LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1709 du code civil, ensemble l'article 1719 du même code et l'article L. 411 1 du code rural ;
Attendu que le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et, moyennant un certain prix que celle ci s'oblige à lui payer ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens,16 septembre 2008) que M. X..., soutenant qu'il bénéficiait d'une promesse qu'il avait acceptée, a assigné Mme Y... afin d'être reconnu titulaire d'un bail rural portant sur des parcelles lui appartenant ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'acceptation d'une offre de bail ne peut valoir bail que si cette dernière comporte l'ensemble des éléments essentiels à la convention intervenue et spécialement les précisions nécessaires quant à la chose en faisant l'objet, au prix et à sa date d'effet et qu'en l'espèce le projet litigieux ne comporte aucune indication relative à cette date, de sorte qu'il n'y a pu y avoir rencontre des consentements des parties sur celle ci ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition tenant à la date de la prise d'effet du bail, a violé les textes susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ; la condamne à payer la somme de 1 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir juger qu'il avait été conclu avec Mademoiselle Y... un bail à long terme sur les parcelles de terre lui appartenant et sises Communes de VOULPAIX et de la VALLÉE AU BLÉ;
AUX MOTIFS QUE «M. Jacques Y... et Mlle Cécile Y... ont constitué entre eux un groupement dénommé GAEC LES TILLEULS pour la mise en valeur d'une exploitation agricole de 179ha 39a 36ca incluant notamment cinq parcelles de terre d'une contenance totale de 36ha 75a 90ca sises terroirs de VOULPAIX et de LA VALLEE AU BLE appartenant à Mlle Cécile Y... ;
(…) qu'aux termes d'un protocole d'accord du 20 janvier 2004 M. Jacques Y... et Mlle Cécile Y... se sont engagés :
«- d'une part, à céder à M. Ludovic X..., qui s'est obligé «à les acquérir, les 22.270 parts qu'ils détenaient, composant l'intégralité du capital social du GAEC LES TILLEULS dans les huit jours de la levée de la dernière des conditions suspensives et au plus tard le 31 mai 2004 moyennant le prix de base de 1.301.000 devant faire l'objet d'une fixation définitive après établissement d'un bilan et d'un compte de résultats à la date effective de la « cession payable à hauteur de 686.000 dans les huit jours de la levée de toutes les conditions suspensives, le solde étant transformé en un prêt sur six ans au taux de 4,5 % avec un différé de remboursement du capital de deux ans,
«-d'autre part, à consentir à M. Ludovic X... sur l'ensemble des parcelles exploitées par le GAEC LES TILLEULS des baux ruraux de vingt quatre années sans que pendant leur cours puisse être exercée aucune reprise prévue par l'article L 416 du Code Rural et comportant autorisation de mise à disposition au profit du groupement ou de toute autre société résultant de sa transformation moyennant un fermage de 176 à l'hectare ;
«(…) que la cession des parts sociales était soumise à diverses conditions suspensives stipulées, les unes dans l'intérêt exclusif du cessionnaire (agrément de la DDAF - résiliation des baux en cours par les preneurs - établissement de baux de vingt quatre ans au profit du cessionnaire - démission des cédants de leurs fonctions de gérant au jour de la réalisation de la cession), et l'autre dans l'intérêt exclusif des cédants (apports de garanties par eux jugées suffisantes à assurer le paiement de la partie du prix transformée en prêt et pouvant à leur choix revêtir la forme d'hypothèque, de promesse d'hypothèque, de caution familiale solidaire et indivisible, de garant à première demande) ;
«(…) que les parties avaient encore convenu d'une condition particulière qu'elles déclaraient comme essentielle à leur engagement et sans laquelle elles n'auraient pas contracté selon laquelle le retrait partiel d'actif auquel les cédants devaient par ailleurs procéder, la réalisation de la cession de parts sociales et celle des baux à long terme étaient liés et ne pouvaient se réaliser l'un sans l'autre de sorte qu'à défaut de réalisation de cette condition le protocole d'accord serait nul et non avenu, chaque partie étant déliée de ses engagements sans indemnité de part ni d'autre ;
«(…) que par acte d'huissier du 6 janvier 2005 M. Ludovic X..., exposant qu'il avait levé dans les délais fixés les conditions suspensives lui incombant et avait offert une garantie suffisante à assurer le respect de son obligation à paiement du prix sans que M. Jacques Y... et Mlle Cécile Y... consentent à régulariser l'acte de cession des parts sociales du GAEC LES TILLEULS, a fait assigner ces derniers devant le Tribunal de grande instance de LAON auquel il demandait de rendre un jugement valant cession des dites parts au prix et conditions fixées au protocole d'accord du 20 janvier 2004 ;
« (…) qu'antérieurement à cette assignation M. Ludovic X... avait par requête du 23 décembre 2004 saisi le Tribunal paritaire des baux ruraux de VERVINS d'une demande dirigée à l'encontre de Mlle Cécile Y... tendant à ce que soit rendu un jugement valant bail aux conditions arrêtées au projet de bail qu'il avait reçu pour les cinq parcelles sises terroirs de VOULPAIX et de LA VALLÉE AU BLE appartenant à la requise ;
«(…) qu'aucune conciliation n'ayant pu intervenir il a maintenu sa demande et sollicité le bénéfice des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile à concurrence de la somme de 1.600 ; qu'il a fait valoir que le tribunal paritaire avait compétence pour statuer sur l'existence d'un bail rural, que son action était fondée sur le projet de bail qui lui avait été adressé ce qui ne rendait pas nécessaire un sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de grande instance de LAON sur la validité du protocole du 20 janvier 2004 et que seul était soumis à publication à la Conservation des Hypothèques le jugement du tribunal valant bail à long terme ; que Mlle Cécile Y... a soulevé l'incompétence du tribunal paritaire dès lors que M. Ludovic X... n'avait pas la qualité de preneur à bail à la date de sa demande et a soutenu que celle-ci aurait dû être formée par acte d'huissier de justice puisque tendant à la reconnaissance de l'existence d'un bail rural à long terme devait faire l'objet d'une publication à la Conservation des Hypothèques et, qu'en toute hypothèse, il y avait lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur l'action en validité du protocole d'accord du 20 janvier 2004 dont M. Ludovic X... avait saisi le Tribunal de grande instance de LAON ; qu'elle a conclu à la condamnation de M. Ludovic X... à lui payer la somme de 1.500 en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; que c'est en cet état des moyens et prétentions des parties que le jugement frappé d'appel a été rendu ;
«… qu'en cours de procédure devant la Cour le Tribunal de grande instance de LAON; relevant que les parties à l'acte du 20 janvier 2004 avaient stipulé que les différentes opérations devant en résulter ne pouvaient se réaliser les unes sans les autres et qu'à défaut de réalisation de cette condition leur convention serait nulle et non avenue et considérant qu'il existait dès lors un risque de contradiction entre la décision qu'il devait rendre et celle devant intervenir dans l'instance dont la Cour est saisie sur l'appel interjeté du jugement rendu le 14 juin 2006 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de VERVINS, a, par jugement du 13 mars 2007, sursis à statuer dans l'attente de cette dernière ;
«(….) que Mlle Cécile Y... oppose à l'existence d'un bail rural à long terme au profit de M. Ludovic X... l'absence de réalisation dans le délai contractuellement fixé des conditions suspensives dont était assortie la cession à celui-ci des parts sociales du GAEC LES TILLEULS aux termes du protocole d'accord du 20 janvier 2004, le caractère nul et non avenu de l'ensemble des opérations prévues par celui-ci, au nombre desquelles l'établissement de baux, en raison du caractère indivisible que les parties avaient conféré à celles-ci et encore le caractère incomplet du projet invoqué par l'intimé dont elle conteste la transmission par ses soins ou par ceux de son notaire hors du cadre de la procédure judiciaire ;
« (…) que toutefois alors que l'établissement d'un bail à long terme n'est en lui-même soumis à aucune condition suspensive par l'accord du 20 janvier 2004, le litige portant sur la validité de ce dernier au regard des conditions suspensives dont est assorti l'engagement de cession des parts sociales du GAEC LES TILLEULS est pendant entre les mêmes parties devant le Tribunal de grande instance de LAON sans que l'appelante ait cru devoir demander à cette juridiction sur le fondement de-la connexité de se dessaisir en application des articles 101 et 102 du Code de procédure civile au profit de la Cour ayant plénitude de juridiction; qu'il n'y a pas lieu de statuer par le présent arrêt sur la caducité éventuelle du protocole d'accord du 20 janvier 2004 ;
«(…) que M. Ludovic X... soutient que l'existence d'un bail rural le liant à Mlle Cécile Y... résulte de son acceptation de l'offre que celle-ci lui a faite de conclure une telle convention en lui adressant un projet de bail;
«(…) que cependant sans qu'il soit besoin d'examiner les circonstances dans lesquelles l'intimé qui reste taisant sur ce point est entré en possession du projet de bail qu'il produit aux débats, lequel comporte manifestement mention d'une transmission entre avocats des parties le 13 octobre 2004, date à laquelle le contentieux judiciaire était déjà né par la délivrance à la requête de M. Ludovic X... le 23 septembre précédent d'une assignation en référé tendant notamment à l'établissement de baux, ce qui ressort des écritures échangées en première instance, l'acceptation d'une offre de bail ne peut valoir bail que si cette dernière comporte l'ensemble des éléments essentiels à la convention à intervenir et spécialement les précisions nécessaires quant à la chose en faisant l'objet, au prix et à sa date d'effet et en l'espèce le projet litigieux ne comporte aucune indication relative à cette date de sorte qu'il n'y a pu avoir rencontre des consentements des parties sur celle-ci ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit qu'un bail avait été conclu entre Mlle Cécile Y... et M. Ludovic X..." (arrêt attaqué p. 3, dernier §, p. 4, 5 à 6 , § 1 à 3).
ALORS QU' est soumis au statut du bail rural, sans que les parties ne puissent y déroger, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole ; que toute promesse synallagmatique de bail vaut bail lorsqu'elle comporte les éléments essentiels du contrat tels que la chose et sa destination, le prix à verser par le preneur et la durée du contrat ; qu'en considérant dès lors que le projet de bail rural litigieux lequel comportait la désignation des parcelles louées, le montant du fermage et sa durée fixée à 24 ans, ne pouvait valoir bail au seul motif inopérant de ce qu'il ne donnait pas d'indication relative à une modalité accessoire telle que sa date d'effet, la Cour d'Appel a violé les dispositions des articles L. 411-1et s. du Code rural ainsi que les dispositions des articles 1709 et s. du Code civil.