LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Robust du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société centre technique de l'Apave Normande.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2008), que la société Robust a confié en 1995 à la société Gec Alstom, aux droits de laquelle vient la société Cegelec services (Cegelec), la réalisation de deux descendeurs de sacs destinés au chargement des navires à quai ; qu'invoquant un retard de livraison, des dysfonctionnements et des dommages engendrés par une faute lourde de la société Gec Alstom, la société Robust l'a assignée en réparation au mois de mai 1998 et a obtenu ultérieurement en référé la désignation d'un expert en invoquant des incidents de fonctionnement ; que la société Gec Alstom a assigné la société Robust pour faire constater la réception des ouvrages et obtenir le paiement de sommes retenues sur le solde dû et l'indemnisation de ses préjudices ; que le tribunal a joint les instances, a statué sur certains points et sursis à statuer sur l'application des garanties contractuelles et de parfait achèvement et sur la retenue de 10 % du prix opérée par la société Robust jusqu'au dépôt du rapport de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Rouen ; que sur l'appel de la société Cegelec, la cour d'appel de Paris l'a déboutée de sa demande de nullité du marché, a pour le surplus désigné un collège d'expert et sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport ; qu'elle a statué après dépôt de ce rapport par arrêt du 7 mai 2008 ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Robust à payer à la société Cegelec la somme de 224 385 euros, l'arrêt retient que le CCTP ne mentionne pas de temps de descente ou de levage ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 1. 2. 6 de ce document stipule : " le temps maximal de montée ou de descente de la flèche entre le point d'accrochage et l'horizontale sera de quatre minutes ", la cour d'appel qui a dénaturé cette clause, a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Robust tendant à l'évocation de l'ensemble du rapport X..., l'arrêt retient qu'il convient de prendre en compte les éléments de ce rapport pour ceux qui concerne ceux eux mêmes repris en compte dans le rapport déposé le 18 avril 2004 en se limitant aux seuls points particuliers entrant dans le champs du litige soumis à la cour d'appel et que les demandes de la société Robust concernant notamment deux sommes au titre des bateaux Ladoga et Nyanza ne seront pas prises en compte dans la présente instance comme n'étant pas comprises dans les préjudices objet de l'action actuellement soumise à la cour d'appel ;
Qu'en statuant ainsi, tout en condamnant la société Cegelec au paiement d'une somme de 758 239 euros incluant, au titre des incidents postérieurs à la réception, une somme de 141 509 euros comprenant, notamment, les sommes de 3 633, 32 euros et 6 174, 19 euros relatives aux bateaux Ladoga et Nyanza qu'elle avait décidé d'exclure, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Cegelec aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cegelec services à payer à la société Robust la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Cegelec services ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Robust
Premier moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société ROBUST à payer, avec les intérêts, la somme de 224. 385 à la société CEGELEC SERVICES ;
Aux motifs que « le marché daté du 1er septembre 1995 stipule expressément un prix " net, global, forfaitaire hors assurance tous risques chantier et hors formation " de 26. 576. 000 F (4. 051. 485, 08) HT article 3,''ferme, définitif et non révisable ni actualisable " article 5 ; Que pour échapper à la forfaitisation du prix non révisable, la société ALSTOM invoque un " bouleversement " de l'économie du marché qui résulterait de nouvelles demandes, formulées en cours de chantier par la société ROBUST, lesquelles auraient entraîné un chambardement technique et financier ; Qu'en se bornant à invoquer, " à titre d'exemple " les insuffisances du maître d'ouvrage, qui aurait prétendument mal géré la coordination de la réalisation des différents lots de construction du terminal sucrier, la société ALSTOM ne rapporte pas la démonstration, qui lui incombe, de faits suffisamment importants pour entraîner le bouleversement allégué ; Qu'au surplus, si les experts ont admis que la société ROBUST a imposé des modifications aux conditions du contrat (rapport page 597), dont ils ont estimé les coûts correspondants parmi ceux récapitulés dans le tableau n° 4 (rapport pages 633 et s.), il ne se déduit pas davantage de leurs constatations et avis que l'économie du contrat aurait été bouleversée ; Que dès lors, contrairement à ce que soutient la société ALSTOM, le prix forfaitairement stipulé est applicable, le fournisseur et installateur des descenseurs devant supporter les coûts supplémentaires qu'il allègue, sans pouvoir prétendre à des dommages et intérêts ; Que de même, le délai contractuel de réalisation des descenseurs, fixé initialement au 15 octobre 1996, demeure applicable, pour le calcul du retard dans la réalisation des équipements concernés ; Qu'en outre, les coûts supplémentaires pris en compte par les experts et l'incidence de la coexistence durant six mois, de l'exploitation commerciale en phase terminale de réalisation des descenseurs, sur le coût et la durée de la mise au point des essais, sont à prendre en compte au titre de travaux supplémentaires non prévus au marché, sans pour autant en bouleverser l'économie » (arrêt attaqué, p. 6)
Et aux motifs que « les experts indiquent (rapport notamment page 597) que la société ROBUST a imposé des modifications aux conditions du contrat et qu'ils ont évalué le montant correspondant à hauteur de 224. 385 (rapport pages 633 et s., tableau n° 4) ; Que, conformément à la demande de la société ALSTOM, ce montant sera majoré des intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée le 10 juillet 1998 par cette dernière, valant mise en demeure » (arrêt attaqué, p. 9, § 5) ;
1) Alors qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions ROBUST, p. 133), si la procédure d'approbation des travaux supplémentaires avait été respectée ni réfuter les motifs du jugement entrepris selon lesquels la société ALSTOM ne pouvait « " revenir " sur le prix convenu en faisant valoir des travaux supplémentaires pour lesquels elle ne fournit aucun document établi en cours de réalisation de l'ouvrage, démontrant que le maître d'ouvrage (la société ROBUST) aurait donné son accord pour que le prix définitif ne soit pas le prix initialement convenu dans la convention », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1793 du même code ;
2) Alors, en toute hypothèse, que les travaux nécessaires à la bonne fin de l'ouvrage doivent être exécutés par l'entrepreneur sans que celui-ci puisse obtenir une augmentation du prix initialement convenu ; que, pour condamner la société ROBUST au paiement de travaux supplémentaires correspondant au changement de moteurs, la cour d'appel s'est bornée à adopter les conclusions du rapport d'expertise selon lesquelles « le CCTP page 7 ne mentionne pas de temps de descente ou de levage » ; qu'en statuant ainsi, quand l'article 1. 2. 6 du CCTP (page 7) dont se prévalait la société ROBUST, stipule que « le temps maximal de montée ou de descente de la flèche entre le point d'accrochage et l'horizontale sera de 4 minutes », la cour d'appel a dénaturé cette clause en violation de l'article 1134 du code civil.
Deuxième moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à évoquer le rapport d'expertise du 30 septembre 2001 de Monsieur X... hormis les éléments pris en compte par Messieurs X... et Y... dans le rapport du 18 février 2004 et d'avoir, en conséquence, rejeté la demande correspondante de la société ROBUST ;
Aux motifs que « il n'est pas contesté que ce rapport du 30 septembre 2001 résulte des missions définies par les ordonnances de référé du Président du Tribunal de commerce de Rouen, s'échelonnant du 24 décembre 1997 au 5 octobre 1998 ; Que la société ROBUST n'a pas démenti la société ALSTOM sur l'existence d'une autre instance au fond, actuellement pendante devant le Tribunal de commerce de Paris, à l'initiative de l'intimée et de son assureur, ayant principalement pour objet de statuer sur les prétentions de ces derniers, suite au rapport de Monsieur X... déposé le 30 septembre 2001 ; Qu'il est constant que la Cour n'est pas actuellement saisie d'un recours dans le cadre de cette autre instance et qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'évoquer le rapport du 30 septembre 2001 dans son ensemble ;
Mais que la mission des experts, telle que définie par la Cour dans sa décision précédente du 21 juin 2001, comprenait expressément celle de donner un avis " sur les préjudices éventuellement subis, au besoin au vu des rapports d'expertise qui auront été déposés par Monsieur X..., désigné en référé sur des points particuliers entrant dans le champ du présent litige " ; Que dans les motifs de l'arrêt précité, la Cour a relevé que " sont en cours quatre expertises, ordonnées en référé par le Président du Tribunal de commerce de Rouen, à la demande de la société ROBUST, les 24 décembre 1997, 7 août 1998, 14 septembre 1998 et 5 octobre 1998 …
concernant respectivement : "
"- les causes et remèdes d'un incident survenu le 4 décembre 1997 ",
"- les causes et remèdes d'un incident survenu les 28 et 29 en réalité, d'après le rapport d'expertise, 24 et 25 mai 1998 sur la chaîne " portecâbles du descenseur D1 et l'état de cette chaîne ",
"- les causes de l'incident survenu le 12 août 1998 sur la chaîne portecâbles de " l'arrimeur du descenseur D en fait, d'après le rapport d'expertise, descenseur D2 et la remise en état de cet équipement ",
"- la détermination de la nature et du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves (liste numérotées de 1 à 76) notifiées par ROBUST lors de la réception et postérieurement à celle-ci à la suite de la survenance de défauts de fonctionnement " ;
Qu'il convient dès lors de prendre en compte les éléments du rapport du 30 septembre 2001, pour ce qui concerne ceux eux-mêmes repris en compte par les experts dans le rapport d'expertise déposé le 18 avril 2004, dans le cadre de la mission définie par la Cour le 21 juin 2001, en se limitant aux seuls points particuliers entrant dans le champ du litige actuellement soumis à la Cour ;
Que, dans cette limite, outre les coûts supplémentaires du chantier en ce compris les pénalités de retard, les experts ont examiné les coûts allégués par la société ROBUST, dont certains ont été pris en compte (récapitulatif général rapport pages 637 et 638) :
- tonnage de sucre perdu (initialement évalué par la société ROBUST à hauteur de 176. 134 tonnes, mais non imputé à la société ALSTOM par les experts, puis porté à hauteur de 270. 000 tonnes dans les ultimes écritures de l'intimée devant la Cour),
- marge brute perdue au chargement des navires (évaluée par la société ROBUST et les experts à hauteur de 1. 806. 910, mais non imputée à la société ALSTOM par les experts),
- magasinage (évalué par la société ROBUST à hauteur de 304. 898, mais non retenu par les experts),
- ristourne embranchement fer (évaluée par la société ROBUST à hauteur de 34. 360, mais non retenue par les experts),
- réclamations UCACEL (évaluées à hauteur de301. 771 par la société ROBUST, mais non retenues par les experts),
- réclamations Saint Louis Sucre (évaluées à hauteur de 556. 589 par la société ROBUST, mais non retenues par les expert),
- frais financiers (évalués initialement à hauteur de 113. 121 par la société ROBUST, mais non retenus par les experts, puis portés à hauteur de181. 917 dans les ultimes écritures de l'intimée devant la Cour),
- les incidents postérieurs à la réception du 30 septembre 1997 (évalués et retenus à hauteur de 141. 509 par les experts qui en imputent le coût à la société ALSTOM),
- les moins-values des non levées de réserves (évaluées et retenues à hauteur de 298. 916 par les experts qui en imputent le coût à la société ALSTOM),
- les préjudices consécutifs à la non-levée de réserves (évalués à 1. 162. 636 en solution 1 et à 1. 445. 895 en solution 2 par la société ROBUST, mais non retenus par les experts),
- l'incidence des réunions de chantier (évaluée à hauteur de 105. 800
par la société ROBUST, retenue et imputée à la société ALSTOM à hauteur de 31. 740 par les experts),
- le temps passé sur les divers problèmes évoqués par les fiches dressées par les experts, évalué à hauteur de 263. 650 par la société ROBUST, imputé par les experts à la société ALSTOM sans toutefois préciser le montant de l'évaluation retenu par les hommes de l'art ;
…
Qu'en revanche, les autres demandes de la société ROBUST, non incluses dans celles ci-dessus, concernant notamment d'autres dommages, objet des référés des 24 décembre 1997, 7 août et 14 septembre 1998 en raison d'une erreur de conception et de construction, et du référé du 5 octobre 1998, en vue d'entériner les réserves retenues par l'expert, au titre du rapport du 30 septembre 2001, et de réparer des préjudices correspondants, dont notamment :
-3. 633, 32 HT (23. 833 F) au titre du bateau LADOGA,
-6. 174, 19 HT (40. 500 F) au titre du bateau NYANZA,
-8. 614. 316 (56. 606. 218 F) au titre des pertes d'exploitation pour la période à compter du 1er janvier 2000,
- les coûts supplémentaires allégués par la société ROBUST du fait de pannes après réception, ne seront pas prises en compte dans la présente instance, comme n'étant pas comprises dans les préjudices objet de l'action actuellement soumise à la Cour » (arrêt attaqué, p. 8 et 9) ;
Alors qu'en statuant par ces motifs inintelligibles et contradictoires, qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de savoir dans quelle mesure elle a tenu compte du rapport déposé par M. X... le 30 septembre 2001, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Troisième moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la faute lourde dans l'exécution du marché n'était pas démontrée et d'avoir, en conséquence, condamné la société CEGELEC SERVICES à payer à la société ROBUST la seule somme, en principal, de 758. 239 ;
Aux motifs que « l'article 6 du marché stipule des pénalités de retard égales à 1 / 750ème de son montant, par jour calendaire de retard, dans la limite globale de 7 % du montant total dudit marché ; Que l'article 11 du même marché énonce que l'entrepreneur (ou son assureur) " ne pourra en aucun cas être tenu de réparer les dommages subis par le Maître d'ouvrage pour les montants, tous dommages confondus ", soit :
"- dommages immatériels : 3 fois le montant du marché "
"- dommages matériels : 1 fois le montant du marché "
"- dommages corporels : pas de limitation " ;
Que pour échapper aux limitations contractuelles des montants de responsabilité, la société ROBUST soutient que la société ALSTOM a commis des fautes lourdes dans l'exécution du marché ; Mais que le collège expertal indique que " l'installation livrée est globalement conforme à la commande " ; Que l'obligation essentielle souscrite par la société ALSTOM était la réalisation des deux descenseurs de sacs ; Qu'en se bornant à invoquer le défaut de livraison des équipements dans le délai contractuel initialement prévu, la société ROBUST ne rapporte pas la démonstration du prétendu défaut de respect d'une obligation essentielle du contrat, même si le délai de livraison pouvait être important en soi ;
Qu'en effet, même si la clause de délai n'était pas sans incidence pour l'exploitant du futur terminal sucrier, l'importance de l'ouvrage et sa durée prévisible d'exploitation sur plusieurs décennies, relativisent le respect d'un délai de construction d'à peine quatorze mois ; Que, nonobstant les innombrables erreurs dénoncées par la société ROBUST, dont un certain nombre a été constaté par les experts, il ne se déduit pas des constatations et avis de ces derniers, que la société ALSTOM aurait commis une faute d'une importance suffisante pour dénoter une inaptitude à accomplir la mission qu'elle avait contractuellement acceptée ; Qu'en conséquence, les limitations contractuelles de responsabilité demeurant applicables, le jugement sera réformé de ce chef » (arrêt attaqué, p. 6 et 7) ;
Et aux motifs que « les experts ont également relevé que la société ALSTOM a modifié les conditions prévues d'exécution du marché et en ont évalué les coûts supplémentaires ; Que, cependant, les pénalités de retard étant contractuellement plafonnées, les coûts supplémentaires résultant d'un retard ne peuvent être pris en compte que dans la limite desdites pénalités de retard ; Que dès lors, le plafond des pénalités de retard ayant déjà été atteint, le coût supporté par le maître d'ouvrage de l'extension de la durée de la police d'assurances " tout risque chantier " qu'il a souscrite, ne doit pas être mis à la charge de la société ALSTOM, celui-ci devant rester à la charge de la société ROBUST » (arrêt, p. 9), Et aux motifs encore que « il convient en conséquence, de ramener l'évaluation des coûts supplémentaires à la charge de la société ALSTOM, à hauteur de 758. 239 (récapitulatif général rapport page 639 : 286. 074 + 440. 425 + 31. 740), en ce compris tant le montant des pénalités de retard, que l'incidence des préjudices postérieurs à la réception pour ceux pris en compte dans la présente instance (récapitulatif général rapport page 638) » (arrêt, p. 10) ;
1) Alors que le juge a l'obligation d'interpréter les clauses obscures ou ambiguës ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société ROBUST (p. 158 et 159) qui soutenaient qu'en présence des stipulations divergentes des articles 6 et 11 du marché, il convenait de faire application de la seule clause de l'article 11 du marché comportant des stipulations moins défavorables à la société ROBUST, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2) Alors qu'en ne mettant pas la Cour de cassation en mesure de savoir si, pour apprécier l'existence d'une faute lourde, elle a pris en considération le rapport déposé par M. X... le 30 septembre 2001 et les multiples manquements qu'il constatait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du code civil ;
3) Alors, en toute hypothèse, que le juge ne peut refuser d'examiner une pièce dont la communication régulière et la discussion contradictoire ne sont pas contestées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait refuser d'examiner le rapport d'expertise du 30 septembre 2001 pour apprécier l'existence d'une faute lourde de la société ALSTOM ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1315 du code civil ;
4) Alors, en tout état de cause, que, dans son rapport du 30 juin 2001, M. X... a constaté, sur l'incident du 4 décembre 1997, que « la collision de l'armoire hydraulique avec le chéneau … est très probablement liée à une hauteur excessive de l'armoire, conjuguée avec l'adjonction par ALSTOM d'un chéneau et de son tuyau d'évacuation, donc à une erreur de conception et de construction d'ALSTOM » et que « les capteurs d'anti-enfouissement … sont des dispositifs rudimentaires, mal conçus par ALSTOM, fragiles et vulnérables à l'inhibition sans outil, ce qui n'est pas admissible » ; que, sur les incidents survenus les 24 et 25 mai 1998, il a également constaté que « les anomalies de comportement des chaînes de flèche sont le résultat d'une conception inadéquate par ALSTOM (pas de goulotte, plan de déroulement non plat, possibilités de débattement latéral trop restreintes) » ; que, sur l'incident survenu le 12 août 1998 sur l'arrimeur de l'appareil D2, il a encore constaté que « les ruptures des chaînes d'arrimeurs sont la conséquence d'une conception déficiente qui rend le nettoyage impossible » (V. Rapport du 30 septembre 2001, p. 125 à 127) ; qu'il résultait de ces constatations que la société ALSTOM, qui avait prétendu maîtriser parfaitement la technologie nécessaire à la réalisation du projet, avait accumulé les erreurs de conception et de construction de sorte qu'elle avait commis une faute extrêmement grave dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'elle avait contractuellement acceptée ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ;
5) Alors qu'il résultait de l'ordre de service du 29 août 1995, qui constituait une pièce contractuelle obligatoire du marché, que l'obligation de livrer les descenseurs dans les délais stipulés constituait une obligation essentielle du marché ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel, qui a dénaturé cet écrit, a violé l'article 1134 du code civil.
Quatrième moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société ROBUST au titre de son préjudice d'exploitation ;
Aux motifs que « les experts ont examiné les coûts allégués par la société ROBUST, dont certains ont été pris en compte (récapitulatif général rapport pages 637 et 638) :
- tonnage de sucre perdu (initialement évalué par la société ROBUST à hauteur de 176. 134 tonnes, mais non imputé à la société ALSTOM par les experts, puis porté à hauteur de 270. 000 tonnes dans les ultimes écritures de l'intimée devant la Cour),
…
Que la société ROBUST réclame 3. 014. 815, au titre de son préjudice d'exploitation ; mais qu'après avoir examiné la demande correspondante (initialement formulée à hauteur de 176. 134 tonnes par la société ROBUST), les experts n'en ont pas imputé le coût correspondant à la charge de la société ALSTOM, cette demande ne sera pas accueillie » (arrêt, p. 8 et 9) ;
Alors que les experts avaient imputé à la société ALSTOM le coût correspondant au préjudice d'exploitation de la société ROBUST (rapport d'expertise, p. 626) ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et violé l'article 1134 du code civil.
Cinquième moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SAS ROBUST à payer 759. 833, 34 HT à la S. A. CEGELEC Services, outre la T. V. A au taux alors applicable, au titre du paiement des retenues de garanties antérieurement pratiquées par la société ROBUST, le montant TTC étant majoré des intérêts moratoires au taux légal à compter de l'assignation délivrée le 10 juillet 1998 par la société ALSTOM ;
Aux motifs que « en cause d'appel, la société ALSTOM réclame 787. 060, 73 (5. 162. 779, 96 F), outre " intérêts de droit ", au titre des retenues qui auraient été opérées par la société ROBUST sur les paiements des différentes échéances du marché de fournitures et d'installation ; Que même si l'intimée n'a pas fait d'observations spécifiques sur ce décompte tout en se bornant à demander le rejet des demandes de l'appelante, il résulte de la relation de la procédure en première instance par le jugement dont appel, que dans l'acte introductif d'instance, la société ALSTOM réclamait initialement 2. 326. 580 F HT, au titre des retenues précédemment opérées sur les factures, et 2. 657. 600 F. HT, correspondant au dernier terme de paiement, soit au total 4. 984. 180 F (759. 833, 34) HT ; Que la société ALSTOM n'a pas donné d'explications suffisamment convaincantes pour justifier l'écart et qu'en l'absence d'observations pertinentes de la société ROBUST, il y a lieu de s'en tenir au décompte initial, outre l'application du taux de TVA alors applicable, étant précisé que les intérêts moratoires au taux légal seront appliqués sur le montant TTC, à compter de l'assignation délivrée le 10 juillet 1998 par la société ALSTOM, valant mise en demeure » (arrêt, p. 10).
Alors qu'en usant de la faculté d'évocation sur la question des retenues de garantie quand le tribunal avait sursis à statuer sur cette demande, qu'elle n'était saisie de l'appel ni d'un jugement ayant ordonné une mesure d'instruction ni d'un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, avait mis fin à l'instance, et que le sursis à statuer dont il avait été interjeté appel n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 380 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 568 et 380 du code de procédure civile.
Sixième moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de ROBUST relative aux préjudices consécutifs à la non levée de réserves ;
Aux motifs que « les experts ont examiné les coûts allégués par la société ROBUST, dont certains ont été pris en compte (récapitulatif général rapport pages 637 et 638) :
…
- les préjudices consécutifs à la non levée de réserves (évalués à 1. 162. 636 en solution 1 et à 1. 445. 895 en solution 2 par la société ROBUST, mais non retenus par les experts),
…
Que la Cour retient les montants déterminés et imputés à la société ALSTOM par les experts » (arrêt attaqué, p. 8 et 9)
Alors qu'en usant de la faculté d'évocation sur la question des préjudices consécutifs à la non levée des réserves quand le tribunal avait sursis à statuer sur l'application des garanties contractuelles, qu'elle n'était saisie de l'appel ni d'un jugement ayant ordonné une mesure d'instruction ni d'un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, avait mis fin à l'instance, et que le sursis à statuer dont il avait été interjeté appel n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 380 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 568 et 380 du code de procédure civile.