LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1460 et 1484-3° du code de procédure civile ;
Attendu que lorsque son investiture procède d'une clause compromissoire, l'arbitre peut être saisi par une partie d'une demande incidente, dès lors qu'entrant par son objet dans les prévisions de cette clause, cette demande se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires que la partie lui avait soumises et que l'arbitre statue dans le délai qui lui a été imparti ;
Attendu que MM. Christian, Loïc et Arthur X... et Mmes Y..., épouse X... et Maria X... ont saisi le tribunal arbitral, constitué en application de la clause compromissoire contenue dans un contrat de cession d'actions, notamment d'une demande d'exécution du compromis de vente ; qu'en cours de délibéré, ils ont fait connaître aux arbitres qu'ils avaient dû céder leur actions à un tiers et qu'ils réclamaient des dommages-intérêts pour inexécution du contrat ;
Attendu que, pour annuler la sentence, l'arrêt attaqué relève que, saisis d'une demande d'exécution de ce compromis, les arbitres ont statué en définitive sur une demande en dommages-intérêts pour inexécution, présentée en cours de délibéré, et en déduit que les arbitres ont méconnu leur mission dès lors que, selon l'article 1468 du code de procédure civile, aucune demande ne peut être formée ni aucun moyen soulevé après la mise en délibéré ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher d'abord si cette demande incidente entrait dans les prévisions de la clause compromissoire et se rattachait par un lien suffisant de dépendance aux prétentions originaires, ensuite si les arbitres avaient rouvert les débats et reçu les observations des parties et enfin si le tribunal arbitral avait statué avant l'expiration du délai d'arbitrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon, autrement composée ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable le recours en annulation formé par Monsieur Z... à l'encontre la sentence arbitrale en date du 15 novembre 2005 et annulé ladite sentence par application des articles 1468 et 1484-3° du nouveau Code de procédure civile et d'AVOIR en conséquence déclaré les consorts X... irrecevables en leur demande de dommages et intérêts en vertu de l'article 1485 du même Code ;
AUX MOTIFS QU' « il est constant que saisis d'une demande d'exécution du compromis de vente d'actions, les arbitres ont statué en définitive sur une demande en dommages et intérêts pour inexécution, présentée en cours de délibéré par les consorts X... au motif que leur situation financière et personnelle les avaient contraints à céder les actions ARLOMI à un tiers après la date des débats. Or selon l'article 1468 du Nouveau Code de Procédure Civile, après la mise en délibéré, aucune demande ne peut être formée ni aucun moyen soulevé : en faisant droit à une demande qu'ils ne pouvaient recevoir, les arbitres ont méconnu leur mission. En conséquence, le recours en annulation, sur ce fondement, est justifié.
Selon l'article 1485 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Cour qui fait droit à un recours en annulation statue sur le fond dans la limite de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire de toutes les parties. En l'espèce la mission des arbitres était de statuer sur la mise à exécution de la convention conclue entre les parties, non pas sur une demande en dommages et intérêts pour inexécution qui, de l'aveu même des consorts X... (cf. leur dernier mémoire de l'instance arbitrale), constituait une transformation de l'objet du litige : cette demande est irrecevable, sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens qualifiés de subsidiaires par Marc Z... » ;
1. ALORS QUE ne méconnaît pas les limites de sa mission l'arbitre qui, statuant dans le délai d'arbitrage, prononce la réouverture des débats et entend les parties sur une demande incidente qui, entrant par son objet dans les prévisions de la clause compromissoire, se rattache par un lien suffisant de dépendance aux prétentions originaires que la partie lui avait soumise ; qu'en l'espèce, l'article 20, alinéa 1er, du protocole de cession d'actions en date du 3 décembre 2004 énonçait : « Pour toute contestation qui s'élèverait entre les parties, relativement à l'interprétation et à l'exécution des présentes, les soussignés s'engagent à soumettre leur différend à des arbitres » ; qu'il n'était pas contesté que, saisi initialement d'une demande en exécution forcée dudit protocole, le Tribunal arbitral avait été informé, en cours de délibéré, de la cession des actions en cause à un tiers et qu'il avait rouvert les débats afin que les parties puissent s'expliquer sur la demande en dommages-intérêts que les consorts X... formulaient désormais à l'encontre de Monsieur Z... ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que les arbitres ne pouvaient recevoir aucune demande après la mise en délibéré pour affirmer que ceux-ci avaient méconnu leur mission en faisant droit à la demande en dommages-intérêts pour inexécution du protocole, sans rechercher si cette demande incidente entrait par son objet dans les prévisions de la clause compromissoire et se rattachait par un lien suffisant de dépendance aux prétentions originaires que la partie lui avait soumise, et si le Tribunal arbitral avait statué dans le délai d'arbitrage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1468 et 1484, 3° du Code de procédure civile ;
2. ALORS en tout état de cause QU' une partie qui, ayant participé activement à l'arbitrage, s'est abstenue, en connaissance de cause, d'invoquer devant l'arbitre une irrégularité, est réputée avoir renoncé à se prévaloir ultérieurement de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résultait des conclusions de Monsieur Z... en date du 9 août 2005 que celui-ci se bornait à soutenir que la modification des conclusions de consorts X... devait être jugée irrecevable en ce qu'elle intervenait à un moment où les délais dans lesquels le Tribunal arbitral devait être saisi et avoir rendu sa sentence étaient expirés et que la modification de l'objet de la procédure en cours de délibéré sans nouveaux débats contradictoires constituerait une violation des droits de la défense ; qu'il n'était par ailleurs pas contesté que Monsieur Z... avait activement participé à l'arbitrage, et que les Tribunal arbitral avait rouvert les débats pour que Monsieur Z... puisse faire valoir ses observations ; qu'en se fondant sur la circonstance qu'après la mise en délibéré, aucune demande ne peut être formée ni aucun moyen soulevé pour accueillir le recours en annulation de la sentence arbitrale, sans rechercher si Monsieur Z... avait soulevé ce grief devant le Tribunal arbitral, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1468 et 1484, 3° du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, invoqué à titre subsidiaireIL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré les consorts X... irrecevables en leur demande de dommages et intérêts en vertu de l'article 1485 du même Code ;
AUX MOTIFS QUE « selon l'article 1485 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Cour qui fait droit à un recours en annulation statue sur le fond dans la limite de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire de toutes les parties. En l'espèce la mission des arbitres était de statuer sur la mise à exécution de la convention conclue entre les parties, non pas sur une demande en dommages et intérêts pour inexécution qui, de l'aveu même des consorts X... (cf. leur dernier mémoire de l'instance arbitrale), constituait une transformation de l'objet du litige : cette demande est irrecevable, sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens qualifiés de subsidiaires par Marc Z... » ;
ALORS QUE dans l'hypothèse où son investiture procède d'une clause compromissoire, l'arbitre peut être saisi par une partie d'une demande incidente, dès lors qu'entrant par son objet dans les prévisions de la clause compromissoire, cette demande se rattache par un lien suffisant de dépendance aux prétentions originaires que la partie lui avait soumises ; qu'en l'espèce, l'article 20, alinéa 1er, du protocole de cession d'actions en date du 3 décembre 2004 énonçait : « Pour toute contestation qui s'élèverait entre les parties, relativement à l'interprétation et à l'exécution des présentes, les soussignés s'engagent à soumettre leur différend à des arbitres » ; qu'il n'était pas contesté que, saisi initialement d'une demande en exécution forcée dudit protocole, le Tribunal arbitral avait rouvert les débats afin que les parties puissent s'expliquer sur la demande en dommages-intérêts que les consorts X... formulaient à l'encontre de Monsieur Z... à la suite de cession des actions en cause à un tiers ; que pour affirmer que la demande présentée par les consorts X... devant la Cour d'appel était irrecevable, l'arrêt attaqué s'est fondé sur la circonstance que la mission des arbitres était de statuer sur la mise à exécution de la convention conclue entre les parties et non sur une demande en dommages et intérêts pour inexécution qui constituait une transformation de l'objet du litige ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si cette dernière demande entrait par son objet dans les prévisions de la clause compromissoire et se rattachait par un lien suffisant de dépendance aux prétentions originaires des consorts X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1485 du Code de procédure civile.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT EVENTUEL par la SCP Vuitton et Ortscheidt.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué
d'AVOIR débouté M. Z... de sa demande d'annulation de la sentence arbitrale pour expiration du délai de l'arbitrage ;
AUX MOTIFS QUE la sentence critiquée n'a été ni revêtue de l'exequatur ni signifiée comme exigé par l'article 1486 du nouveau Code de procédure civile : que le recours présenté dans les formes et délais légaux est recevable ; qu'en vertu de l'article 1434 du même code, lorsque les parties ont renoncé à l'appel comme en l'espèce, le recours en annulation n'est ouvert que dans 6 cas limitativement énumérés ; que s'appuyant, pour conclure à l'annulation de la sentence en cause, sur l'article 1484–1 et 3, Marc Z... affirme que les arbitres ont statué sur une convention d'arbitrage expirée, et sans se conformer à la mission qui leur était confiée ; que l'article 1464 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que l'instance arbitrale prend fin par l'expiration du délai d'arbitrage ; que l'article 20 du compromis du 3 décembre 2004 prévoyait que dans les 15 jours suivant la constatation d'une contestation relative à l'interprétation et à l'exécution dudit acte, notifiée par lettre recommandée par l'une des parties, celles—ci ou bien s'entendaient sur la désignation d'un arbitre unique, ou bien chacune d'elle devait désigner un arbitre, un troisième arbitre étant ultérieurement désigné par les deux premiers, et tous trois disposant d'un délai de 30 jours pour rendre une sentence ; que contrairement à ce que soutient Marc Z..., le délai d'arbitrage, dont l'issue mettait fin à l'instance arbitrale, n'a couru que de la désignation du 3ème arbitre ; que si le délai de 15 jours prévu pour la désignation de l'arbitre unique ou des deux premiers arbitres n'a pas été respecté, force est de constater que ce délai n'était pas sanctionné par la clause compromissoire — et pour cause, car il s'imposait en réalité aux deux parties, de sorte qu'en notifiant à Christian X..., par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2005, qu'il considérait le protocole de cession des actions comme nul et non avenu, Marc Z... s'obligeait lui aussi à mettre en oeuvre, dans le même délai, la procédure d'arbitrage ; qu'au demeurant, Marc Z... en était si conscient qu'assigné en référé après l'expiration du délai de 15 jours précité par les consorts X..., aux fins de constatation du caractère parfait de la vente des actions, il a expressément soulevé, avant le désistement des demandeurs, l'incompétence de la juridiction étatique sur le fondement de, la clause compromissoire ; que le délai conventionnel d'arbitrage est susceptible d'être prorogé tacitement : tel est le cas en l'espèce, dès lors que le calendrier de procédure fixé par le tribunal arbitral le 17 mai 2005 au lendemain de la désignation du 3ème arbitre prévoyait une durée d'instance supérieure à un mois, sans protestation ni réserves de la part de l'une ou l'autre des parties qui se sont conformées à ce calendrier ; que l'instance arbitrale ne pouvait donc prendre fin avant l'expiration du délai légal de 6 mois, soit le 16 novembre 2005 ; que la date du prononcé de la sentence, telle qu'elle figure dans celle—ci, doit être tenue pour authentique, étant rappelé que contrairement à l'avis de Marc Z..., une telle décision fait l'objet d'un prononcé, comme indiqué par l'article 1486 du Nouveau Code de Procédure Civile qui distingue prononcé et signification ; que les objections développées par l'appelant, qui tiennent au défaut de délivrance de la sentence rédigée et signée le 15 novembre 2005, sont sans emport ; qu'en conséquence les moyens du recours en annulation fondés sur l'expiration de la convention d'arbitrage ne sont pas sérieux ;
1°/ ALORS QUE les énonciations de la sentence ne font foi jusqu'à inscription de faux que pour les faits que les arbitres y ont énoncés comme les ayant accomplis eux-mêmes, ou comme ayant eu lieu en leur présence ; que la mention de la date de la sentence, exigée à peine de nullité, ne fait pas foi jusqu'à inscription de faux ; qu'en écartant le moyen tiré de l'expiration du délai d'arbitrage au motif que « la date du prononcé de la sentence, telle qu'elle figure dans celle-ci, doit être tenue pour authentique », la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1472, 1480, 1484-1° et 1484-5° du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE le recours en annulation est ouvert si l'arbitre a statué sur une convention expirée ; qu'en écartant le moyen d'annulation de la sentence tiré de l'expiration du délai de l'arbitrage, motif pris que « l'instance arbitrale ne pouvait donc prendre fin avant l'expiration du délai légal de six mois, soit le 16 novembre 2005 », sans rechercher, comme elle y était précisément invitée, s'il ne résultait pas qu'une sommation interpellative adressée au président du tribunal arbitral, par acte d'huissier, le 12 décembre 2005, qu'à cette date, soit postérieurement à l'expiration du délai de l'arbitrage, la sentence arbitrale n'avait pas encore été rendue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1484-1° du Code de procédure civile.