LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Cabrol construction métallique, venant aux droits de la société Cabrol frères, de son désistement du pourvoi incident ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, procédant à la recherche prétendument omise, que l'expert géologue avait conclu que l'étude réalisée par la société Sol Essais, qui conditionnait la stabilité des ouvrages, ne présentait aucune erreur technique, mais que le secteur sensible à conforter n'avait pas été totalement étudié car le sous-sol était hétérogène, à lentilles marneuses de tailles très diverses et à poudingues non cimentés, et retenu qu'il appartenait à la société Sol Essais au vu de la nature de ce sol, qu'elle connaissait, d'effectuer des essais géotechniques à l'amont du mur à réaliser et des forages suffisamment nombreux pour mettre en évidence les caractéristiques du sol à conforter au niveau du mur de soutènement et préconiser des travaux adaptés, la cour d'appel a pu en déduire que la société Sol Essais ne pouvait se retrancher derrière les conclusions de son rapport de sols, faisant état de réserves, pour éluder ses responsabilités et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé qu'il ne pouvait être fait le reproche au maître d'ouvrage de ne pas avoir pris de maître d'oeuvre pour les travaux de terrassement et de construction de la paroi épinglée, bien que le permis de construire imposât un suivi géologique, qu'il appartenait à la société Sol Essais de préconiser au maître d'ouvrage de prendre un maître d'oeuvre spécialisé pour les terrassements et de l'informer pleinement des risques encourus par ces difficiles travaux, compte tenu de leur importance et de l'hétérogénéité des terrains, et que les réserves, même nombreuses, dans les rapports de la société Sol Essais et sa lettre du 30 mai 1990 proposant à la SNC une mission de maîtrise d'oeuvre géotechnique étaient insuffisantes pour informer le maître d'ouvrage de la nécessité de prendre un maître d'oeuvre pour la réalisation délicate de ces travaux, la cour d'appel a pu en déduire que la responsabilité du maître d'ouvrage ne pouvait être retenue ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne la société Cabrol construction métallique aux dépens du pourvoi incident ;
Condamne, ensemble, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Sol-Essais aux dépens du pourvoi principal ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres à payer à la société Chemin de la Conque et à la société Eiffage construction Azur, ensemble, la somme de 2 500 euros, à la société SMABTP, la somme de 2 500 euros, et à la société Cabrol constructions métalliques, la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les sociétés Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et Sol-Essais.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la Société SOL ESSAIS, garantie par la Compagnie LES LLOYD'S DE LONDRES, responsable du sinistre et mis à sa charge une part de responsabilité dans la proportion de 45 % dans ses rapports avec la Société SOCOTEC et la Société CABROL FRERES et de l'avoir, en conséquence, condamnée in solidum, à payer à la SMABTP la somme de 423.576, 55 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 1995 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, à la SNC CHEMIN DE LA CONQUE la somme de 165.000 euros en réparation de ses préjudices immatériels avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 1995 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, à garantir la SNC CHEMIN DE LA CONQUE, sur justifications de ses paiements, des condamnations prononcées à son encontre au profit de Monsieur X... et à payer à la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION AZUR la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal,
AUX MOTIFS QUE
"la Société SOL ESSAIS a défini un projet de reconnaissance de sols et d'études les 30 mai 1990 pour le bâtiment A. Elle a réalisé le 17.9.1990 un rapport d'étude de sols à la demande de la Société CHEMIN DE LA CONQUE "destiné à orienter le choix des principes de fondation de l'opération immobilière" et compte tenu de l'hétérogénéité des sols elle a préconisé la possibilité de modifier sensiblement les hypothèses dans le cas où les terrains mis à jour lors des terrassements présenteraient des anomalies locales. L'expert géologue a conclu que cette étude qui conditionnait la stabilité des ouvrages ne présente aucune erreur technique, mais que le secteur sensible à conforter n'a pas été totalement étudié car le sous-sol est hétérogène, à lentilles marneuses de tailles très diverses et à poudingues non cimentés.
Il appartenait donc à la Société SOL ESSAIS au vu de la nature de ce sol, qu'elle connaissait, d'effectuer des essais géotechniques à l'amont du mur à réaliser et des forages suffisamment nombreux pour mettre en évidence les caractéristiques du sol à conforter au niveau du mur de soutènement et préconiser des travaux adaptés. Dans ces conditions, la Société SOL ESSAIS ne peut se retrancher derrière les conclusions circonstanciés de son rapport de sols, faisant état de réserves pour éluder ses responsabilités,
ALORS D'UNE PART QUE lorsqu'un bureau d'études met en garde le maître de l'ouvrage en attirant son attention sur la nécessité de réaliser des investigations supplémentaires, le choix de ce dernier d'y renoncer l'exonère de sa responsabilité contractuelle, de sorte qu'en jugeant la Société SOL ESSAIS responsable en raison de l'absence d'étude de toute la zone sensible par des essais géotechniques à l'amont du mur à réaliser et des forages suffisamment nombreux, tout en constatant que le bureau d'études avait, dans son rapport du 17 septembre 1990 dépourvu de toute erreur technique, émis de nombreuses réserves tenant à l'hétérogénéité du sol, dont il n'a pas été tenu compte, et proposé en vain une mission de maîtrise d'oeuvre géotechnique dans son courrier du 30 mai 1990, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil,
ALORS D'AUTRE PART QUE la responsabilité d'un bureau d'étude est limitée à la seule inexécution des obligations lui incombant au titre de la mission qui lui a été confiée, de sorte qu'en jugeant la Société SOL ESSAIS responsable en raison de l'absence d'étude de toute la zone sensible par des essais géotechniques à l'amont du mur à réaliser et des forages suffisamment nombreux, tout en constatant que son rapport du 17 septembre 1990 ne comportait aucune erreur technique et sans rechercher si, en particulier au regard du rapport de l'expert selon lequel "la zone étudiée est la zone où a été implantée la construction" et que "en l'état du site, les engins ne pouvaient pas accéder sur la propriété X... en amont" (rapport POLVECHE page 107, § 4), la Société SOL ESSAIS, qui ne pouvait unilatéralement exiger du maître de l'ouvrage, notoirement compétent sur le marché du BTP, une extension des investigations à toute la zone sensible, n'avait pas correctement exécuté les missions ponctuelles qui lui avaient été limitativement confiées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la Société SOL ESSAIS, garantie par la Compagnie DES LLOYD'S DE LONDRES, responsable des conséquences dommageable du sinistre survenu le 25 février 1993, d'avoir partagé la responsabilité entre locateurs d'ouvrage dans les proportions de 40 % pour la Société CABROL FRERES, 45 % pour la Société SOL ESSAIS : 45 % et 15 pour la Société SOCOTEC : 15 % et d'avoir ainsi jugé que la responsabilité de la SNC CHEMIN DE LA CONQUE ne pouvait être partiellement retenue à l'origine de son dommage,
AUX MOTIFS QU'"il ne peut être fait le reproche à la Société CHEMIN DE LA CONQUE de ne pas avoir pris de maître d'oeuvre pour les travaux de terrassements et de construction de la paroi épinglée, bien que le permis imposât un suivi géologique. Il appartenait tant à la Société SOL ESSAIS en sa qualité de géotechnicien, qu'à la Société CABROL, mandataire du groupement CABROL SEFI, titulaire du lot "paroi épinglée" de préconiser au maître de l'ouvrage de prendre un maître d'oeuvre spécialisé pour les terrassements et de l'informer pleinement des risques encourus par ces difficiles travaux, compte tenu de leur importance (30.900 mètres cubes de roches enlevés) et de l'hétérogénéité des terrains. Les réserves mêmes nombreuses dans les rapports de la Société SOL ESSAIS et sa lettre du 30.5.1990 proposant à la Société CHEMIN DE LA CONQUE une mission de maîtrise d'oeuvre géotechnique sont insuffisantes pour informer le maître d'ouvrage de la nécessité de prendre un maître d'oeuvre pour la réalisation délicate de ces travaux. En l'absence d'avertissements écrits de la part de la Société SOL ESSAIS et de la Société CABROL sur les risques encourus pour de tels travaux, la responsabilité de la Société CHEMIN DE LA CONQUE, maître de l'ouvrage, ne peut être retenue pour une absence de maîtrise d'ouvrage géotechnique",
ALORS QUE l'acceptation délibérée des risques par le maître de l'ouvrage exonère le constructeur de tout ou partie de sa responsabilité, de sorte qu'en écartant toute responsabilité de la SNC CHEMIN DE LA CONQUE dans la réalisation du sinistre survenu le 25 février 1993, tout en constatant qu'elle n'avait pas recouru à une maîtrise d'oeuvre compétente en matière géotechnique imposée par le permis de construire au maître de l'ouvrage, dont l'expert a constaté que l'absence avait été à l'origine du sinistre (rapport page 108, dernier §), et que la Société SOL ESSAIS lui a en vain proposé d'assumer, par courrier du 30 mai 1990, ce dont il s'évince que la SNC CHEMIN DE LA CONQUE a commis une faute à l'origine de son dommage, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.