LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... et à Mme Y... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Générali assurances IARD ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 décembre 2007), qu'après avoir obtenu, à la suite de l'effondrement d'une grue sur un chantier, la condamnation de la société civile de construction vente résidence Les Noyers, maître de l'ouvrage, la société ARL et MM. A... et B..., liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société Mutuelle électrique d'assurance, ont assigné M. X... et Mme Y... en leur qualité d'associés détenant chacun 20 % des parts de la société civile, dont les 60 % restants étaient détenus par la société ECL en liquidation judiciaire, pour qu'ils fussent condamnés à payer chacun la moitié de la dette sociale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que s'il résultait du rapport d'expertise que le chantier était encombré de palettes et de parpaings et que la mise en ordre effectuée s'imposait compte tenu de l'organisation du chantier et de son exiguïté, le grutier avait reconnu n'avoir pas reçu d'instructions aux fins d'intervention directe et avoir agi sans attendre le chef de chantier et les autres ouvriers, à 7 heures du matin, alors que le contrat de location stipulait qu'il appartenait au locataire de déterminer, sous sa responsabilité, l'emplacement où il devait faire travailler le matériel loué ainsi que les trajets pour parvenir au lieu d'intervention et pour repartir de ce lieu, la cour d'appel, qui, sans constater un défaut de surveillance le jour de l'accident, a retenu que la chute de la grue avait pour cause l'initiative unilatérale et intempestive du grutier, qui était au surplus fautive puisque la technique de calage qu'il avait adoptée n'était pas adaptée et que le glissement de terrain était prévisible, a pu en déduire que le fait fautif du grutier excluait la responsabilité du maître d'oeuvre ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient qu'il est constant que suivant l'article 22. 2 des statuts de la SCI, ses associés devaient reprendre la participation de la société ECP, d'office, en cas de liquidation judiciaire, ce qui est advenu en l'occurrence ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 22. 2 des statuts de la SCI se limitait à prévoir le retrait de plein droit de l'associé en liquidation et renvoyait à l'article 22. 1 des statuts qui prévoyait qu'une offre de rachat devait être faite aux associés et qu'à défaut les parts seraient rachetées par la société, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette clause, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que compte tenu de leurs dissimulations sur la répartition du capital social de la SCI résidence Les Noyers, M. X... et Mme Y... seront tenus de 50 % chacun des dettes sociales à l'égard de la société ARL et de MM. A... et B..., en application des statuts, et condamne conjointement M. X... et Mme Y..., chacun pour moitié, à payer la somme de 77 769, 39 euros en principal à la société ARL et celle de 27 375, 24 euros en principal à MM. A... et B..., avec les intérêts au taux légal à compter du jugement du 21 avril 2005, capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, ainsi qu'ils ont été mis à la charge de la SCI résidence Les Noyers, par ce jugement confirmé en appel, et les sommes mises à la charge de cette SCI sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit 4 500 euros, l'arrêt rendu le 6 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne, ensemble, la société ARL et MM. A... et B..., ès qualités, aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société ARL et MM. A... et B..., ès qualités, et les condamne, ensemble, à payer à la société Axa France IARD la somme de 2 300 euros ; rejette la demande de la société Axa France IARD en ce qu'elle est dirigée contre M. X... et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Jean-Pierre X... et Mme Claire C...épouse Y... sont tenus des dettes de la SCI Résidence Les Noyers résultant des condamnations prononcées par le jugement du 21 avril 2005 et l'arrêt du 11 décembre 2006, en ce compris les frais irrépétibles, en application des statuts de cette société, dit que compte tenu de leurs dissimulations sur la répartition de ce capital M. Jean Pierre X... et Mme Claire C...épouse Y... seront tenus de 50 % chacun des dettes sociales à l'égard de la société A. R. L. et de Maîtres A... et B..., en application des statuts, et d'avoir en conséquence condamné conjointement, M. Jean-Pierre X... et Mme Claire C...épouse Y..., chacun pour moitié les sommes en principal de 77. 769, 39 euros à la société A. R. L., et de 27. 375, 24 euros à Maîtres A... et B..., outre les intérêts au taux légal, capitalisés,
Aux motifs que « M. Jean-Pierre X... et Mme Claire C...épouse Y... ne contestent pas le principe de leur obligation à paiement en application des statuts de la SCI, mais entendent en limiter le quantum à leur participation au capital de cette société, soit 20 % chacun, à l'exclusion de la participation audit capital de la société E. C. P., soit 60 % ; que s'agissant de la répartition des parts de la SCI, M. Jean-Pierre X... et Mme Claire C...épouse Y... exposent que Maître D..., liquidateur de la société E. C. P., ne leur a pas demandé de racheter la participation de celle-ci ; que la société A. R. L. et Maîtres A... et B... requièrent la cour de condamner M. Jean-Pierre X... et Mme Claire C...épouse Y... à 50 % chacun de la dette de la SCI, soit en application des statuts, soit subsidiairement, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de leurs dissimulations dolosives ; qu'il est constant, que suivant l'article 22. 2 des statuts de la SCI, ses associés devaient reprendre la participation de la société E. C. P., d'office, en cas de liquidation judiciaire, ce qui est advenu en l'occurrence ; que suivant l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 septembre 2007, il avait été enjoint à M. Jean-Pierre X... et Me Claire C...épouse Y... de produire les justificatifs de la composition du capital de la SCI Les Noyers après le retrait de plein droit de la société E. C. P. consécutif à sa liquidation ; que à M. Jean-Pierre X... et Me Claire C...épouse Y..., bien qu'avançant que Maître D..., liquidateur de la société ECG, n'a pris aucune décision au sujet de ces parts, se gardent de déférer à l'ordonnance du conseiller de la mise en état, en justifiant de la situation ; qu'il convient d'en tirer la conséquence qu'ils sont bien détenteurs de la participation de la société 3CG dans la SCI, et de mettre à leur charge 50 % chacun de la dette,
Alors, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 22-2 des statuts de la SCI RESIDENCE LES NOYERS il était stipulé que « le retrait intervient de plein droit en cas (…) de redressement judiciaire, de la liquidation des biens, de faillite personnelle survenant à un associé. Il est alors opéré comme indiqué en 22-1 ci-dessus ; qu'aux termes de l'article 22-1, alinéa 5, « la demande de retrait implique offre faite au coassociés de leur céder les parts concernés par la demande, la société n'étant pas (sic) tenue de racheter que celles des parts dont les coassociés ne procéderaient pas au rachat dans les conditions évoquées aux présentes 22-1 » ; qu'en énonçant que « suivant l'article 22-2 des statuts de la SCI ses associés devaient reprendre la participation de la société E. C. P. d'office, en cas de liquidation judiciaire » alors même que les statuts ne mettaient à la charge des associés aucune obligation personnelle de cette sorte, la Cour d'appel a dénaturé les articles 22-1 et 22-2 des statuts de la SCI RESIDENCE LES NOYERS et a violé l'article 1134 du Code civil,
Alors, en deuxième lieu, que dans leurs conclusions d'appel signifiées le 12 octobre 2007, à la suite de l'ordonnance rendue le 20 septembre 2007 par le Conseiller de la mise en état, à M. Jean-Pierre X... et Me Claire C...épouse Y..., avaient fait valoir que les statuts de la SCI RESIDENCE LES NOYERS, n'avaient pas été modifiés que Maître D..., en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société E. C. P., ne leur avait notifié aucune demande de rachat des parts détenues par cette société dans la SCI RESIDENCE LES NOYERS de sorte qu'ils ne pouvaient produire d'autres pièces que celles déjà versées aux débats aux fins de justifier de la composition du capital social de cette société et qu'en conséquence l'exemplaire des statuts de la SCI RESIDENCE LES NOYERS au 11 octobre 2007 tel que mentionné sur le bordereau de communication de pièces du 12 octobre 2007 correspondait bien à la réalité des faits ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile,
Alors, en troisième lieu, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité qu'en énonçant tout à la fois que « compte tenu de leurs dissimulations sur la répartition du capital » à M. Jean-Pierre X... et Me Claire C...épouse Y... devaient être tenus de 50 % chacun des dettes sociales à l'égard de la société A. R. L. et de Maîtres A... et B... pour ajouter ensuite qu'il en allait ainsi « en application des statuts », la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle quant au fondement juridique retenu en définitive par les juges du fond et a violé l'article 455 du Code de procédure civile,
Alors enfin, et à titre subsidiaire, qu'au regard des principes gouvernant la responsabilité délictuelle, la dissimulation fautive suppose la démonstration d'un fait dissimulé ; qu'en énonçant que M. Jean-Pierre X... et Mme Claire C...épouse Y..., devaient être condamnés au paiement chacun pour moitié des sommes de 77. 769, 39 euros et de 27. 375, 24 euros, « compte tenu de leurs dissimulations » sur la répartition du capital social de la SCI RESIDENCE LES NOYERS sans constater l'existence d'une quelconque modification de la répartition de ce capital social au regard des mentions figurant dans les statuts de la société qui avaient régulièrement versés aux débats, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Rocheteau et Uzan Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Assistance régionale location (ARL) et MM. A...et B..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes en payement dirigées contre la Sarl 3CG et la SA Axa France IARD ;
AUX MOTIFS QU'il résulte du rapport de l'expert, que :- la chute de l'engin s'est produite le 8 avril au matin, alors que le grutier arrivé seul sur les lieux, a entrepris d'aménager un emplacement sur le chantier, en faisant suffisamment de place pour pouvoir positionner la machine, et commencer son travail ;- le chantier était en effet encombré de palettes et de parpaings, encombrement qui « autorisait tout juste la circulation de la grue, et une extension très limitée de ses stabilisateurs » (rapp. p. 56) ;- cette mise en ordre effectuée par le grutier à son arrivée, « s'imposait compte tenu de l'organisation du chantier et de son exiguïté » (rapp. p. 60) ;- pour ce faire le grutier a positionné la grue " en bord du talus vertical des fouilles de fondation ", en déplaçant 1. 600 kg de ferrailles, « à la limite de la capacité de la grue », l'expert précisant qu « il résulte clairement de l'examen de la position de la grue.... et des stabilisateurs, que le renversement résulte d'un défaut de calage en relation avec la mauvaise qualité du sol » (p. 55, 56) ;- était en cause, en relation avec la mauvaise qualité du sol et la proximité de la fouille des fondations, « le calage du côté gauche de la machine, en bord du talus vertical des fouilles de fondation, sans aucune plaque de répartition de charge, (qui) était clairement insuffisant... l'utilisation de planches, d'épaisseur et de résistance limitées, au lieu des bastaings, d'ailleurs disponibles sur l'arrière de la grue... n'a pas permis une répartition de la charge tant l'effort des patins s'exerçait sur l'arrête de la fouille » ; (rapp. p. 56) ;- la chute de la grue a été « la conséquence d'un glissement du terrain, tout à fait prévisible, puisque la flèche était précisément orientée du côté des stabilisateurs droits qui étaient donc les seuls à s'opposer au couple de basculement résultant de la charge et du bras de levier formé par la flèche » (rapp. p. 56) ; Que le grutier a reconnu qu'il n'avait pas reçu d'instructions aux fins d'intervention directe et avait agi sans attendre le chef de chantier et les autres ouvriers, alors qu'il résulte de ses propres déclarations, qu'il est arrivé très tôt sur le chantier, à 7 heures du matin, et qu'il n'a trouvé personne sur place, et qu'il est en outre constant que le contrat de location stipulait qu'il appartenait au locataire de déterminer, sous sa responsabilité, l'emplacement où il devait faire travailler le matériel loué, ainsi que les trajets à travers le chantier pour parvenir au lieu d'intervention et pour repartir de ce lieu, et que le personnel mis à la disposition du locataire était placé sous sa direction, son contrôle et sa responsabilité, de sorte que dans le contexte de sa situation juridique à l'égard de son commettant, la SCI, le grutier aurait dû s'abstenir de toute action, et attendre les instructions du chef de chantier ; Que la cause directe de la chute de la grue est donc bien comme le soutient justement la Sarl 3CG, l'initiative unilatérale intempestive du grutier, et au surplus fautive, puisque selon les conclusions non contestées de l'expert, la technique de calage adoptée par lui n'était pas adaptée, et que le glissement de terrain était prévisible ; Que par suite, quand bien même la Sarl 3CG aurait dû effectuer un contrôle quotidien du chantier, le fait que la faute du grutier a été commise à 7 heures du matin, avant l'arrivée du chef de chantier, et sans attendre ses instructions comme il aurait dû, est de nature à exonérer cette société de toute responsabilité ; Considérant qu'il n'est pas soutenu que la Sarl 3CG était le commettant du grutier, ou qu'elle était liée à la Sarl ARL par un contrat, mettant à sa charge le fait fautif du grutier ; Considérant de surcroît, qu'il n'est produit aucun document contractuel stipulant que la Sarl 3CG devait une présence quotidienne sur ledit chantier, la vérification du stockage des matériaux ou du fonctionnement de la grue ; Que le document daté du 15 octobre 2001, intitulé « Proposition d'honoraires », versé aux débats, qui décrit la mission de la Sarl 3CG, comme étant « Les appels d'offre, les passations de marchés, la direction et rendez-vous de chantiers, vérification des situations, décompte définitif de travaux, assistance à la réception », ne permet pas d'en déduire l'obligation d'une présence quotidienne et constante ; Que l'omission par la Sarl 3CG d'informer la société Qualiconsult de l'intervention de la grue, constatée par l'expert, n'est pas directement liée à l'accident ; Qu'en effet, l'accident aurait très bien pu être évité malgré cette omission, ou à l'inverse, se produire malgré l'intervention de cet organisme, si ses préconisations n'avaient pas été suivies ; Qu'il n'est donc pas établi que la Sarl 3CG a commis une ou des fautes, directement liées à la chute de la grue, et engageant sa responsabilité ; Que la Sarl ARL et les liquidateurs de la compagnie MEA, ès-qualités, doivent donc être déboutés de toutes leurs demandes à rencontre de la Sarl 3CG ;
ALORS Qu'il appartient au maître d'oeuvre d'assurer la direction, le contrôle et la surveillance du chantier dont il a la charge et la responsabilité, notamment à l'égard des tiers ; qu'en décidant que la Sarl 3CG, prise en sa qualité de maître d'oeuvre, n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité, là où ont été constatés l'état de désorganisation et d'encombrement du chantier, ainsi qu'un défaut de surveillance le jour de l'accident, la cour d'appel a n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation des articles 1382 et 1383 du code civil.