Sur le moyen unique :
Vu les articles 489 et 489-1, alinéa 1, du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 ;
Attendu que, selon ces textes, si, du vivant d'un individu, celui qui invoque la nullité d'un acte pour insanité d'esprit peut en rapporter la preuve par tous moyens, après sa mort, un acte, autre qu'une donation ou un testament, fait par un individu qui, de son vivant, n'était pas placé sous sauvegarde de justice ou ne faisait pas l'objet d'une procédure en ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle, ne peut être attaqué pour cause d'insanité d'esprit que si cet acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;
Attendu qu'Anne-Marie X... a souscrit, entre 1988 et 1994, cinq contrats d'assurance-vie au bénéfice, pour au moins quatre d'entre eux, de l'épouse de son frère, Mme Jacqueline Y...; que le 21 juillet 2003, Anne-Marie X... a modifié la désignation des bénéficiaires de ces contrats au profit de deux de ses neveux, MM. Gérard et Jean-Luc
X...
; qu'Anne-Marie X... est décédée le 9 septembre 2003 ; qu'invoquant l'insanité d'esprit d'Anne-Marie X... à la date de modification par celle-ci de l'identité des bénéficiaires, Mme Jacqueline Y...a fait assigner MM. Gérard et Jean-Luc
X...
notamment en annulation de la modification des clauses relatives aux bénéficiaires sur le fondement des articles 489 et 901 du code civil ; que Claudie X..., fille de Mme Jacqueline Y...et héritière d'Anne Marie-X..., est intervenue à l'instance ; que, par jugement du 8 novembre 2006, le tribunal a déclaré Mme Jacqueline Y...irrecevable en sa demande en nullité de l'avenant aux contrats d'assurance-vie pour défaut de qualité à agir, Claudie X... recevable en son action et a prononcé la nullité de l'avenant modifiant les clauses bénéficiaires des cinq contrats et dit que Mme Jacqueline Y...était l'unique bénéficiaire de quatre d'entre eux ; que Claudie X... est décédée au cours de l'instance d'appel ; que ses héritiers et ayants droit sont intervenus à la procédure ; que la cour d'appel a, par motifs propres, confirmé le jugement ;
Attendu que pour annuler l'avenant du 21 juillet 2003, l'arrêt attaqué, constate qu'Anne-Marie X... était décédée ; qu'il retient ensuite, d'une part, que les contrats d'assurance-vie litigieux ne pouvaient s'analyser en des donations indirectes, d'autre part, que le cas présent n'entrait dans aucune des trois hypothèses envisagées par l'article 489-1 du code civil ; qu'enfin, faisant application de l'article 489 du code civil, il relève qu'une attestation d'un médecin fait état de l'hospitalisation, courant juin 2003, d'Anne-Marie X..., alors âgée de 92 ans, qui présentait, avant son décès, et par voie de conséquence à la date de modification des contrats litigieux, un état cérébral lacunaire, et en déduit que cette dernière n'était plus en mesure de contracter à la date de la signature de l'avenant ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne Mme Jacqueline X..., M. D..., Mme E...et la société Cardif assurances vie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. Gérard X... et autre
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité pour insanité d'esprit de son d'un avenant en date du 21 juillet 2003 modifiant les clauses bénéficiaires de cinq contrats d'assurance-vie et d'avoir, en conséquence, dit que Mme Jacqueline Y..., veuve X... est l'unique bénéficiaire de quatre d'entre eux ;
Aux motifs que « sur le fond, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les contrats d'assurance vie souscrits par feue Anne-Marie X... s'analysent en donations indirectes soumises dès lors aux dispositions régissant le droit des libéralités et en particulier l'article 901 du code civil ; qu'en effet, stipulations pour autrui, ils ne répondent pas à la définition de l'article 893 du même code, aux termes duquel " la libéralité est l'acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne ", dès lors qu'il ne peut être argué en l'espèce d'un dépouillement actuel au moment de la souscription, et irrévocable, faute d'acceptation par le ou les bénéficiaires interdisant d'en modifier l'identité ; que seules sont applicables le cas échéant, en conséquence, les dispositions contenues dans les articles 489-1 du code civil, prévoyant trois hypothèses d'annulation post mortem des actes passés par un individu, dont aucune ne peut en l'espèce être retenue, mais également les restrictions prévues par l'article 489, à vocation générale, dont il résulte que " pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit, mais c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte " ; qu'il est produit une attestation de M. le docteur F...dont la neutralité ne peut sérieusement être contestée eu égard à son absence d'intérêt dans la cause, faisant état de l'hospitalisation, courant juin 2003, à la suite de chutes répétées, de feue Anne-Marie X... alors âgée de 92 ans, laquelle présentait selon le praticien, des mois avant son décès, et par voie de conséquence à la date de modification des contrats litigieux, un " état cérébral lacunaire " ; que le médecin indique encore qu'après avoir examiné la susnommée le 9 juillet 2003, son confrère a conclu qu'elle se trouvait " mentalement ralentie " ; qu'enfin il précise avoir observé que le 5 août suivant, plus aucun contact verbal n'était possible ; que, s'agissant d'un professionnel de santé, médecin habituel de Mme
X...
il ne peut être sérieusement soutenu qu'il n'aurait pas su faire la différence entre de simples problèmes de surdité et des déficiences psychiques ; que les éléments objectifs ainsi développés démontrent suffisamment que Mme
X...
n'était plus en mesure de contracter en toute conscience de la portée de ses actes à la date de signature de l'avenant du 21 juillet 2003 ayant modifié les clauses bénéficiaires des cinq contrats souscrits plusieurs années auparavant ; que c'est pertinemment que les premiers juges ont, par suite, annulé ledit avenant, et déclaré Mme Jacqueline Y..., veuve X... seule bénéficiaire de 4 des contrats litigieux, réservant sa décision s'agissant du dernier, dans l'attente de justificatifs complémentaires ; que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions » ;
Alors qu'en vertu de l'article 489-1 du Code civil, après la mort d'un individu, les actes, autres qu'une donation ou un testament, faits par lui lorsque, de son vivant, il n'était pas placé sous sauvegarde de justice ni ne faisait l'objet d'une procédure en ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle, ne peuvent être attaqués pour cause d'insanité d'esprit que s'ils portent eux-mêmes la preuve d'un trouble mental ; qu'ayant constaté que Mme Anne-Marie X... était décédée et après avoir affirmé d'une part, que le cas présent n'entrait dans aucune des trois hypothèses envisagées par l'article 489-1 du Code civil qui ne pouvait, dès lors, recevoir application et, d'autre part, que les contrats d'assurance vie litigieux n'étaient pas soumis aux règles applicables aux donations entre vifs et aux testaments, la cour d'appel qui a néanmoins considéré que l'insanité d'esprit de Mme Anne-Marie X... pouvait être établie au moyen d'une attestation extérieure aux actes dont la validité était contestée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé, par fausse application, l'article 489 du Code civil et, par refus d'application, l'article 489-1 du même code.