LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° K 08-13.634 et S 08-13.617 ;
Sur le premier moyen du pourvoi K 08-13.634, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, alors que les documents argués de dénaturation ne sont pas produits devant la Cour de cassation, qu'ayant relevé que le marché conclu entre la société EM2C et la société Sofialex prévoyait un prix global, forfaitaire et non révisable, et retenu, par motifs propres et adoptés, répondant aux conclusions, que le descriptif initial n'était qu'un document de travail intermédiaire sans portée ni signification particulière et que le descriptif quantitatif estimatif du 30 avril 2002 définissait avec précision les travaux à exécuter dont le prix ne pouvait être remis en question par la simple allégation de surestimation en quantité ou en prix de détail et en l'absence de démonstration d' un bouleversement de l'économie du contrat, la cour d ‘appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que le marché avait été valablement conclu à forfait et que la réclamation de la société fondée sur ce marché était justifiée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la société Sofialex avait présenté son mémoire définitif le 26 septembre 2002, dans les 90 jours à compter de la date de résiliation du marché et que malgré une mise en demeure du 20 novembre 2002, cette société n'avait pas produit de décompte définitif dans le délai de quinze jours la cour d'appel qui en a exactement déduit, en application de la norme NF P 03001, que la société EM2C était réputée avoir accepté ce décompte a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de ce chef ;
D'ou il suit que pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen du pourvoi n° K 08-13.634, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu qu'aucune tromperie ni aucune faute n'était établie à la charge de la société Sofialex, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° S 08-13.617, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu comme base de calcul le solde de travaux selon la situation n°2 du 25 juin 2002 et le solde du poste "installation et règle du QDE" (documents non argués de dénaturation), la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen du pourvoi n° S 08-13.617, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de défaut de réponse à des "moyens", la société Sofialex reproche à l'arrêt de ne pas statuer sur ses demandes d'intérêts moratoires et compensatoires afférentes à une certaine période; que ce grief relevant de la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° S 08-13.617 par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour la société Sofialex.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir limité la condamnation de la société EM2C Initiale envers la société Sofialex au titre du solde des travaux effectués à la somme de 286 035,73 ;
AUX MOTIFS QUE le marché régularisé le 3 avril 2002 entre la société EM2C et la société Sofialex pour le lot gros oeuvre du chantier Almet à Satolas et Bonce prévoyait un prix global forfaitaire et non révisable d'un montant HT de 673 326,14 soit 769 298,06 TTC, sur le bon d'un devis descriptif quantitatif et estimatif signé par EM2C et Sofialex qui définissait avec précision les travaux à exécuter, étant indiqué que par fax du 3 avril 2002, cette dernière avait demandé que le montant de la commande soit arrêté à 678398,13 HT, comprenant 1 % de prorata ; QUE ce prix forfaitaire ne peut pas être remis en discussion et que EM2C ne peut invoquer des surestimations en quantités ou en prix de détail pour obtenir une réduction du prix définitif contractuellement convenu ; QUE de plus, il n'est démontré aucun bouleversement de l'économie du contrat du 3 avril 2002, s'agissant ainsi que le reconnaît EM2C dans un courrier du 26 février 2002, d'une consommation de quantités inférieures à celles prévues dans le contrat ; QU'en conséquence fa société Sofialex est bien fondée à réclamer le paiement d'un solde de travaux sur la base du prix forfaitaire convenu ; ... QUE le CCAG accepté le 3 avril 2002 par EM2C et la société Sofialex indiquait que l'entreprise sous-traitante devait respecter notamment les prescriptions techniques générales constituées par le document du REEF du CSTB publiées au jour de la signature du marché ; QUE les dispositions du CCAG relatives au mémoire ou décompte définitif qui doit être présenté au contractant général dans les 90 jours à compter de fa date de réception ou de la date de résiliation ou résolution du marché, et qui peut-être établi par lui ou le maître d'oeuvre après une mise en demeure restée sans effet dans un délai de 15 jours à compter de sa date d'expédition, n'empêche pas l'application de la norme NFP 03.001 qui définit la suite de la procédure de clôture des comptes après "établissement du mémoire définitif visé par le CCAG" ; QUE cette norme peut s'appliquer dans les rapports entre l'entreprise principale et le soustraitant; QU'en l'espèce la société Sofialex a adressé son mémoire définitif à EM2C le 26 septembre 2002 ; QUE malgré une mise en demeure en date du 20 novembre 2002, EM2C n'a pas produit un décompte définitif dans le délai de 15 jours ; QU'en conséquence EM2C est réputée avoir accepté ce décompte; ... QUE les sommes dues à la société Sofialex par EM2C doivent être ainsi fixées : - solde de travaux selon situation de travaux n° 2 du 25 Juin 2002 et solde du poste installation et règle du QDE : 286 035,73 ;
ALORS QUE la société Sofialex avait fait valoir que sur le montant total du mémoire, soit 577 609,67 hors taxes ou 690 821,17 TTC, seule la somme de 317 322,24 , au total, avait été réglée, de sorte que le solde du marché s'établissait à la somme de 312289,07 hors taxes, somme à laquelle le jugement avait condamné la société EM2C ; que dès lors, faute d'avoir précisé quels éléments lui avaient permis de considérer que le solde du marché s'établissait à la somme de 286 035,73 et non à celle déterminée par le jugement, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation de la société EM2C Initiale au titre des intérêts moratoires et compensatoires à deux sommes de 14 331,09 ;
1) ALORS QUE dans ses conclusions (p. 45, al. 5), la société Sofialex avait fait valoir qu'il lui était dû, outre la somme de 14 331,09 au titre des intérêts moratoires dus au 31 août 2002, les intérêts moratoires au taux défini en application de l'article L. 441-6 du code de commerce à compter du 1er septembre 2002 jusqu'à complet paiement; qu'en omettant de réponde à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE, de même, dans ses conclusions (p. 45, al. 6), la société Sofialex avait fait valoir que le calcul des intérêts compensatoires devait être poursuivi après le 31 août 2002 jusqu'à complet paiement ; que la cour d'appel, en omettant de répondre à ce moyen, a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyens produits au pourvoi n° K 08-13.634 par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société EM2C Construction Sud Est.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le caractère global et forfaitaire du contrat de travaux signé par les parties le 3 avril 2002, d'AVOIR condamné la société EM2C à payer à la société SOFIALEX la somme de 28.935 au titre de la perte d'exploitation consécutive à la résiliation du contrat et celle de 14.331,09 au titre des intérêts moratoires, la somme de 286.035,73 à titre de solde de travaux, ainsi que de l'AVOIR condamnée à payer les frais irrépétibles de la société SOFIALEX et les dépens et d'AVOIR débouté la société EM2C de sa demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « le marché régularisé le 3 avril 2002 entre la société EM2C et la société SOFIALEX pour le gros oeuvre du chantier ALMET à SATOLAS et BONCE prévoyait un prix global, forfaitaire et non révisable d'un montant HT de 673.326,14 soit 769.298,06 TTC, sur le bon d'un devis descriptif quantitatif et estimatif signé par EM2C et SOFIALEX qui définissait avec précision les travaux à exécuter, étant indiqué que par fax du 3 avril 2002, cette dernière avait demandé que le montant de la commande soit arrêté à 678.398,13 HT, comprenant 1% de prorata ; que ce prix forfaitaire ne peut être remis en discussion et que EM2C ne peut invoquer des surestimations en quantités ou en prix de détail pour obtenir une réduction du prix définitif contractuellement convenu ; que de plus, il n'est démontré aucun bouleversement de l'économie du contrat du 3 avril 2002, s'agissant, ainsi que le reconnaît EM2C dans un courrier du 26 février 2002, d'une consommation de quantités inférieures à celles prévues au contrat ; qu'en conséquence la société SOFIALEX est bien fondée à réclamer le paiement d'un solde de travaux sur la base du prix forfaitaire convenu ; que sur l'application de la norme NFP 03.001, le CCAG accepté le 3 avril par EM2C et la société SOFIALEX indiquait que l'entreprise sous-traitante devait respecter notamment les prescriptions techniques générales constituées par le document du REEF du CSTB publiées au jour de la signature du marché ; que les dispositions du CCAG relatives au mémoire ou décompte définitif qui doit être présenté au contractant général dans les 90 jours à compter de la date de réception ou de la date de résiliation ou résolution du marché, et qui peut être établi par lui ou le maître d'oeuvre après une mise en demeure restée sans effet dans un délai de 15 jours à compter de sa date d'expédition, n'empêche pas l'application de la norme NFP 03.001 qui définit la suite de la procédure de clôture des comptes après l'établissement du mémoire définitif visé par le CCAG ; que cette norme peut s'appliquer dans les rapports entre l'entreprise principale et le sous-traitant ; qu'en l'espèce la société SOFIALEX a adressé son mémoire définitif à EM2C le 26 septembre 2002 ; que malgré une mise en demeure en date du 20 novembre 2002, EM2C n'a pas produit un décompte définitif dans le délai de 15 jours ; qu'en conséquence EM2C est réputée avoir accepté ce décompte » ;
ALORS en premier lieu QUE la société EM2C, après avoir rappelé que, comme l'avait confirmé l'expert judiciaire, les termes du marché conclu avec la société SOFIALEX avaient été définis sur la base de plans surestimant les travaux à réaliser et surtout différents des plans reçus par la société SOFIALEX et non communiqués à la société EM2C, qui étaient quant à eux conformes à la réalité, exposait pour prouver la responsabilité de la société SOFIALEX que celle-ci « se devait d'alerter EM2C INITIALE lorsqu'elle a découvert les plans, avec des quantités très largement inférieures à celles prévues au D.Q.E. et au marché de base » (conclusions, p.28) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, tout en admettant la « discordance des quantités réellement consommées par la société SOFIALEX » au regard des documents sur la base desquels le prix du marché avait été fixé (arrêt, p.8), compte tenu d' « erreurs importantes sur les quantités » (arrêt, p.9) ayant bénéficié à la société SOFIALEX, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS en deuxième lieu QUE l'article 1.3 du CCAG stipulait que les parties incluaient aux documents contractuels « les prescriptions techniques générales constituées par le document du REEF du CSTB publiées au jour de la signature du marché », références techniques parfaitement étrangères à la norme NFP 03.001 ; qu'en jugeant que l'article 1.3 du CCAG soumettrait les parties à la norme NFP 03.001, en confondant le Cahier des prescriptions techniques générales avec l'intégralité du REEF, lequel rassemble en sa qualité de recueil la quasi totalité des textes et normes applicables aux constructions de bâtiments, dont la norme NFP 03.001, la Cour d'appel a dénaturé ces documents, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
ALORS en troisième lieu, subsidiairement, QUE la société EM2C exposait avoir en tout état de cause contesté le mémoire définitif de la société SOFIALEX dans les délais prévus à l'article 19.6 de la norme NFP 03.001, par un courrier du 22 octobre 2002 réservant sa réponse et ses observations sur le mémoire définitif qui lui avait été soumis jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire en cours ; qu'en jugeant que la société EM2C aurait accepté le mémoire définitif faute d'y avoir répondu dans le délai de quarante cinq jours ayant couru à compter de l'envoi de ce dernier par la société SOFIALEX le 26 septembre 2002 ou dans le délai de quinze jours ayant couru à compter de la mise en demeure du 20 novembre 2002, sans vérifier si la lettre du 22 octobre 2002 rappelant la nécessité d'attendre les résultats de l'expertise judiciaire en cours pour établir un décompte n'avait pas nécessairement interrompu lesdits délais, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 19.6 de la norme NFP 03-001 ;
ALORS en quatrième lieu QU'il ne peut y avoir de marché à forfait lorsque le volume, la nature et les modalités des travaux n'ont pas été déterminés avec précision ; qu'en jugeant que le prix « forfaitaire » convenu ne pourrait être remis en discussion sans rechercher, comme il lui était demandé, si le fait que l'ensemble des plans d'exécution aient été réalisés après la conclusion du marché et le fait que ceux-ci aient révélé une « discordance des quantités réellement consommées par la société SOFIALEX » (arrêt, p.8), compte tenu des « importantes erreurs » (ibid. p.9) contenues dans les documents sur la base desquels le marché avait été conclu, au point qu'au prix de 769.298,06 TTC stipulé dans ce dernier l'expert judiciaire opposait page 58 de son rapport les 315.322,24 TTC de travaux réellement effectués par la société SOFIALEX, n'interdisaient pas de considérer le forfait régulier, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1793 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit la résiliation du contrat du 27 juin 2002 abusive et d'AVOIR condamné la société EM2C à payer à la société SOFIALEX les sommes suivantes consécutives à la résiliation du contrat : 89.340 au titre du préjudice commercial, 14.331,09 au titre des dommages-intérêts compensatoires, 6.000 au titre du coût de l'audit ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « la résiliation du contrat, compte tenu de la discordance des quantités réellement consommées par la société SOFIALEX (cf. courrier du 27 juin 2002), n'est pas prévue par le CCAG qui indique notamment comme cause de résolution la fraude ou la tromperie grave sur la qualité des matériaux ou la qualité d'exécution des travaux, le non-respect des stipulations du marché ou des plans d'exécution de l'ouvrage ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en conséquence la résiliation prononcée par EM2C est abusive » ;
ALORS QUE pour justifier la résiliation prononcée, la société EM2C invoquait l'article 1184 du Code civil (conclusions, p.34) et le fait qu'« indépendamment des dispositions contractuelles ressortant du CCAG, la Cour constatera que la société SOFIALEX a délibérément trompé la société EM2C INITIALE sur les quantités mises en oeuvre, et conséquemment sur la facturation » (ibid., p.35) ; qu'en jugeant la résiliation abusive au seul motif qu'elle aurait été invoquée pour un cas non prévu par le CCAG, sans statuer sur le bien fondé de la résiliation prononcée sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité.