acte au preneur de sa renonciation à l'exercice de son droit de préemption, les bailleurs n'avaient pas à renouveler la procédure de notification des conditions de la vente à l'occasion de la cession intervenue le 19 juin 2002 moins d'un an après ledit jugement ; que de ce chef, la cassation s'impose au regard des articles L. 412-8, L. 412-9, L 412-10, et L. 412-12 du Code rural ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, le transfert du bail ordonné par le Tribunal de commerce au profit de M. et Mme D... n'a pu avoir ni pour effet, ni pour conséquence, d'obliger les vendeurs à renouveler la procédure de purge du droit de préemption, régulièrement effectuée à l'occasion de la précédente vente, ayant donné lieu à la saisine par la société preneuse du Tribunal paritaire d'une action en révision judiciaire du prix de vente; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, pour confirmer le jugement, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles L 621-88 du Code de commerce et L. 412-8 du Code rural ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le cessionnaire d'un contrat ne saurait disposer de plus de droit que le cédant n'en détenait lui-même ; que le contrat dans l'exécution duquel le repreneur succède au débiteur en redressement judiciaire est celui-là même qui liait le cocontractant au débiteur ; qu'en l'espèce, le droit de préemption de la Société DOMAINE AGRICOLE, ayant été définitivement purgé à l'occasion de la vente initiale du 6 juillet 2000, le transfert du bail intervenu par jugement du 11 janvier 2002 ne pouvait justifier la mise en oeuvre d'une nouvelle notification des conditions de la vente à l'occasion de l'aliénation réalisée le 19 juin 2002 ; que dès lors, en statuant encore comme elle l'a fait, la Cour d'appel a derechef violé l'article 1122 du Code civil, et l'article L 621-88 du Code de commerce ;
ALORS, ENFIN, QU'à titre subsidiaire et en toute hypothèse, si le preneur a renoncé à son droit de préemption, la condition se trouve réalisée et l'acquéreur est censé être devenu propriétaire depuis le jour de la vente ; qu'en outre, la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ; que dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la promesse synallagmatique de vente en date du 6 juillet 2000 était frappée de caducité et que ses termes ne pouvaient plus produire effet, tout en retenant qu'aucune des parties n'avait sollicité que la caducité fût prononcée, de sorte que la promesse de vente valait vente et que les époux X... étaient censés être devenus propriétaires depuis le jour de la vente, le preneur ayant renoncé à son droit de préemption, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1134, 1589 du Code civil et L. 412-8 et L. 412-9 du Code rural.