LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 novembre 2007), que la société Les Serres du Fréty, exploitante de serres agricoles, a fait installer par la société Claie un système informatisé d'enrichissement de l'atmosphère de ses serres comprenant deux ballons de stockage d'eau chaude ; que la société Elotec a fourni une unité centrale informatique ainsi qu'un logiciel de gestion climatique ; que, se plaignant de déficiences de cette installation, la société Les Serres du Fréty, après désignation d'un expert en référé, a assigné devant un tribunal les sociétés Claie et Elotec en réparation de son préjudice ; que sont intervenus à la procédure la société Axa, devenue Axa France IARD (la société Axa France), assureur de la société Elotec, la société Groupama Loire Bretagne - caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles des Pays de la Loire (la société Groupama), assureur de la société Claie, la société Allain des X... et M. Jean-Pierre Y..., intermédiaires de la société Groupama, et M. Vincent Z..., administrateur judiciaire de la société Claie entre-temps placée en redressement judiciaire ; que le tribunal, après avoir partiellement annulé le rapport de l'expert, a condamné la société Groupama, assureur de la société Claie, à payer à la société Les Serres du Fréty une certaine somme ; que la société Groupama a interjeté appel de cette décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Groupama fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Elotec et la société Axa France, à payer à la société Les Serres du Fréty une certaine somme, outre intérêts au taux légal, et de juger que dans leurs rapports respectifs les parties condamnées se garantiront mutuellement à raison de 75 % à la charge de la société Groupama et de 25 % à la charge in solidum de la société Elotec et de la société Axa France, alors, selon le moyen :
1°/ que la méconnaissance du principe de la contradiction par l'expert judiciaire n'empêche pas le juge de prendre en compte le fait sur lequel l'expert s'est appuyé pour donner son avis et qui a ensuite été soumis à la libre discussion des parties devant la juridiction ; qu'en jugeant que le non-respect de la contradiction par l'expert à propos de la constatation selon laquelle la société Elotec avait déjà participé à l'installation d'un système comprenant deux ballons interdisait jusqu'à la prise en compte de ce fait pourtant librement discuté devant le tribunal puis la cour d'appel, cette dernière a violé par fausse application l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que l'annulation d'une partie du rapport d'expertise dans laquelle l'expert judiciaire donne une opinion juridique sur le partage de responsabilité ne fait pas obstacle à ce que les juges du fond aient la même appréciation juridique ; qu'en excluant un partage de responsabilité pour moitié entre les sociétés Claie et Elotec en raison de l'annulation de la partie du rapport d'expertise qui concluait à un tel partage, tandis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue par l'opinion juridique exprimée par l'expert, pouvait conclure à un partage de responsabilité identique, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 238 du même code ;
Mais attendu qu'ayant partiellement annulé le rapport de l'expert, après avoir constaté que celui-ci avait méconnu le principe de la contradiction en révélant et en utilisant une information recueillie dans des conditions non portées à la connaissance des parties, les privant de la possibilité d'en débattre et d'apprécier l'effet que pouvait avoir cet élément sur leur implication dans le litige, la cour d'appel, exerçant sa propre appréciation de la répartition des responsabilités entre les différents intervenants, a pu fixer comme elle l'a fait, sans encourir les griefs du moyen, la part de responsabilité de la société Elotec dans la survenance du dommage, après avoir considéré que celle-ci, en qualité de professionnelle des ordinateurs destinés aux serres horticoles, avait méconnu ses obligations envers la société Claie, et après avoir retenu qu'il lui appartenait d'attirer l'attention de la société Les Serres du Fréty sur les anomalies constatées et les risques de mauvais fonctionnement générés par les défectuosités ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche :
Attendu que la société Axa France fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les sociétés Groupama et Elotec, à payer différentes sommes à la société Les Serres du Fréty, et de la condamner à garantir la société Elotec, son assurée, de la condamnation au paiement de la somme principale de 326 655,10 euros, alors, selon le moyen, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives de parties ; qu'en l'espèce, la société Axa France a soutenu que le dommage survenu était exclu de la garantie puisque, ne constituant pas un dommage "matériel" au sens du contrat, il ne constituait pas davantage un dommage immatériel consécutif ; que la société Elotec n'a pas prétendu qu'il s'agirait d'un dommage "matériel", retenant au contraire dans ses conclusions qu'elle "ne peut, dans le cadre des produits informatiques et des logiciels qu'elle conçoit et qu'elle vend, provoquer d'atteinte à la structure ou à la substance d'une chose" ; qu'il y avait dès lors accord sur ce point entre les parties, la société Elotec reprochant précisément à la société Axa France d'avoir manqué à son obligation de conseil en se fondant sur l'absence de risque d'un tel dommage dans son activité ; qu'en remettant dès lors en cause cette question non débattue, pour décider que le risque survenu était un risque matériel, ce qu'aucune des parties n'admettait, et que les termes du contrat obligeaient la société Axa France à le garantir comme tel, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'une simple concordance des conclusions entre les parties ne constituant pas l'accord exprès qui pourrait, selon l'article 12 du code de procédure civile, lier le juge par des points de droit auxquels elles auraient entendu limiter le débat, la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige, a exactement décidé que la société Axa France était tenue à garantie envers son assurée, après avoir, par une interprétation souveraine, retenu que le risque survenu était un risque matériel au sens du contrat ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne, in solidum, la société Groupama Loire Bretagne - caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles des Pays de la Loire et la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille neuf.
LE CONSEILLER REFERENDAIRE RAPPORTEUR LE PRESIDENT
LE GREFFIER DE CHAMBRE
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour la société Groupama Loire Bretagne - caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles des Pays de la Loire.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la compagnie Groupama Loire Bretagne in solidum avec la société Elotec et la société Axa France IARD à payer à l'EARL Les Serres du Frety la somme de 326.655,10 outre intérêts au taux légal et d'AVOIR jugé que dans leurs rapports respectifs les parties condamnées se garantiront mutuellement à raison de 75 % à la charge de la compagnie Groupama et de 25 % à la charge in solidum de la société Elotec et de la société Axa ;
AUX MOTIFS QUE l'expert judiciaire mentionne en page 13 bis de son rapport, à la rubrique intitulée « estimation des responsabilités », qu'il a vérifié le 26 juin 2003 l'existence et le montage en parallèle de deux ballons horizontaux de 250 m3 chacun dans une installation située à quelques kilomètres des Serres du Frety, précisant que la gestion et la régulation de ce stockage installé en 1998 sont confiées à Elotec qui avait pourtant soutenu, dans un dire sur pré-rapport, qu'elle n'avait jamais mis sur le marché un programme de gestion simultanée des ballons ou des lectures de température des deux ballons différents en parallèle et n'avait jamais induit Claie en erreur sur ces points, ce qui conduit l'expert à s'interroger sur les raisons ayant motivé le silence de Elotec dont la responsabilité se trouverait ainsi engagée, selon le technicien, à 50% pour les pertes d'exploitation et taxe TICGN, par son omission de signaler à Claie l'existence de cette installation et ses particularités hydrauliques différentes ainsi que la nécessité d'un contrôle par positionnement de sondes sur chaque ballon, retardant ainsi la recherche des causes des désordres et le choix des solutions modificatives éventuelles à apporter ; qu'en révélant et en utilisant dans son rapport définitif une information qu'il a recueillie dans des conditions non portées à la connaissance des parties, de même que la nature et le contenu de l'information considérée, l'expert a privé les parties de la possibilité d'en débattre et d'apprécier l'impact que pouvait avoir cet élément sur leur implication dans le litige et la détermination des responsabilités ; qu'il a ainsi méconnu le principe de la contradiction qui doit être respecté dans l'exécution des mesures d'instruction comme à toute phase de la procédure, ce qui a pour conséquence nécessaire l'annulation de la seule partie du rapport dans laquelle est exposée et commentée l'information litigieuse ; que le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a prononcé cette annulation, ce qui interdit de retenir, pour apprécier la part de responsabilité incombant à la société Elotec, le fait qu'elle se soit abstenue de faire état de l'existence, bien connue d'elle-même, d'une autre installation d'enrichissement de l'atmosphère par injection de CO2 comportant deux ballons horizontaux fonctionnant en parallèle et d'utiliser cette connaissance pour contribuer à la solution du problème technique survenu dans celle des Serres du Frety (arrêt, p. 9, § 5 à p. 10, § 4) ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE l'expert a déposé un prérapport aux termes duquel il conclut à une responsabilité des sociétés Elotec et Claie dans la proportion de 25% et 75% ; que dans son rapport définitif du 7 juillet 2003, en page 13 bis, il fait état, en ce qui concerne « l'estimation des responsabilités », d'un fait nouveau permettant, selon lui, de modifier fortement l'évaluation et le partage des responsabilités par le tribunal ; qu'il relève ainsi une contradiction entre une réponse à un dire sur pré-rapport établi par la société Elotec et des constatations et renseignements qu'il aurait vérifiés le 26 juin 2003 concernant une installation située à quelques kilomètres de celle objet du litige ; qu'il en conclut à un partage de responsabilité entres les sociétés Elotec et Claie à hauteur de 50% chacune ; que de telles constatations et appréciations faites unilatéralement par l'expert sans aucun respect du contradictoire doivent être annulées (jugement, p. 11, § 11 à p. 12, § 4) ;
1) ALORS QUE la méconnaissance du principe de la contradiction par l'expert judiciaire n'empêche pas le juge de prendre en compte le fait sur lequel l'expert s'est appuyé pour donner son avis et qui a ensuite été soumis à la libre discussion des parties devant la juridiction ; qu'en jugeant que le non respect de la contradiction par l'expert à propos de la constatation selon laquelle la société Elotec avait déjà participé à l'installation d'un système comprenant deux ballons interdisait jusqu'à la prise en compte de ce fait pourtant librement discuté devant le tribunal puis la cour d'appel, cette dernière a violé par fausse application l'article 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE l'annulation d'une partie du rapport d'expertise dans laquelle l'expert judiciaire donne une opinion juridique sur le partage de responsabilité ne fait pas obstacle à ce que les juges du fond aient la même appréciation juridique ; qu'en excluant un partage de responsabilité pour moitié entre les sociétés Claie et Elotec en raison de l'annulation de la partie du rapport d'expertise qui concluait à un tel partage, tandis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue par l'opinion juridique exprimée par l'expert, pouvait conclure à un partage de responsabilité identique, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 238 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la compagnie Groupama Loire Bretagne in solidum avec la société Elotec et la société Axa France IARD à payer à l'EARL Les Serres du Frety la somme de 326.655,10 outre intérêts au taux légal et d'AVOIR jugé que dans leurs rapports respectifs les parties condamnées se garantiront mutuellement à raison de 75 % à la charge de la compagnie Groupama et de 25 % à la charge in solidum de la société Elotec et de la société Axa ;
AUX MOTIFS QUE la Caisse Régionale GROUPAMA invoque une limitation de garantie attachée par les stipulations de la police, dans le cadre du risque après livraison et/ou achèvement des travaux, aux dommages immatériels non consécutifs, soit 500 000 francs par année, ou 76 225 ; que, toutefois, le cas visé au point 17 des conditions générales de la police GROUPAMA d'assurance des responsabilités civiles professionnelles -souligné sur la pièce 12 des productions de GROUPAMA ne correspond pas à la situation présente puisque les dommages immatériels considérés dans cette clause sont ceux qui sont causés aux tiers lorsqu'ils ne sont pas consécutifs à des dommages corporels ou matériels et qu'ils résultent d'une fausse manoeuvre fortuite de l'assuré ou de ses préposés, hors des locaux dont l'assuré est propriétaire ou occupant ; que, de plus, ce point 17 se trouve dans le chapitre 2 concernant le risque d'exploitation alors que la limitation de garantie à laquelle se réfère l'appelant se situe dans le cadre du risque après livraison et/ou achèvement des travaux dont traite le chapitre 3 des conditions générales ; que, dans ce cadre contractuel, le point 2 (page 25) définit les dommages immatériels non consécutifs comme :
« les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison des dommages immatériels causés aux tiers :
• résultant de dommages corporels ou matériels non garantis par le présent contrat,
• survenant en l'absence de dommages corporels ou matériels, imputables aux produits fabriqués et/ou distribués par l'assuré après leur livraison, ou aux travaux d'installation exécutés par l'assuré après leur achèvement » ; que dans le cas présent les dommages immatériels que constituent les pertes de productivité résultent bien de dommages matériels, consistant en un mauvais fonctionnement de l'installation dû à des erreurs de conception et de réalisation, dont il n'est pas contesté qu'il sont garantis par le contrat d'assurance ; qu'il s'agit donc de dommages immatériels consécutifs, tels que définis en tête des conditions générales auxquelles ne s'applique pas la limitation de garantie invoquée par GROUPAMA ; (…) que les dommages à la réalisation desquels ont contribué les manquements commis par l'EURL Elotec dans l'exercice de son activité professionnelle ont consisté en la mise en place d'une régulation défectueuse du circuit hydraulique et, entraînent le mauvais fonctionnement de l'installation avec comme conséquence la nécessité de la remettre en état ;
1°) ALORS QUE , dans ses conclusions d'appel (p. 13, § C), la compagnie Groupama Loire Bretagne faisait valoir que les dommages dont l'indemnisation était poursuivie étaient des « dommages immatériels non consécutifs » qui relevaient des garanties particulières souscrites au titre « Risques après livraison et/ou achèvement des travaux » ; que ces conditions, régulièrement versées aux débats, stipulaient que « moyennant stipulation aux conditions particulières, la garantie est étendue aux risques suivants : Dommages immatériels non consécutifs. Les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison des dommages immatériels causés aux tiers : • résultant de dommages corporels ou matériels non garantis par le présent contrat, • survenant en l'absence de dommages corporels ou matériels, imputables aux produits fabriqués et/ou distribués par l'assuré après leur livraison, ou aux travaux d'installation exécutés par l'assuré après leur achèvement » ; qu'en jugeant qu'il n'était pas contesté que les dommages matériels, consistant en un mauvais fonctionnement de l'installation dû à des erreurs de conception et de réalisation, étaient garantis par le contrat d'assurance, quand l'exposante soutenait clairement le contraire, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, le plan d'assurance des entreprises – responsabilités civiles professionnelles stipulait au chapitre 3 « Risque après livraison et/ou après achèvement des travaux », au titre de la garantie de base (p.23), que « sont exclus, outre les exclusions figurant aux dispositions générales : * les dommages aux biens fournis par l'assuré, * les frais incombant à l'assuré pour réparer, améliorer, remplacer tout ou partie des produits, marchandises, matériels fournis, des travaux ou prestations exécutés ou pour leur en substituer d'autres, même de nature différente, ainsi que la perte qu'il subi lorsqu'il est tenu d'en rembourser le prix, (…) » ; qu'en jugeant que les dommages matériels consistant en un mauvais fonctionnement de l'installation , nécessitant une remise en état, étaient garantis, quand ces dommages matériels étaient expressément exclus par la police, la cour d'appel a dénaturé le contrat d'assurance, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QU' au chapitre 3 « Risque après livraison et/ou après achèvement des travaux », il était stipulé, au titre des « garanties particulières et facultatives », que : « moyennant stipulation aux conditions particulières, la garantie est étendue aux risques suivants : Dommages immatériels non consécutifs. Les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison des dommages immatériels causés aux tiers :
• résultant de dommages corporels ou matériels non garantis par le présent contrat,
• survenant en l'absence de dommages corporels ou matériels, imputables aux produits fabriqués et/ou distribués par l'assuré après leur livraison, ou aux travaux d'installation exécutés par l'assuré après leur achèvement » ; que les conditions particulières prévoyaient que les dommages immatériels étaient garantis dans une limite de 500.000 francs par année ; qu'en refusant d'appliquer cette limitation, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.Moyen produit au pourvoi incident par Me A..., avocat aux Conseils pour la société Axa France IARD.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société AXA France IARD, in solidum avec la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles des Pays de la Loire GROUPAMA ASSURANCES et la société ELOTEC, à payer différentes sommes à la société LES SERRES DU FRETY, et de l'avoir condamnée à garantir la société ELOTEC, son assurée, de la condamnation au paiement de la somme principale de 326.655,10 ,
AUX MOTIFS QUE la société AXA France IARD, assureur de la responsabilité civile entreprises industrielles/commerciales de l'EURL ELOTEC, oppose l'exclusion de garantie stipulée aux conditions générales et particulières de la police souscrite par ELOTEC et portant sur les dommages immatériels qui, selon l'article 7.2, ne sont pas la conséquence de dommages corporels ou matériels ou qui sont la conséquence de dommages corporels ou matériels non garantis ; qu'il est mentionné à la rubrique "nature des garanties" des conditions particulières, pour les dommages après livraison/réception, "tous dommages confondus" à hauteur de 1 500 000 F ; que les conditions générales définissent les dommages matériels comme "toutes atteintes à la structure ou à la substance d'une chose... causés à autrui et imputables à l'activité déclarée aux conditions particulières" ; que les activités assurées sont définies aux conditions particulières de la manière suivante : - Conception, études d'implantation de systèmes d'irrigation et de climatisation de serres, - Vente de matériel d'irrigation et d'ordinateurs de contrôle, - Installation de circuits électriques ; que les dommages à la réalisation desquels ont contribué les manquements commis par L'EURL ELOTEC dans l'exercice de son activité professionnelle ont consisté en la mise en place d'une régulation défectueuse du circuit hydraulique et, entraînant le mauvais fonctionnement de l'installation avec comme conséquence la nécessité de la remettre en état, ils répondent bien à la définition du dommage matériel garanti par le contrat d'assurance ; que pertes de productivité subies par l'EARL du fait de ce mauvais fonctionnement sont la conséquence de dommages matériels garantis et ne sont donc pas atteints par l'exclusion stipulée aux conditions particulières et à l'article 7.2 des conditions générales ;
1° ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le contrat d'assurance conclu entre la société AXA France et la société ELOTEC a défini les "dommages matériels" garantis comme étant ceux qui portaient atteinte « à la structure ou à la substance d'une chose », et les "dommages immatériels" garantis comme ceux qui sont la conséquence de tels dommages matériels, les autres dommages immatériels pouvant être couverts à condition d'être l'objet d'une garantie facultative, laquelle, selon les énoncés des conditions particulières, n'a pas été souscrite en l'espèce ; que la cour a constaté que les dommages survenus consistaient uniquement dans un « dysfonctionnement » de l'installation, causé par une mise en place défectueuse de la régulation du circuit hydraulique ; qu'en décidant dès lors que la société AXA France était tenue de les garantir au motif qu'ils constitueraient des dommages matériels, quand les dommages constatés, simples dysfonctionnements remédiables, ne constituaient pas des atteintes à la structure même ou à la substance de la chose litigieuse, la cour a violé l'article 1134 du code civil ;
2° ALORS QU'en vertu des dispositions du contrat conclu entre les parties, le "dommage matériel" est celui qui porte atteinte « à la structure ou à la substance de la chose » ; qu'en décidant que les dommages survenus constituaient de tels dommages, devant être garantis comme tels par la société AXA France IARD, sans avoir retenu aucun élément de nature à justifier que « la structure ou la substance de la chose » ait été atteinte par les désordres constatés, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives de parties ; qu'en l'espèce, la société AXA France a soutenu que le dommage survenu était exclu de la garantie puisque, ne constituant pas un dommage "matériel" au sens du contrat, il ne constituait pas davantage un dommage immatériel consécutif ; que la société ELOTEC n'a pas prétendu qu'il s'agirait d'un dommage "matériel", retenant au contraire dans ses conclusions qu'elle « ne peut, dans le cadre des produits informatiques et des logiciels qu'elle conçoit et qu'elle vend, provoquer d'atteinte à la structure ou à la substance d'une chose » (p. 23, § 4) ; qu'il y avait dès lors accord sur ce point entre les parties, la société ELOTEC reprochant précisément à la société AXA France d'avoir manqué à son obligation de conseil en se fondant sur l'absence de risque d'un tel dommage dans son activité ; qu'en remettant dès lors en cause cette question non débattue, pour décider que le risque survenu était un risque matériel, ce qu'aucune des parties n'admettait, et que les termes du contrat obligeaient la société AXA France à le garantir comme tel, la cour, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile.