LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 mai 2008), que, suivant acte de vente 1er juillet 1994, les époux X... ont vendu aux époux Y... une parcelle 91/36 avec constitution d'un droit de passage à charge de la parcelle section 3 n° 89/36, cet acte stipulant que cette parcelle resterait en indivision entre les propriétaires des parcelles 87/36, 88/36, 90/36 et 91/36 dont elle constituait l'accès ; que le 19 mai 1999, les époux Y... ont cédé à M. Z... les parcelles 96/36 et 97/36 issues de la division de la parcelle 91/36 ainsi que le quart indivis de la parcelle 89/36 ; que le 4 juin 1999 M. Z... a vendu à la société Perspective la parcelle 97/36 ainsi qu'une parcelle 99/36 issue de la division de la parcelle 96/36 avec constitution d'un droit de passage sur la parcelle 98/36 dont il demeurait propriétaire ; que le 29 septembre 1999, M. Z... a vendu la parcelle 98/36 aux époux A..., y compris le quart indivis de la parcelle 89/36 ; que la société Perspective, aux droits de laquelle se trouve la société LCP, a assigné en référé Mme B..., épouse C..., et MM. D... et A... en enlèvement de la barrière qu'ils avaient mise en place sur la parcelle 89/36 leur appartenant à l'entrée du chemin desservant ses parcelles n° 97/36 et 99/36 ;
Attendu que Mme B... épouse C..., et MM. D... et A... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que toute inscription doit être notifiée à celui qui l'a requise et au propriétaire inscrit, ainsi qu'à toutes les personnes que le livre foncier révèle comme devant bénéficier ou souffrir de l'inscription ; qu'en énonçant que le défaut de notification de l'inscription au Livre foncier de la servitude est sans emport sur l'opposabilité du droit, la cour d'appel a violé l'article 49 du décret du 18 novembre 1924 ;
2°/ que si les mentions portées au Livre foncier emportent présomption d'existence du droit, elles ne suffisent pas à le rendre opposable aux tiers ; qu'en effet, l'opposabilité d'une servitude est, en droit local, soumise à la notification de l'inscription de ladite servitude au Livre foncier à toutes les personnes que le livre foncier révèle comme devant bénéficier ou souffrir de l'inscription ; qu'en décidant que la seule inscription au Livre foncier entraînait son opposabilité aux tiers, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi du 1er juin 1924 et l'article 49 du décret du 18 novembre 1924 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la servitude de passage constituée au profit des parcelles 87/36, 88/36, 90/36 et 91/36 avait été inscrite au Livre foncier à la charge de la parcelle 89/36, propriété indivise des consorts X..., D... et A..., que, par ordonnance du juge du Livre foncier du 15 septembre 2005, il avait été inscrit au Livre foncier au nom de la société Perspective que l'immeuble section 16 n° 319/155, lequel est constitué par la réunion des parcelles 97/36 et 99/36, avait un droit de passage de gaines et canalisations sur section 3 n° 98/36 et un droit de passage sur section 3 n° 89/36, que les actes de vente successifs rappelaient l'existence de la servitude de passage bénéficiant aux parcelles d'origine et que l'acte du 4 juin 1999 précisait que la parcelle 99/36 bénéficiait de cette servitude, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que le défaut de notification de l'inscription au Livre foncier de la servitude au profit des parcelles issues de la division ou de la réunion de parcelles d'origine était sans conséquence sur l'opposabilité du droit, les mentions portées au Livre foncier emportant présomption d'existence de ce droit et le rendant opposable aux tiers, a pu en déduire que la mise en place d'une barrière empêchant le passage sur le chemin d'accès desservant la propriété de la société LCP, bénéficiaire de la servitude de passage, constituait un trouble manifestement illicite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, Mme X..., M. D... et M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, Mme X..., M. D... et M. A... à payer à la société LCP la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X..., M. D... et M. A... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils pour Mme X... et MM. D... et A...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 4 juillet 2006 qui avait condamné Madame X... et Messieurs D... et A... à enlever, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant la signification de l'ordonnance, la barrière qu'ils ont mis en place à l'entrée du chemin desservant les parcelles appartenant à la SA PESPECTIVE (n°97/36 et 99/36) ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'
« A l'appui de ses prétentions la SARL LCP produit une ordonnance du Juge du Livre Foncier de BRUMATH en date du 15 septembre 2005, laquelle a donné lieu à la délivrance du certificat du 5 décembre 2005 produit en première instance. Au terme de cette ordonnance : est inscrit au Livre Foncier de KRIEGSHEIM sur le feuillet n°1059 au nom de la SA PERSPECTIVE
en colonne 9 de l'immeuble : Section 16 n° 319/155 l'immeuble a un droit de passage et un droit de passage de gaines et canalisations sur section 3 n° 98/36
en colonne 9 de l'immeuble susvisé : l'immeuble a un droit de passage sur Section 3 n ° 89/36.
Les appelants soutiennent que la mention "l'immeuble susvisé" se rapporte à l'immeuble section 3 n° 98/36 et non à l'immeuble section 16 n° 319/55.
Il convient néanmoins de rappeler que cette ordonnance concerne les inscriptions devant être portée au feuillet 1059 ouvert au nom de la SA PERSPECTIVE, de sorte que la mention litigieuse ne peut être interprétée que comme se rapportant à l'immeuble section 16 n° 319/55, les servitudes bénéficiant au seul fonds servant n'ayant pas à figurer sur ce feuillet du Livre Foncier ».
« Cette interprétation est au demeurant confortée par l'extrait du Livre Foncier ainsi que par les actes versés aux débats.
En effet, suivant acte de vente du 1er juillet 1994 les époux X... ont vendu aux époux Y... une parcelle 91/36 avec constitution d'un droit de passage à charge de la parcelle Section 3 n° 89/36.
L'acte stipule que cette parcelle restera en indivision entre les propriétaires des parcelles 87/36, 88/36, 90/36 et 91/36 dont elle constitue l'accès.
Le 19/05/1999, les époux Y... ont cédé à Mr Z... les parcelles 96/36 et 97/36 issues de la division de la parcelle 91/36, ainsi que le quart indivis de la parcelle 89/36.
Ce dernier a vendu à la SA Société PERSPECTIVE le 4 juin 1999, la parcelle 97/36 ainsi qu'une parcelle 99/36 issue de la division de la parcelle 96/36 avec constitution d'un droit de passage sur la parcelle 98/36 dont il demeurait propriétaire, l'assiette de ce droit de passage étant constituée par une bande de terrain située dans le prolongement de la parcelle n° 89/36, de sorte que le passage peut s'exercer en continu depuis la voie publique, quand bien même les parcelles 89/36 et 97/36 ne seraient pas contiguës.
Les actes de vente successifs rappellent l'existence de la servitude de passage bénéficiant aux parcelles d'origine, l'acte du 4 juin 1999 précisant expressément que la parcelle 99/36 issue de la division de la parcelle 96/36 bénéficie de cette servitude.
Le 29 septembre 1999, Mr Z... a vendu la parcelle 98/36 aux époux A... y compris le quart indivis de la parcelle 89/36. L'acte mentionne la servitude constituée initialement ainsi que les divisions successives.
Il est enfin justifié de ce que la servitude de passage constituée au profit des parcelles 87/36, 88/36, 90/36 et 91/36 a été inscrite au Livre Foncier de KRIEGSHEIM feuillet 1067 à la charge de la parcelle 89/36 propriété indivise des consorts X..., D... et A....
La servitude de passage est une charge réelle qui grève le fonds servant au profit des parcelles d'origine mais aussi de toutes les parcelles issues de la division d'une parcelle d'origine. Le défaut de notification de l'inscription au Livre Foncier de la servitude au profit des parcelles issues de la division ou de la réunion de parcelles d'origine est dès lors sans emport sur l'opposabilité du droit.
Les mentions portées au Livre Foncier emportent présomption d'existence du droit et le rendent opposable aux tiers ».
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE
« En l'espèce, la pose par les défendeurs d'une barrière à l'entrée de la parcelle 89/36 n'est pas contestée. Il s'agit donc de vérifier l'existence de la servitude de passage revendiquée par la S.A. SOCIETE PERSPECTIVE pour caractériser l'illicéité du trouble qu'elle connaît.
Pour ce faire, la demanderesse s'appuie sur le certificat délivré le 05/12/05 par le bureau foncier du Tribunal d'Instance de Brumath et qui est particulièrement explicite. En effet, il est certifié qu'il est inscrit au nom de la S.A. PERSPECTIVE un droit de passage de son immeuble (section 16 n°319/155) sur la section 3 n°98/36 mais également sur la section 3 N°89/36. Il est utilement rappelé les dispositions de l'article 41 de la loi de 1924 qui stipulent que "l'inscription d'un droit emporte présomption de l'existence de ce droit en la personne du titulaire".
Dès lors, la servitude de passage revendiquée apparaît établie et permet de considérer que la pose d'une barrière à l'entrée du chemin desservant les parcelles 97/36 et 99/36 constitue un trouble manifestement illicite. Il y a lieu de faire droit à la demande d'enlèvement de cette barrière et ce sous astreinte selon les modalités fixées au dispositif ».
ALORS QUE toute inscription doit être notifiée à celui qui l'a requise et au propriétaire inscrit, ainsi qu'à toutes les personnes que le livre foncier révèle comme devant bénéficier ou souffrir de l'inscription ; qu'en énonçant que le défaut de notification de l'inscription au Livre Foncier de la servitude est sans emport sur l'opposabilité du droit, la Cour d'appel a violé l'article 49 du décret du 18 novembre 1924 ;
ALORS QUE si les mentions portées au Livre Foncier emportent présomption d'existence du droit, elles ne suffisent pas à le rendre opposable aux tiers ; qu'en effet, l'opposabilité d'une servitude est, en droit local, soumise à la notification de l'inscription de ladite servitude au Livre foncier à toutes les personnes que le livre foncier révèle comme devant bénéficier ou souffrir de l'inscription ; qu'en décidant que la seule inscription au Livre foncier entraînait son opposabilité aux tiers, la Cour d'appel a violé l'article 41 de la loi du 1er juin 1924 et l'article 49 du décret du 18 novembre 1924.