LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Claude X... est décédé le 30 décembre 2000 en laissant pour lui succéder Mme Muriel X... et M. Julien X... (les consorts X...), ses deux enfants issus de son mariage avec Mme Y..., et Mme Mélissa X..., sa fille, née pendant son mariage avec Mme Y... de sa relation avec Mme Z... et en l'état d'un testament olographe en date du 3 septembre 1999, par lequel il a légué à chacun de ses trois enfants divers biens et pris la disposition suivante : "Je lègue sur l'ensemble de mes biens à ma fille, Mélissa X..., la quote-part disponible de mes biens, le tout conformément aux règles du code civil qui s'appliqueront le jour de mon décès de manière à ce qu'elle ait dans la limite maximale permise par la loi les mêmes droits que ses frère et soeur issus de mon mariage avec Madame X... Monique, née Y..." ; que, par acte du 9 mars 2004, les consorts X... ont assigné Mme Mélissa X... et Mme Z... en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession ;
Attendu que Mme Mélissa X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 15 janvier 2008), d'avoir qualifié le testament rédigé par Claude X... de testament ordinaire comportant un legs préciputaire, excluant ainsi la qualification de testament-partage, dit caduques ces dispositions testamentaires prises le 3 septembre 1999 par Monsieur Claude X... en application des dispositions de l'article 925 du code civil, d'avoir ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de la succession de M. Claude X... et, en conséquence, d'avoir dit que les 2290 parts sociales dépendant de la succession de M. Claude X... étaient la propriété indivise de l'ensemble des héritiers, d'avoir annulé l'assemblée générale de la SCI de l'Eglise qui s'est tenue le 11 avril 2001 ainsi que toutes les résolutions prises lors de cette assemblée dont celle portant sur l'affectation des bénéfices sociaux de l'exercice clos au 31 décembre 2000, d'avoir désigné Mme Muriel X..., épouse A..., en qualité de représentante de l'indivision successorale à l'égard de la SCI de l'Eglise à l'effet d'assurer les droits attachés aux 2290 parts sociales dont s'agit, d'avoir dit que la SCI de l'Eglise était débitrice, envers l'indivision successorale, de la somme de 17 896,60 euros au titre de la répartition du résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2000 attaché aux 2290 parts appartenant à l'indivision successorale, avec intérêt au taux légal à compter du 9 mars 2004, date de l'assignation valant mise en demeure de payer, et d'avoir condamné Mme Mélissa X... à rembourser à l'indivision successorale la somme de 19 572,63 euros représentant la part de revenus distribués par la SCI de l'Eglise au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001 attachés aux 2290 parts appartenant à l'indivision successorale avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2004, date de l'assignation valant mise en demeure de payer ;
Attendu qu'après avoir relevé que, bien que le rédacteur d'un testament-partage puisse composer des lots inégaux, si son intention première et essentielle est d'avantager l'un de ses enfants, l'acte doit s'analyser en un testament ordinaire comportant des legs préciputaires, l'arrêt retient qu'il résulte de la clause contenant le legs de la quotité disponible à Mme Mélissa X..., placée en préambule, que le testateur, en rédigeant l'acte litigieux, avait pour intention première et essentielle d'avantager sa fille, Mélissa, née d'un adultère, pour compenser les effets de la loi alors applicable et qui pénalisait les enfants adultérins, ce dont il résultait que prédominait sur toutes les autres dispositions, la volonté d'accorder à l'un des trois enfants un avantage, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l'acte litigieux ne saurait être considéré comme un testament-partage destiné à répartir les biens successoraux et allotir les héritiers mais comme un testament ordinaire comportant un legs préciputaire ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Mélissa X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Mélissa X... et la condamne à payer à Mme A... et à M. Julien X... la somme totale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
;Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Mélissa X... ;
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR qualifié le testament rédigé par feu Claude X... de testament ordinaire comportant un legs préciputaire, excluant ainsi la qualification de testament-partage, d'AVOIR dit caduques ces dispositions testamentaires prises le 3 septembre 1999 par Monsieur Claude X... en application des dispositions de l'article 925 du Code civil, d'AVOIR ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de la succession de Monsieur Claude X... et, en conséquence, d'AVOIR dit que les 2290 parts sociales dépendant de la succession de Monsieur Claude X... étaient la propriété indivise de l'ensemble des héritiers, d'AVOIR annulé l'assemblée générale de la SCI de L'EGLISE qui s'est tenue le 11 avril 2001 ainsi que toutes les résolutions prises lors de cette assemblée dont celle portant sur l'affectation des bénéfices sociaux de l'exercice clos au 31 décembre 2000, d'AVOIR désigné Madame Muriel X... épouse A... en qualité de représentante de l'indivision successorale à l'égard de la SCI de l'EGLISE à l'effet d'assurer les droits attachés aux 2290 parts sociales dont s'agit, d'AVOIR dit que la SCI de l'EGLISE était débitrice, envers l'indivision successorale, de la somme de 17.896,60 au titre de la répartition du résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2000 attaché aux 2290 parts appartenant à l'indivision successorale, avec intérêt au taux légal à compter du 9 mars 2004, date de l'assignation valant mise en demeure de payer, et d'AVOIR condamné Mademoiselle Melissa X... à rembourser à l'indivision successorale la somme de 19.572,63 représentant la part de revenus distribués par la SCI de l'EGLISE au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001 attachés aux 2290 parts appartenant à l'indivision successorale avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2004, date de l'assignation valant mise en demeure de payer ;
AUX MOTIFS QUE, sur la nature du testament, aux termes de l'article 1075 du Code civil toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits ; que cet acte peut se faire sous forme de donation-partage ou de testament-partage ; qu'il est soumis aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs dans le premier cas et pour les testaments dans le second ; que dès lors que ce texte ne prescrit pas de règle de forme propre au testament-partage, en cas de doute sur la qualification d'un acte, il appartient au juge de l'interpréter selon les règles énoncées aux articles 1156 et suivants du Code civil et de rechercher, en tenant compte de l'étendue du testament, de ses modalités et de ses termes, quelles étaient les intentions du défunt ; que l'objectif d'un testament-partage étant d'assurer une répartition se rapprochant de celle qui pourrait résulter d'un partage ordinaire, l'allotissement de chaque enfant et l'égalité des lots constituent des critères à prendre en compte pour retenir une telle qualification ; que bien que le rédacteur d'un testament-partage puisse composer des lots inégaux, si son intention première et essentielle est d'avantager l'un de ses enfants, l'acte doit s'analyser en in testament ordinaire comportant des legs préciputaires ; que dans le cas présent le testament en date du 3 septembre 1999, avant d'énumérer les différents legs consentis aux héritiers, dispose : «Je lègue sur l'ensemble de mes biens à ma fille, Melissa X..., la quote-part disponible de mes biens, le tout conformément aux règles du code civil qui s'appliqueront le jour de mon décès de manière à ce qu'elle ait dans la limite maximale permise par la loi les mêmes droits que ses frère et soeur issus de mon mariage avec Madame X... Monique née Y... » ; qu'il résulte de cette clause, placée en préambule, que le testateur, en rédigeant l'acte litigieux, avait pour intention première et essentielle d'avantager sa fille, Melissa, née d'un adultère, pour compenser les effets de la loi alors applicable et qui pénalisait les enfants adultérins ; que dès lors que prédomine sur toutes les autres dispositions, la volonté d'accorder à l'un des trois enfants un avantage, l'acte ne saurait être considéré comme un testament-partage destiné à répartir les biens successoraux et allotir les héritiers mais comme un testament ordinaire comportant un legs préciputaire ; que, sur la caducité du testament, aux termes de l'article 925 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, lorsque la valeur des donations entre vifs excédera ou égalera la quotité disponible, toutes les dispositions testamentaires seront caduques ;
ET AUX MOTIFS QUE la valeur des donations entre vifs est, au total, de 219.881,48 et celle de l'actif successoral de 784.246,05 ; qu'en présence de trois enfants la quotité disponible dont le défunt pouvait disposer étant d'1/4 des biens, Monsieur Claude X... pouvait disposer de son vivant de 196.061,51 ; que les donations entre vifs ayant excédé la quotité disponible, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a déclaré les dispositions testamentaires caduques, ordonné l'ouverture des opérations de liquidation, partage et désigné le Président de la Chambre départementale des notaires, avec faculté de délégation, pour y procéder ;
ENFIN AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1844-10 du Code civil la nullité des actes ou délibérations des organes d'une société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ; qu'au regard du respect du droit fondamental de tout associé de participer aux décisions collectives, toute délibération prise par une assemblée à laquelle un associé n'a pas pu participer, faute d'y avoir été convoqué, est nulle et cette nullité entraîne par voie de conséquence la nullité des actes pris en exécution d'une telle délibération ; que dans le cas présent, en l'état de la caducité du testament, les 2290 parts que le défunt détenait dans la SCI de l'EGLISE se sont trouvées en indivision à compter du décès ; qu'en conséquence, conformément aux dispositions de l'article 1844 du Code civil, l'indivision successorale devait être convoquée et représentée par un mandataire unique choisi par les indivisaires dans les assemblées générales s'étant tenues à compter du décès de Monsieur Claude X... et les bénéfices sociaux attachés à ces 2290 parts, dégagés postérieurement au décès, dépendent de l'indivision successorale ; que dès lors, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a annulé l'assemblée générale s'étant tenue le 11 avril 2001 en l'absence de tout représentant de l'indivision successorale, dit que les sommes de 17.896,60 et 19.572,63 correspondant aux bénéfices sociaux attachés aux 2290 parts au titre des exercices clos en décembre 2000 et 2001 appartiennent à l'indivision, dit que Melissa X... devra restituer à l'indivision la somme de 19.572,63 qu'elle a perçue à ce titre et désigné Madame Muriel X... en qualité de représentante de ladite indivision à l'égard de la SCI de I'EGLISE à l'effet d'assurer les droits attachés aux 2290 parts dont s'agit ;
1) ALORS QUE le testament par lequel un père partage entre ses descendants les biens qu'il laissera à son décès, en composant comme il l'entend les lots de chacun, est un testament-partage ; que cette qualification n'est pas exclue par cela seul que, par ailleurs, le de cujus a entendu faire bénéficier l'un des co-partagés d'un legs préciputaire et hors part ; qu'en jugeant que le testament du 3 septembre 1999, par lequel Monsieur Claude X... a alloti chacun de ses enfants, était un testament ordinaire comportant un legs préciputaire, puisqu'il léguait à Mademoiselle Melissa X... la quote-part disponible de ses biens et avait ainsi voulu l'avantager, quand le testateur avait voulu allotir ses enfants et que la circonstance que, par ailleurs, le testateur ait voulu léguer à sa fille la quote-part disponible de ses biens n'excluait pas la qualification de testament-partage, la Cour d'appel a violé l'article 1075 du Code civil ;
2) ALORS QUE lorsque, par l'effet du testament-partage, l'un des bénéficiaires ne reçoit pas un lot égal à sa part de réserve, seule peut être exercée l'action en réduction conformément à l'article 1077-2 du Code civil ; qu'en jugeant que les dispositions testamentaires du 3 septembre 1999 étaient caduques bien que si l'un des co-partagés n'a pas reçu un lot égal à sa part de réserve, seule pouvait être exercée l'action en réduction et que les dispositions testamentaires ne pouvaient donc être caduques, la Cour d'appel a violé l'article 1080 du Code civil.