LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... et Mme Y..., mariés sous le régime de la participation aux acquêts, ont chacun acquis des actions et des parts dans diverses sociétés ; que, par lettre du 22 février 2005, M. X... a proposé à Mme Y... de lui racheter la totalité de ses droits moyennant le paiement d'un certain prix ; que cette offre comportait la stipulation suivante : "Comme condition déterminante de la présente offre, il est convenu que dans le divorce en cours entre M. et Mme X..., la présente cession produira entre eux les effets qu'elle produirait entre étrangers. En d'autres termes, elle sera considérée comme étant réalisée après le commencement des effets du divorce entre eux quelle qu'en soit la réalité" ; qu'après avoir accepté cette offre, Mme Y... a, par acte du 9 juin 2005, assigné M. X... en exécution de la cession et en paiement du prix ; que, par acte du 15 juillet 2005, elle l'a assigné en divorce ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 265-2 du code civil, ensemble l'article 1396, alinéa 3, du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;
Attendu que, pour déclarer valable la cession et condamner M. X... à en payer le prix, après avoir rappelé qu'il résulte de l'article 265-2 du code civil qu'est nulle toute convention conclue antérieurement à l'instance en divorce introduite par une assignation, l'arrêt attaqué énonce que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'objet de la clause sus-énoncée n'est pas de faire remonter les effets de la liquidation du régime matrimonial à une date antérieure à l'instance en divorce, en méconnaissance du texte précité, mais, au contraire, de reporter les effets de la cession à une date postérieure au divorce, afin de priver Mme Y... de sa créance de participation sur les parts sociales acquises par son conjoint ; qu'il retient que la transaction par laquelle un époux acquiert des parts de société de son conjoint ne s'analyse pas en une opération de liquidation et de partage d'un régime de participation aux acquêts dont la liquidation s'effectue à partir de la détermination des éventuelles créances de participation de chaque époux sur la base des évaluations respectives de leur patrimoine d'origine et de leur patrimoine final et que la cession d'actif litigieuse a pour effet de faire entrer les parts sociales de Mme Y... dans le patrimoine de M. X... et constitue donc pour ce dernier un acquêt dont il devra éventuellement "récompense" au moment de la dissolution du mariage, de sorte que la clause litigieuse ne s'analyse pas en une convention liquidative, mais en une renonciation du cédant à sa créance de participation sur les droits cédés et qu'elle ne saurait par suite affecter la validité de la vente des parts sociales, parfaite en application de l'article 1589 du code civil en présence de l'accord échangé entre les parties sur la chose et sur le prix, et licite dans la mesure où le régime de la participation aux acquêts fonctionne jusqu'à la dissolution du mariage comme un régime de séparation dans lequel les parties conservent le droit de faire des actes sur leurs biens propres comme sur les biens indivis ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la convention litigieuse, qui avait pour objet et pour effet de priver l'épouse de sa créance éventuelle de participation sur des acquêts réalisés par l'époux, ne pouvait s'analyser que comme une convention relative à la liquidation du régime matrimonial et qu'une telle convention était illicite dès lors qu'elle altérait l'économie du régime de participation aux acquêts et que, de surcroît, elle avait été conclue avant l'introduction de l'instance en divorce, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les deux demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré valable la cession de parts sociales intervenue entre M. X... et Mme Y..., ordonné que les cessions intervenues soient enregistrées sur les registres des sociétés dont les statuts le prévoient, en l'espèce la SA Sodispac et la SARL Sodispac Tunisie, à la charge de leur représentant légal, et que les formalités d'enregistrement et de publication de la cession soient accomplies à la seule charge de M. Jean-François X... et à ses frais exclusifs, condamné en tant que de besoin M. X... au paiement des droits d'enregistrement et du coût de l'ensemble des formalités, dit et jugé que le présent arrêt servirait d'acte pour les formalités d'enregistrement et condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 225.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 juin 2005, au titre du montant de la cession intervenue, sous déduction de la somme perçue à l'occasion de la revente des parts de la SARL Sodispac Tunisie ;
Aux motifs que « aux termes de l'article 265-2 du Code civil les époux peuvent pendant l'instance en divorce passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial ; qu'il résulte de cette disposition qu'est nulle toute convention conclue antérieurement à l'instance en divorce commençant par l'assignation ; que l'offre de cession acceptée par Mme Y... contient la condition particulière suivante : « comme condition déterminante de la présente offre, il est convenu que dans le divorce en cours entre M. et Mme X..., la présente cession produira entre eux les effets qu'elle produirait entre étrangers. En conséquence, elle sera considérée comme étant réalisée après le commencement des effets du divorce entre eux qu'elle qu'en soit la réalité ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'objet de cette clause n'est pas de faire remonter les effets de la liquidation du régime matrimonial à une date antérieure à l'instance en divorce, en méconnaissance des dispositions de l'article 265-2 du Code civil, mais au contraire de reporter les effets de la cession à une date postérieure au divorce, de manière à priver Madame Y... de sa créance de participation sur les parts sociales acquises par son conjoint ; que la transaction par laquelle un époux acquiert des parts de société de son conjoint ne s'analyse pas en une opération de liquidation et de partage d'un régime de participation aux acquêts, dont la liquidation s'effectue à partir de la détermination des éventuelles créances de participation de chaque époux sur la base des évaluations respectives de leur patrimoine d'origine et de leur patrimoine final. La cession d'actifs litigieuse a pour effet de faire entrer les parts sociales de Mme Y... dans le patrimoine de M. X... et constitue donc pour ce dernier un acquêt dont il devra éventuellement récompense au moment de la dissolution du mariage ; que la clause litigieuse ne s'analyse pas en une convention liquidative mais en une renonciation du cédant à sa créance de participation sur les droits cédés ; qu'une telle clause ne saurait par suite affecter la validité de la vente des parts sociales, parfaite en application de l'article 1589 du Code civil en présence de l'accord échangé entre les parties sur la chose et sur le prix, et licite dans la mesure où le régime de participation aux acquêts fonctionne jusqu'à la dissolution du mariage comme un régime de séparation, dans lequel les parties conservent le droit de faire des actes de dispositions sur leurs biens propres comme sur les biens indivis ; que la convention de cession de parts doit ainsi être regardée comme valable et le jugement être infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de celle-ci » ;
Alors, d'une part, qu'après avoir rappelé que « si sont prohibées par la loi les conventions de liquidation et de partage souscrites avant l'instance en divorce, en revanche les époux sont autorisés dans les régimes séparatistes à procéder à un partage global et amiable de leur bien indivis, avec liquidation des droits et créances de chaque époux envers son conjoint et ce même en l'absence d'une instance en divorce et sans être soumis si une telle instance existe aux conditions prévues par l'article 1451 du Code civil », Madame Y... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que « la cession litigieuse » constituait « tout simplement la liquidation amiable de l'indivision existant entre les époux sur les parts et actions des sociétés » et qu'elle ne représentait « en aucune manière une convention de liquidation du régime matrimonial, une telle liquidation devant nécessairement comprendre l'ensemble des biens meubles et immeubles des époux et régler la totalité de leurs droits au partage », ce qui n'était « pas le cas en l'occurrence » ; qu'en estimant, pour admettre la validité de la cession litigieuse, qu'une fois cédés à M. X..., les droits sur lesquels elle portait constituaient, dans le patrimoine de ce dernier, un acquêt ouvrant à Mme Y... une créance de participation en valeur à laquelle celle-ci aurait, à la faveur du même acte de cession, entendu renoncer, la Cour d'appel a modifié le fondement des prétentions dont elle était saisie, méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Nouveau Code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que le juge est tenu en toutes circonstances de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant, pour débouter M. X... de son action en nullité, que la cession d'actifs litigieuse avait « pour effet de faire entrer les parts sociales de Mme Y... dans le patrimoine de M. X... » et constituait « un acquêt » dont ce dernier devrait « éventuellement récompense au moment de la dissolution du mariage », de telle sorte que « la clause litigieuse ne s'analysait pas en une convention liquidative mais en une renonciation du cédant à sa créance de participation sur les droits cédés », sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Nouveau Code de procédure civile ;
Alors, en outre, et en tout état de cause, qu'en refusant d'annuler la cession litigieuse au motif qu'elle ne constituait pas une convention à vocation liquidative, après avoir pourtant expressément constaté qu'aux termes de cette cession, Mme Y... avait renoncé à sa créance de participation éventuelle sur les droits cédés, ce dont il résultait que cette convention affectait l'existence et l'étendue des créances de participation entre époux et qu'elle constituait, par cela même, une convention liquidative, interdite avant la dissolution du régime matrimonial en dehors de toute instance en divorce, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et violé les articles 1397 et 265-2 du Code civil combinés ;
Alors, enfin, que dans ses conclusions (p. 8 et s.), M. X... avait soutenu, à juste titre, qu'en tant qu'elle prévoyait que « dans le divorce en cours entre M. et Mme X... la présente cession » serait « considérée comme étant réalisée après le commencement des effets du divorce entre eux qu'elle qu'en soit la réalité », la cession de droits sociaux qu'il avait passée avec son épouse avant l'instance de divorce était assortie d'une condition illicite, au sens de l'article 1172 du Code civil, puisqu'elle avait pour objet de contourner les dispositions légales relatives au régime de la participation aux acquêts « en évitant que les parts et actions détenues par Mme X... soient qualifiées d'acquêts » et « qu'à la dissolution du régime ses droits sociaux soient partagés pour moitié en valeurs » ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen pertinent, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile.