LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 815-3 du code civil, antérieur à la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2007), que M. X..., la SCI Suger et la SCI Calmor ont consenti, en leur qualité de propriétaires indivis, un bail d'une durée de vingt trois mois du 1er avril 2003 au 28 février 2005 portant sur des locaux à usage commercial à la société Amin ; qu'ils se sont engagés la même jour à lui vendre les murs des locaux, objets du bail avant le 28 février 2005 ; que le 29 janvier 2005, M. X...a demandé à la société Amin de lui faire savoir si elle désirait un nouveau bail avec la propriété commerciale ; que le conseil de la société a accepté l'offre le 10 février 2005 ; que le 22 février 2005, la société Amin a été informée de l'impossibilité de conclure un bail commercial en raison de l'exercice du droit de préemption de la commune ; que les bailleurs ont assigné la locataire qui n'avait pas quitté les lieux à l'issue du bail de courte durée ;
Attendu que pour dire que la société Amin est titulaire d'un bail commercial, l'arrêt retient que l'offre faite le 29 janvier 2005 par M. X...qui s'est toujours présenté comme représentant tant lui-même que les SCI, a été acceptée régulièrement avec tous ses effets de droit par l'avocat de la société Amin, lequel n'avait pas besoin de justifier d'un pouvoir spécial pour représenter légalement sa cliente dans l'acceptation de l'offre et que M. X...ne pouvait utilement arguer de sa propre turpitude ou de sa propre négligence en ce qui concerne l'absence de mention des SCI dans son offre du 29 janvier 2005 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la conclusion d'un bail commercial portant sur un bien indivis nécessite l'accord de tous les coindivisaires et que les SCI contestaient expressément avoir donné le leur à la proposition de bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Amin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Amin à payer aux SCI Suger et Calmor et à M. X..., ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Amin ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. X...et les SCI Calmor et Suger.
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la Société AMIN est titulaire d'un bail commercial à compter du 1er mars 2005, pour une durée de 9 ans, moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 3. 800 H. T., révisable à chaque période triennale, aux clauses et conditions du bail de courte durée expiré, d'AVOIR dit qu'à défaut par les parties d'avoir régularisé un contrat de bail écrit, dans le délai de trois mois à compter du prononcé du jugement, ce dernier vaudra bail aux clauses et conditions précitées, et d'AVOIR débouté Monsieur Guy X..., la SCI SUGER et la SCI CALMOR de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur X..., la SCI SUGER et la SCI CALMOR, propriétaires respectivement des lots 97, 98 et 88, ont, représentés par Guy X..., consenti le 21 mars 2003 à la Sarl AMIN un bail de courte durée non soumis au statut des baux commerciaux sur des locaux situés à Saint Denis à effet du 1er avril 2003 et jusqu'au 28 février 2005 ; que par acte du même jour, Monsieur X..., agissant tant en son nom que pour le compte et en qualité de gérant de la SCI SUGER et comme se portant fort de la SCI CALMOR, s'est engagé parallèlement à vendre à la Sarl AMIN les murs des locaux objets du bail, la régularisation de la vente devant intervenir avant le 28 février 2005 ; que par lette du 29 janvier 2005, Monsieur X... a proposé à la Société AMIN la conclusion d'un bail commercial à effet du 1er mars 2005 ; que cette proposition a été acceptée par la Société AMIN par correspondance du 10 février 2005 de son avocat à M. X... ; que par courrier du 22 février 2005, « M. Guy X..., SCI DU 5 RUE SUGER, SCI CALMOR » écrivait à l'avocat de la Société AMIN : « Certes, j'avais envisagé dans mon courrier du 29 janvier de consentir (à la société AMIN) un bail commercial puisqu'en tout état de cause votre client devait acheter les murs peu après. Mais entre-temps, j'ai reçu la notification par la communauté d'agglomération Plaine Commune de l'exercice de son droit de préemption. Dans ces conditions, il n'est pas question de consentir un bail commercial sur ces locaux alors que le bail de courte durée, signé dans l'attente de la vente des murs, n'était assorti d'une promesse à ce sujet » ; qu'il résulte de ces éléments de fait que l'offre faite le 29 janvier 2005 par Monsieur Guy X..., qui s'était toujours présenté comme représentant tant lui-même que les SCI, a été acceptée régulièrement avec tous ses effets de droit par l'avocat de la Société AMIN, lequel n'avait nul besoin de justifier d'un pouvoir spécial pour représenter légalement sa cliente dans l'acceptation de l'offre ; que le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que la Sari AMIN était titulaire d'un bail commercial à compter du 1er mars 2005, les premiers juges ayant exactement considéré que le droit de préemption invoqué par la communauté d'agglomération était sans effet sur le caractère parfait de l'échange des consentements et que Monsieur X... ne pouvait utilement arguer de sa propre turpitude ou de sa propre négligence en ce qui concerne l'absence des mentions des SCI dans son offre du 29 janvier 2005 ; qu'enfin, sur la demande subsidiaire de résiliation du bail pour manquements graves qui auraient été commis par le preneur selon un constat d'huissier du 6 avril 2006 duquel il résulterait une sous-location de trois petits logements, sous-location contraire à l'objet commercial du bail, qu'un autre constat de l'huissier dressé le 26 juin suivant à la requête du preneur certifie que l'ensemble des lieux visités sont exploités et occupés à usage exclusif de locaux commerciaux sans aucun aménagement caractéristique d'habitation régulière ; qu'au surplus, aucun commandement n'a été délivré d'avoir à respecter les clauses du bail ; que le jugement déféré sera confirmé également de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'avant l'expiration le 28 février 2005 du bail précaire consenti par la SCI CALMOR, Monsieur X... et la SCI SUGER à la Société AMIN, Monsieur X... a adressé le 29 janvier 2005 à la Société AMIN un courrier mentionnant l'impossibilité de renouveler le bail de courte durée et précisant que « pour la promesse de vente, les dates demeurent inchangées... Si vous désirez avoir un nouveau bail avec la propriété commerciale, veuillez me le faire savoir par retour de courrier » ; que par lettre du 10 février 2005, le conseil de la Société AMIN a informé Monsieur X... de l'acceptation de sa cliente de l'offre de signature du bail commercial, conformément aux conditions prévues à l'article 1er dernier alinéa du bail de courte durée régularisé le 21 mars 2003 ; que la SCI CALMOR, Monsieur X... et la SCI SUGER soutiennent que l'offre de bail commercial ne peut être suivie d'effet dès lors que la commune a fait savoir aux propriétaires, postérieurement à l'offre qu'ils ont faite, de l'exercice de son droit de préemption et qu'en conséquence, le prix moindre du fait de l'occupation des lieux ne suffira pas à désintéresser le créancier hypothécaire ; que la SCI CALMOR, Monsieur X... et la SCI SUGER ajoutent en outre que la proposition de bail est irrégulière, n'a pas été valablement acceptée avant d'être rétractée par son auteur et que les parties ne se sont pas accordées sur les éléments essentiels du contrat de sorte que les volontés respectives des parties n'ont pu valablement se rencontrer ; que si, en application des dispositions de l'article 815-3 du code civil, le renouvellement ou la conclusion des baux requièrent le consentement de tous les indivisaires, Monsieur X... ne saurait invoquer cette argumentation pour faire déclarer irrégulière l'offre de bail commercial qu'il a émise et par là-même invoquer sa propre turpitude alors par ailleurs qu'il a toujours été le seul interlocuteur de la Société AMIN et seul signataire de l'ensemble des actes depuis l'origine des relations contractuelles entre les parties, de sorte que le preneur a pu légitimement croire qu'il se trouvait dûment mandaté par les autres indivisaires ; que de même, les demandeurs ne sauraient arguer de la notification ultérieure par la commune, le 7 février 2005, de l'exercice de son droit de préemption (qui ne s'exerce au demeurant que sur le lot 98 des locaux donnés à bail) en valeur occupée sans mentionner la nature de l'occupation précaire ou commerciale ; que l'éventuelle conclusion d'un bail commercial est donc sans incidence aucune sur la péremption et sur le prix d'acquisition susceptible d'être payé par la commune ; qu'ensuite, il n'est nullement justifié de l'existence et du quantum de la créance hypothécaire du CREDIT LYONNAIS, ni de la procédure de saisie immobilière, qui serait de nature à empêcher la vente, étant observé que les propriétaires ont expressément déclaré dans la promesse de vente du 1er avril 2003 que l'immeuble ne faisait l'objet d'aucune inscription hypothécaire ; que la proposition de bail commercial du 29 janvier 2005, qui ne mentionnait aucune condition suspensive, a donc été régulièrement émise et l'argumentation développée quant à l'application d'un éventuel abattement du prix, du fait de l'occupation des lieux, ou encore d'un renoncement à la vente, est totalement inopérante ; que par courrier du 10 février 2005, le conseil de la Société AMIN a répondu que sa cliente acceptait l'offre ; que, certes, les avocats, en dehors des procédures pour lesquelles ils représentent leur client, ne sont pas les mandataires de leurs clients qu'ils assistent ou conseillent, mais néanmoins l'avocat doit être considéré comme mandataire apparent dès lors que la correspondance adressée par l'avocat à son confrère mentionne de manière nette qu'il s'exprime au nom de son client ; qu'en l'espèce, le courrier litigieux est parfaitement explicite sur ce point de sorte que le conseil de la Société AMIN doit être regardé comme expressément mandaté par celle-ci, sans qu'il ait été nécessaire que soit annexé à la lettre un pouvoir spécial émanant du locataire, ou encore que le courrier soit revêtu de la signature de celui-ci ; qu'en outre, ce courrier fait référence « aux conditions prévues à l'article 1er dernier alinéa du bail de courte durée régularisé le 21 mars 2003 », lesquelles précisent que « au cas où le bail serait transformé en bail 3, 6, 9 dès à présent, il est convenu que le nouveau loyer mensuel serait porté à 3. 800 hors taxes » ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, l'accord des parties a pu régulièrement être formé par l'acceptation régulière de la preneuse d'une proposition de bail commercial régulièrement émise dès lors que chacune des parties se trouvait parfaitement informée des conditions essentielles du contrat de bail quant à l'objet de la chose louée, le prix du bail, son point de départ (à l'expiration du bail de courte durée) et sa durée (3, 6 9 ans), étant rappelé que le contrat de bail commercial est un contrat consensuel qui se forme par la rencontre des volontés des parties contractantes sans qu'il soit besoin de régulariser un acte écrit ; qu'il convient donc de constater qu'à l'expiration du bail de courte durée le 28 février 2005, a pris effet à compter du 1er mars 2005 un bail commercial liant les parties portant sur les locaux initialement mis à disposition de l'occupante, d'une durée de neuf ans, moyennant le paiement d'un loyer mensuel révisable à chaque période triennale de 3. 800 ; que la réclamation principale des demandeurs (constatation de l'expiration du bail), outre ses accessoires (occupation des lieux sans droit ni titre, expulsion, fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation...) seront rejetées et la demande de délais pour quitter les lieux formée par la défenderesse est sans objet ; que les demandeurs reprochent à la Société AMIN d'avoir procédé à des constructions sans autorisation et d'exploiter celles-ci, à usage d'habitation, au mépris des activités autorisées dans le bail ; que toutefois, le bailler ne peut poursuivre la résiliation judiciaire du bail pour manquements graves du locataire à ses obligations faute d'avoir conformément aux dispositions de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953 préalablement fait délivrer sommation de se conformer au bail ou commandement d'exécuter l'obligation litigieuse, ce d'autant que la preneuse a fait constater par huissier le 26 juin 2006 « que l'ensemble des lieux loués sont exploités et occupés à usage exclusif de locaux commerciaux et qu'aucun aménagement caractéristique d'habitation régulière, literie ou autre, n'y était installé » ; que cette prétention ne peut par conséquent qu'être rejetée ;
ALORS QUE, D'UNE PART, les juges du fond ne peuvent, sous prétexte d'interprétation, dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; que la Cour d'appel a expressément relevé que le 29 janvier 2005, Monsieur X..., agissant en son nom personnel, a adressé à la Société AMIN un courrier mentionnant l'impossibilité de renouveler le bail de courte durée et précisant « Si vous désirez avoir un nouveau bail avec la propriété commerciale, veuillez me le faire savoir par retour de courrier » ; qu'en relevant, pour dire que la Société AMIN est titulaire d'un bal commercial à compter du 1er mars 2005, que ce courrier vaut offre ferme de conclusion d'un bail commercial, la Cour d'appel l'a dénaturé en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la conclusion d'un bail commercial portant sur des biens indivis nécessite l'accord de tous les indivisaires ; que la Cour d'appel a expressément relevé que Monsieur X..., agissant en son seul nom, sans être mandaté par les autres indivisaires, a informé la Société AMIN, par un courrier du 29 janvier 2005, de l'impossibilité de renouveler le bail de courte durée portant sur un ensemble immobilier lui appartenant ainsi qu'à la SCI SUGER et à la SCI CALMOR et a précisé « Si vous désirez avoir un nouveau bail avec la propriété commerciale, veuillez me le faire savoir par retour de courrier » ; qu'en relevant, pour dire que ce courrier comporte une offre régulière de conclusion d'un bail commercial sur un ensemble immobilier indivis, que Monsieur X..., qui ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, a toujours été le seul interlocuteur de la Société AMIN qui a pu valablement le croire mandaté par les autres indivisaires, la Cour d'appel a violé l'article 815-3 du code civil ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, en se bornant à relever la turpitude de Monsieur X... pour reconnaître à la Société AMIN le bénéfice d'un bail commercial, la Cour d'appel, qui ne l'a pas caractérisée, a privé sa décision de toute base légale au regard, ensemble, des articles 815-3 et 1382 du code civil ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, en dehors des actes de procédure qu'il accomplit en vertu de son mandat ad litem, l'avocat ne peut engager son client à l'égard des tiers que s'il dispose d'un pouvoir spécial donné à cet effet ; qu'en jugeant que le conseil de la Société AMIN n'avait pas besoin de justifier d'un pouvoir spécial pour représenter légalement sa cliente dans l'acceptation de l'offre prétendument contenue dans la lettre du 29 janvier 2005, la Cour d'appel a violé les articles 411 du code de procédure civile et 1987 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'un avocat ne peut adresser une correspondance dont les termes engagent son client dans les liens d'un contrat ferme et définitif sans mentionner expressément et de façon non ambiguë qu'il a été spécialement mandaté par son client pour le conclure en son nom ; qu'en se contentant de relever que le courrier d'acceptation du 10 février 2005 était parfaitement explicite de ce que le conseil de la Société AMIN s'exprimait en son nom, sans relever aucune mention expresse de ce qu'il était spécialement mandaté par sa cliente pour conclure un nouveau bail, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 411 du code de procédure civile et 1987 du Code civil.