LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint Denis, 7 mars 2008 ), que M. Philippe X... a fait réaliser, courant 2002, des travaux de construction d'une maison à usage d'habitation, la coordination et la maîtrise d'oeuvre ayant été confiées à la société Universelle pole d'ingénierie (UPI) et la réalisation des travaux à la SARL Bati services ; que des travaux de rehaussement d'un mur de soutènement ont été confiés à la société Agrès et ceux concernant la réalisation d'un puisard à la société C2R ; qu'à la suite de pluies abondantes, une partie du mur de soutènement s'est effondrée ; qu'après expertise, M. X... a assigné les divers intervenants en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1341 du code civil, ensemble l'article L. 110-3 du code de commerce ;
Attendu qu'il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme de 1 500 euros, sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce prévoyant que la preuve est libre entre commerçants, cette liberté étant opposable à la partie pour laquelle l'acte a un caractère commercial ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande formée à l'encontre de la société C2R, l'arrêt retient que les témoignages produits sont insuffisants à établir le contrat allégué avec la société C2R alors que la charge de la preuve d'un contrat incombe à celui qui s'en prévaut et qu'il doit être passé contrat écrit de tout engagement excédant 1 500 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, les parties n'avaient pas invoqué l'application de l'article 1341 du code civil, et, d'autre part, qu'en matière commerciale la preuve est libre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande formée à l'encontre de la société UPI, l'arrêt retient que si cette société a suivi les travaux de rehaussement du mur qui s'est effondré, il résulte du rapport d'expertise que le rehaussement de ce mur, en lui même, ne peut être mis en cause comme étant à l'origine de son effondrement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'expert avait retenu, dans son rapport, que l'une des causes de l'effondrement du mur résidait dans une rehausse anormale du mur initial en béton par un mur en aggloméré avec ferraillage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport, et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne, ensemble, les sociétés C2R et Universelle pôle d'ingénierie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés C2R et Universelle pôle d'ingénierie ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Monsieur Philippe X... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de son action en responsabilité contre les sociétés C2R construction région Réunion et Pole d'Ingénierie;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant de l'entreprise C2R dont monsieur X... soutient qu'elle a exécuté les travaux de puisard, il doit être constaté que celui-ci ne produit aucun document, ni devis ou contrat, ni facture concernant l'intervention de celle-ci pour quelques travaux que ce soit, que l'intervention alléguée de cette entreprise ne figure dans aucun des documents de suivi de chantier et qu'au surplus l'entreprise A.G.R.E.S., ainsi que cela résulte du rapport d'expertise (page 9) a confirmé à l'expert que c'était elle qui avait effectué les travaux de réalisation du puisard ; qu'en réalité, ces travaux eux-mêmes, qui auraient été réalisés, selon monsieur X... en mai 2004, et indépendamment de celui qui les a effectués, ne figurent dans aucun des documents de suivi de chantier comme étant en cours de réalisation ni dans aucun des trois PV de réception et de levée de réserves qui sont intervenus en mai et juin 2004 ; qu'il est seulement fait mention dans tous les PV établis par Pole à compter de novembre 2003 et à la charge de la société Bati Services de la nécessité « de prévoir descentes EP et réseau jusqu 'au puisard à faire conformément au plan transmis par la mairie » ; que l'entreprise C2R qui admet avoir établi un devis pour ces travaux indique que celui-ci n'a pas été accepté et que monsieur X... a fait appel directement à des ouvriers ; que monsieur X... ne justifie pas même de leur paiement ni à l'entreprise C2R ni à qui que ce soit d'autre ; que les témoignages produits qui émanent de monsieur X..., de son compagnon et de l'entreprise qui a établi le plan d'installation du réseau évacuation eaux pluviales ainsi que l'emplacement du puisard où être indirects sic et qui pour les deux autres sont indirects sont insuffisants à établir le contrat allégué avec la société C2R alors qu'en droit la charge de la preuve d'un contrat incombe à celui qui s'en prévaut et qu'il doit être passé contrat écrit de tout engagement excédant 1 500 ; que, dès lors, monsieur X... doit être débouté de toutes ses demandes à l'encontre de la société C2R ;
1) ALORS QUE le juge ne peut pas appliquer d'office les règles de preuve prévues par l'article 1341 du code civil ; qu'en énonçant, pour juger que monsieur X... ne rapportait pas la preuve d'une convention conclue avec l'E.U.R.L. C2R, que la preuve littérale était exigée pour tout engagement supérieur à 1 500 , la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions de l'article 1341 du code civil qui n'étaient pas invoquées par les sociétés C2R et Pole d'Ingénierie dans leurs écritures d'appel et a, dès lors, violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la preuve testimoniale est recevable à l'égard des sociétés à responsabilité limitée, réputées commerciales à raison de leur forme ; qu'en énonçant, pour juger que monsieur X... ne rapportait pas la preuve d'une convention conclue avec l'E.U.R.L. C2R, que la preuve littérale était exigée pour tout engagement supérieur à 1 500 , la cour d'appel a méconnu la liberté de la preuve en matière commerciale et a, dès lors, violé l'article L. 110-3 du code de commerce ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Monsieur Philippe X... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de son action en responsabilité contre la société Pole d'Ingénierie;
AUX MOTIFS QU'il est constant, pour résulter du rapport d'expertise non discuté à cet égard, que l'origine des désordres, qui ont consisté en l'effondrement du mur de soutènement en limite de propriété Eustache-Bizouerne, mur en béton qui a été rehaussé de 1,20 m à 1,80 m suivant les endroit afin de permettre, par un remblai de terre rapportée, de donner une plus faible pente au terrain, se trouve dans l'apport anormal d'eaux de pluie dans les terres soutenues par le mur effondré ; que cet apport anormal d'eaux de pluie en provenance de la toiture s'est effectué par l'intermédiaire d'un puisard anormalement situé à proximité immédiate du mur, ce mur ayant lui-même fait l'objet d'une rehausse anormale en aggloméré dès lors qu'il devait faire fonction de soutènement de terre par apport de remblai ; que l'expert impute, sans être contesté, la responsabilité technique de cet effondrement :
- au concepteur de l'emplacement du puisard,
- au concepteur et réalisateur du circuit d'eau pluviale entre la toiture et le puisard,
- au maître d'oeuvre qui a suivi les travaux de circuit d'eau pluviale entre la toiture et le puisard,
- à un défaut de conseil du réalisateur des travaux de rehausse du mur,
- à un défaut de conseil du réalisateur du remblai supplémentaire derrière le mur rehaussé ;
qu'il appartient à monsieur X... d'établir que les intervenants dont il recherche la garantie sont bien intervenus dans la conception, le suivi ou la réalisation des travaux défectueux à l'origine des désordres ; (...)
ET QUE, s'agissant ensuite de la responsabilité de la société universelle Pole d'Ingénierie EURL, il est constant que sa seule mission, aux termes du contrat produit, rémunérée à hauteur de 1 300 , a consisté en un suivi du chantier ; qu'ainsi, si la responsabilité de la société universelle Pole d'Ingénierie peut être recherchée, ce ne peut être, au regard des responsabilités techniques dans les désordres telles que retenues par l'expert et ci-dessus énoncées, que comme maître d'oeuvre chargé du suivi des travaux du circuit des eaux pluviales entre la toiture et le puisard ; que le seul document produit aux débats impliquant la société universelle Pole d'Ingénierie EURL dans ces travaux résulte d'un fax envoyé par elle le 5 mars 2004 à Alizés en la personne de monsieur Y..., gérant de Bati Services, aux termes duquel elle indique lui transmettre ce jour le plan installation du réseau EP ainsi que l'emplacement du puisard « comme il a été convenu » ; que, pour autant, au regard de ces éléments et alors que la seule preuve certaine de son intervention dans le suivi de ces travaux dont il convient de rappeler qu'ils ont été exécutés hors cadre légal est ce fax, il doit être admis que ceci est insuffisant pour établir que la société universelle Pole d'Ingénierie EURL a été le concepteur des VRD et donc de l'emplacement du puisard et du circuit des eaux entre la toiture et la puisard et qu'elle en a ensuite assuré le suivi d'exécution des travaux y afférents pour le compte de monsieur X... ; que, par ailleurs, les travaux de rehausse du mur qui s'est effondré, pour autant il résulte du rapport de l'expert que ce rehaussement de mur en lui-même ne peut être mis en cause comme étant à l'origine de son effondrement qui ne s'est produit que parce que, d'une part, les eaux pluviales se sont déversées dans un puisard mal positionné et que, d'autre part et ultérieurement, de la terre de remblai a été appuyée dessus ; qu'ainsi, à cet égard, la responsabilité de Pole d'Ingénierie dans le suivi de chantier comprenant le rehaussement du mur qui s'est effondré ne peut être retenue dans la mesure où ainsi qu'il vient d'être dit il n'est pas rapporté la preuve de ce que celle-ci ait conçu et assuré le suivi des travaux afférents au réseau d'eaux pluviales et au puisard pour le compte de monsieur X... ; qu'il s'ensuit que monsieur X... qui ne rapporte pas la preuve de l'intervention tant de l'entreprise C2R dans l'exécution des travaux en cause ni de celle de la société universelle Pole d'Ingénierie dans la surveillance des dits travaux à l'origine des désordres, doit être débouté de ses demandes en tant que dirigées contre les appelants ;
1) ALORS QUE, suivant le rapport d'expertise, en date du 13 juillet 2005, les dommages constatés étaient imputables, pour partie, au maître d'oeuvre du suivi des travaux « du mur de rehausse » (p. 14) ; qu'en énonçant, pour juger que la responsabilité de la société Pole d'Ingénierie, chargée du suivi des travaux de rehausse du mur effondré, ne pouvait être engagée, que, selon le rapport d'expertise, sa responsabilité ne pouvait être recherchée que comme maître d'oeuvre du chargé du suivi des travaux du circuit des eaux pluviales entre la toiture et le puisard, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport et a, dès lors, violé l'article 1134 du Code civil ;
2) ALORS QUE, suivant le rapport d'expertise, en date du 13 juillet 2005, « la rehausse anormale du mur initial en béton par un mur (en aggloméré avec ferraillages) en aplomb » avait été retenue au titre des « causes » des désordres constatés (p. 14) ; qu'en énonçant, pour juger que la responsabilité de la société Pole d'Ingénierie, chargée du suivi des travaux de rehausse du mur effondré, ne pouvait être engagée, que, selon le rapport d'expertise, le rehaussement de ce mur n'était pas à l'origine des désordres constatés, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport et a, dès lors, violé l'article 1134 du Code civil ;
3) ALORS QUE le maître d'oeuvre, responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages causés, ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ou de l'absence de causalité entre le dommage et son activité ; qu'en retenant, pour juger que la responsabilité de la société Pole d'Ingénierie, chargée du suivi du chantier, n'était pas engagée, que monsieur X... devait rapporter la preuve que celle-ci avait assuré le suivi des travaux à l'origine des désordres constatés, la cour d'appel a méconnu la présomption de responsabilité pesant sur le maître d'oeuvre et a, dès lors, violé les articles 1792 et 1315 du code civil.