LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1167 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 novembre 2007), que M. X... a donné à bail ses terres à M. Denis Y... à compter du 1er décembre 1979 ; qu'inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 6 mars 1991, Mme Y... a exercé une activité de vente de vins et de produits régionaux ; que M. Y... ayant connu des difficultés financières, n'a pas réglé les fermages dus à Mme X... ; que par jugement du 6 juin 1992, il a été donné acte aux parties de la résiliation du bail avec effet au 12 mai 1992 ; que par arrêt du 13 décembre 1995, M. Y... a été condamné à payer à Mme X... une somme en principal de 65 431, 57 euros ; que la 28 septembre 2001, les époux X... et leur fille Mme Cécile X... (les consorts X...), faisant valoir que M. Y... avait fait encaisser par son épouse des chèques afférents à son activité commerciale, de manière à se rendre insolvable, mettant plus précisément en cause les règlements correspondant à quatre factures émises par l'intéressé au nom de M. Z..., qui s'approvisionnait en vin auprès de M. Y..., soit une facture du 7 avril 1995 d'un montant de 73 339,15 francs, une facture du 15 juin 1995 d'un montant de 84 859,83 francs, une facture du 15 juin 1995 d'un montant de 34 666,05 francs et une facture du 16 juin 1994 d'un montant inconnu, ont assigné les époux Y..., sur le fondement de l'article 1167 du code civil, aux fins de faire dire que M. Y... avait organisé son insolvabilité avec la complicité de son épouse et d'ordonner la réintégration dans le patrimoine de M. Y... des sommes encaissées par son épouse à concurrence des sommes fixées par l'arrêt du 13 décembre 1995 précité ;
Attendu que pour rejeter leurs demandes, l'arrêt retient que les consorts X... se bornent à énoncer des suppositions ne reposant sur aucun élément de preuve précis ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les époux Y... admettaient que les sommes de 73 339,15 francs et de 34 666,05 francs avaient été versées sur un compte ouvert à la Banque populaire, agence de Bègles (33), au nom de Dominique A..., épouse Y..., la cour d'appel qui n'a pas vérifié l'emploi de ces sommes, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux Y..., les condamne à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour les consorts X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leurs demandes fondées sur l'action paulienne, tendant, d'une part, à ce que leur soit déclaré inopposable le transfert dans le patrimoine de Madame Y... des règlements encaissés par Monsieur Y... en paiement de factures délivrées à Monsieur Z... les 7 avril 1995, 15 juin 1995 et 16 juin 1994 pour un montant total de 44.816,48 et, d'autre part, à ce que cette somme soit réintégrée dans le patrimoine de Monsieur Y... ;
AUX MOTIFS QUE c'est à tort que le tribunal a ordonné la réintégration dans le patrimoine de Denis Y... d'une somme de 44.816,48 , représentant tout ou partie des quatre factures des 16 juin 1994, 7 avril et 15 juin 1995 émises par l'intéressé à l'ordre de l'un des acheteurs de sa production de vin, Yvon Z..., et réglées par celui-ci, au motif que malgré une injonction du juge de la mise en état et un incident de communication de pièces, les époux Y... n'avaient démontré, ni que la totalité de ces règlements aient servi à désintéresser d'autres créanciers, ni qu'ils n'aient pas transité par le compte de Dominique A..., épouse Y... ; qu'en effet, le simple fait que les époux Y... n'aient pas satisfait à l'injonction du juge ne suffisait pas à faire présumer que les sommes en litige avaient servi à organiser ou à aggraver l'insolvabilité de Denis Y... au préjudice des consorts X..., alors qu'il appartenait à ceux-ci, qui avaient la charge de la preuve, d'apporter la démonstration des détournements allégués et non aux époux Y... de démontrer leur bonne foi ; que de surcroît, le défaut de production des justificatifs demandés n'était pas de nature à faire présumer les détournements prétendus, dans la mesure où il résultait des documents versés aux débats que Denis Y... était poursuivi par de nombreux autres créanciers à l'époque des faits et qu'il avait pu, ainsi qu'il le prétendait, effectuer des paiements préférentiels, ce qui ne lui était pas interdit en l'absence d'ouverture d'une procédure collective, de sorte que les faits invoqués à son encontre étaient équivoques comme susceptibles de plusieurs interprétations ; que les consorts X... se bornant, en cause d'appel, à énoncer des suppositions ne reposant sur aucun élément de preuve précis, il convient de réformer le jugement en toutes ses dispositions fondées sur l'article 1167 du Code civil et de les débouter de leur action paulienne ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les créanciers peut faire révoquer les actes faits par leur débiteur insolvable en fraude de leurs droits ; que dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 22 août 2007, p. 4), les consorts X... faisaient valoir que Monsieur Y... avait entrepris de faire encaisser par son épouse les chèques afférents à son activité commerciale, de manière à se rendre insolvable et à se soustraire aux condamnations pécuniaires prononcées à son encontre, mettant plus précisément en cause les règlements correspondant à quatre factures émises par l'intéressé au nom de Monsieur Z..., qui s'approvisionnait en vin auprès de Monsieur Y..., soit une facture du 7 avril 1995 d'un montant de 73.339,15 F, une facture du 15 juin 1995 d'un montant de 84.859,83 F, une facture du 15 juin 1995 d'un montant de 34.666,05 F et une facture du 16 juin 1994 d'un montant inconnu ; qu'en énonçant que les consorts X... ne rapportaient pas la preuve de la fraude paulienne imputable à Monsieur Y... et qu'ils se bornaient "à énoncer des suppositions ne reposant sur aucun élément de preuve précis" (arrêt attaqué, p. 5 § 1), tout en constatant par ailleurs que "les époux Y... admettent que les sommes de 73.339,15 F et de 34.666,05 F ont été versées sur un compte ouvert à la BANQUE POPULAIRE, agence de BEGLES (33), au nom de Dominique A..., épouse Y..." (arrêt attaqué, p. 5 in fine), ce dont il résultait que des sommes ayant vocation à entrer dans le patrimoine de Monsieur Y... avaient bien été encaissées sur le compte bancaire de son épouse, conformément à ce que soutenaient les consorts X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1167 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la fraude paulienne n'implique pas l'intention de nuire et résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ; qu'en écartant la fraude paulienne au motif que les sommes ayant transité sur le compte de Madame Y... avaient été "utilisées par l'intéressée pour régler divers créanciers" (arrêt attaqué, p. 5 in fine), cependant qu'une telle circonstance n'était pas de nature à effacer le préjudice causé aux consorts X... par les transferts de fonds litigieux, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé ce faisant sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du Code civil ;
ET ALORS, ENFIN, QUE nul ne peut se constituer un titre à soi-même ; qu'en observant, pour se déterminer, que les époux Y... indiquaient que les sommes litigieuses avaient été utilisées pour régler "divers créanciers" (arrêt attaqué, p. 5 in fine), cependant qu'il incombait au juge de vérifier lui-même l'emploi réel des sommes en cause, sans s'en tenir aux seules déclarations des époux Y..., la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.