LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Béton Rhône Alpes du désistement de son pourvoi, maintenu uniquement à l'égard de la société Groupement savoyard du bâtiment, de la société AXA France IARD, de la société HDI Gerling France venant aux droits de la société Gerling France et de la société Les Châlets du Grand Panorama ;
Donne acte à la société Vicat du désistement de son pourvoi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référé (Chambéry, 1er juillet 2008) que la société Groupement savoyard du bâtiment (GSB) chargée du lot gros oeuvre d'un programme immobilier Les Châlets du Grand Panorama à Valmeynier, assurée auprès de la société AXA France IARD (AXA) a confié la fourniture du béton à la société Béton Rhône Alpes (BRA) assurée auprès de la société HDI Gerling France (Gerling) ; que des fissures étant apparues après réception des ouvrages, plusieurs propriétaires de locaux acquis en état futur d'achèvement ont assigné en référé la société BRA, la société GSB et leurs assureurs respectifs en paiement d'une provision à valoir sur leur préjudice immatériel ; que la société AXA a contesté sa garantie ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le béton livré par la société BRA s'était désagrégé en présence d'humidité du fait de la présence de sulfates en quantité nettement supérieure aux normes et que la structure de l'immeuble n'était plus à même de remplir son office et retenu que le fait pour un béton d'être implanté dans un milieu humide n'avait rien d'anormal et que le drainage d'un bâtiment n'avait pas pour but de protéger le béton de toute présence d'eau, la cour d'appel a pu retenir comme étant non sérieusement contestable l'obligation de la société BRA à garantir son donneur d'ordre des provisions mises à sa charge ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Les Châlets du Grand Panorama, ci après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la société Les Châlets du Grand Panorama avait vendu en état futur d'achèvement les immeubles affectés de désordres apparus après réception et portant atteinte à leur solidité et exactement retenu que cette société était, en sa qualité de promoteur vendeur, débitrice de la garantie décennale concernant les biens vendus, la cour d'appel a pu retenir comme étant non sérieusement contestable l'obligation de cette société de payer des provisions à valoir sur l'indemnisation des préjudices immatériels en résultant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la société AXA France IARD :
Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société AXA in solidum avec la société GSB à verser une provision à certains propriétaires, l'arrêt retient que le contrat conclu doit être exécuté par chacune des parties tant qu'il n'a pas été statué sur sa validité par les juges du fond compétents, qu'à la date de prise d'effet du contrat le désordre ne s'était pas révélé dans toute son ampleur et ses causes et qu'à ce stade de la procédure la mauvaise foi de l'assuré n'était pas démontrée ;
Qu'en statuant ainsi après avoir relevé que la société GSB s'était engagée à réparer les malfaçons qui lui avaient été dénoncées par l'architecte de l'opération le 29 novembre 2005, que la police garantissant les dommages immatériels avait été souscrite le 8 février 2006 et que le juge du fond avait été saisi d'une demande de nullité du contrat d'assurance, ce dont il résultait que l'obligation de la société AXA était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société AXA, in solidum avec la société GSB, à payer des provisions aux propriétaires demandeurs et aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 1er juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;
Condamne la société Groupement savoyard du bâtiment aux dépens du pourvoi incident de la société AXA France iard ;
Condamne la société BRA aux dépens du pourvoi principal ;
Condamne la société Les Châlets du Grand Panorama aux dépens de son pourvoi incident ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Groupement savoyard du bâtiment à payer à la société AXA France IARD la somme de 2 500 euros ; condamne la société BRA à payer à la société AXA France IARD la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Béton Rhône Alpes.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la société BETON RHONE ALPES (fournisseur) devra relever indemne la société GSB (entreprise principale), la société AXA FRANCE IARD et la société LES CHALETS DU GRAND PANORAMA des condamnations mises à leur charge au profit de divers copropriétaires (acquéreurs de l'ouvrage), au titre du préjudice immatériel subi par ces derniers à la suite de désordres affectant l'immeuble dont ils étaient propriétaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « certes, pour qu'il y ait eu réaction sulfatique, il a fallu que les bétons aient été mis en présence d'humidité et d'eau ; que pour autant, le fait que les fondations et les murs enterrés aient été exposés à de l'humidité ou même à des venues d'eau ne peut constituer un fait exonérateur de responsabilité ; qu'en effet : - quand bien même un système de drain parfaitement efficace aurait été mis en place, il ne pouvait empêcher tout contact avec le béton, car le drainage a seulement pour but d'éviter les venues d'eau à l'intérieur des bâtiments, et non de protéger les semelles de fondations elles-mêmes ; - le béton, naturellement poreux, n'est pas hydrophobe ; parce qu'il n'est pas étanche, il absorbe toujours un minimum d'eau ; - les immeubles sont implantés en zone de montagne, où les précipitations sont importantes et où, au moment de la fonte des neiges, les sols sont alors fortement humidifiés ; qu'en conséquence, le sinistre a pour origine, non une quelconque faute de conception ou une malfaçon du drainage, mais la présence dans le béton de granulats à forte teneur en gypse ; qu'en présence d'humidité, le béton ne pouvait alors que se dégrader et perdre toute sa résistance ; que les granulats et le béton livré par la société BRA sont ainsi affectés d'un vice caché rendant impropre à son usage le produit vendu ; que le vendeur, de par sa qualité de professionnel, est censé connaître les défauts de la chose cédée, et doit en conséquence assumer toutes les conséquences du dommage » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QU' «en l'état, il est constant que les désordres affectant l'immeuble « Le Grand Panorama » trouvent leur origine dans une désagrégation évolutive et massive du béton ayant conduit l'expert à préconiser, à l'issue de mesures d'expertises complémentaires récentes et à l'instar des décisions déjà prises dans d'autres chantiers de construction en Maurienne, une opération de démolition reconstruction de l'ensemble du bâtiment ; qu'il précise que s'agissant de désordres affectant l'immeuble dans sa structure (fondations, murs porteurs, dallage, dalle...) des travaux de réparation ne sont pas envisageables ; que ses conclusions ont été partagées par l'ensemble des experts présents sur le site (cf. la page 6 de sa note d'expertise N° 1) et ne sont plus contestées par aucune des parties à l'instance (cf. le dire à expert du 13 juillet 2OO7 de la société BRA) ; que par suite, la mise en jeu de la responsabilité décennale du constructeur et notamment de la société GSB ne semble pas souffrir de discussion ; qu'il en est de même de celle de son assureur, la société AXA FRANCE, lequel demeure tenu, à ce jour, par une police d'assurances dont l'éventuelle annulation pour les motifs dorénavant invoqués fera l'objet d'un débat judiciaire ultérieur ; que la responsabilité professionnelle, pour défaut de conformité du produit livré, de la société BRA et, par voie de conséquence, de son assureur, sera assurément à l'ordre du jour du débat judiciaire ; que s'il appartiendra à l'expert d'affiner ses constatations et de se prononcer sur l'imputabilité précise des désordres, il apparaît à l'évidence que le désordre découle principalement de la qualité défaillante du béton utilisé, la présence d'eau n'ayant eu un effet direct que sur la rapidité de mise en place du processus chimique de dégradation du béton » ;
ALORS QUE le juge des référés ne peut condamner une partie à verser une provision à valoir sur un préjudice qu'à la condition que l'obligation du demandeur ne soit pas sérieusement contestable ; qu'au cas d'espèce, la société BETON RHONE ALPES faisait valoir qu'il résultait des analyses concordantes de trois laboratoires missionnés au cours des opérations d'expertise que les désordres au titre desquels la société GSB avait été condamnée à l'égard des copropriétaires, avaient été causés non par la teneur excessive en sulfates des bétons livrés, mais par l'action de l'eau, présente en importantes quantités dans les infrastructures de l'immeuble, laquelle avait entraîné une déformation du béton au contact de celui-ci ; qu'en l'état de ces opinions expertales de nature à faire naître un doute sérieux sur l'existence d'un lien de causalité entre le vice du béton et les désordres, la Cour d'appel, qui condamne la société BETON RHONE ALPES au motif que n'était pas rapportée la preuve d'une cause étrangère exonérant le vendeur professionnel de son obligation à garantie, a tranché une contestation sérieuse relative à l'existence du lien de causalité entre le vice des bétons livrés et les désordres, a violé l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la société d'assurances AXA France IARD.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du premier juge en ce qu'elle avait rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Société AXA FRANCE IARD, pour contestation sérieuse de son obligation à garantie, et de l'avoir en conséquence condamnée, avec son assurée, la Société GROUPEMENT SAVOYARD DU BATIMENT, à verser aux copropriétaires acquéreurs de l'ouvrage diverses indemnités provisionnelles à valoir sur la réparation de leur préjudice matériel ;
AUX MOTIFS QUE le Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY a été saisi par cet assureur aux fins de voir prononcer la nullité de la police souscrite pour dol aux motifs que les chiffres d'affaires déclarés par la Société GROUPEMENT SAVOYARD DU BATIMENT ont été sous-évalués ; que le fait de déterminer si l'article L. 113-8 du code des assurances est applicable ou non ne relève que de la seule compétence du juge du fond ; que la police étant toujours en vigueur à ce jour, le juge des référés, juge de l'évidence, ne peut qu'en prendre acte, et la considérer comme applicable ; qu'il en va de même pour la déclaration de l'assuré quant aux effectifs employés ; que concernant la date de souscription de la police (le 8 février 2006 à effet au 1er janvier 2006), il est établi que le sinistre n'a pu être connu dans toute son ampleur et ses causes qu'à compter du mois de juin 2006 ; qu'ainsi le défaut d'aléa n'est pas suffisamment démontré ;
ALORS D'UNE PART QU' est sérieusement contestable l'obligation d'un assureur exposant qu'un refus de garantie est opposable à son assuré qui s'est placé en connaissance de cause dans une situation exclusive de garantie ; que tout en constatant que, dans ses conclusions d'appel, la Société AXA FRANCE IARD avait soulevé de nombreuses causes de nullité et d'exclusion de garantie justifiant le refus d'octroi d'une provision, la Cour d'Appel qui a cependant considéré que ces causes n'étaient pas de nature à conférer un caractère sérieusement contestable à l'obligation de garantie motif pris que seul le juge du fond pourrait trancher cette contestation, n'a pas tiré les conséquences de ses propres observations au regard de l'article 809 al. 2 du Code de Procédure Civile qu'elle a ainsi violé ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge des référés ne peut trancher une contestation sérieuse liée à l'étendue de la garantie de l'assureur, laquelle ressort de la compétence exclusive du juge du fond ; qu'en considérant d'une part que la Société GROUPEMENT SAVOYARD DU BATIMENT n'aurait pas eu connaissance de la cause exacte de la gravité du sinistre avant 2006, soit avant la souscription de la garantie supplémentaire des dommages immatériels, pour écarter l'argumentation contraire de la Société AXA FRANCE IARD pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la police faute de preuve de l'absence d'aléa au moment de la conclusion de la police, la Cour d'Appel qui a ainsi tranché une contestation sérieuse ressortant de la seule compétence du juge du fond, tirée de la nullité de l'assurance pour cause de disparition de l'aléa, a excédé ses pouvoirs de juge des référés en violation de l'article 809 al. 2 du Code de Procédure Civile.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Thomas Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Les Châlets du Grand Panorama.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la société LES CHALETS DU GRAND PANORAMA responsable in solidum avec les sociétés GSB et BRA, du préjudice de jouissance et de pertes de loyers causés aux époux X... et Y... et à Monsieur Z... et de l'avoir en conséquence condamnée, in solidum, à leur payer diverses sommes à titre de provision à valoir sur leur préjudice ;
AUX MOTIFS QUE «La société LES CHALETS DU GRAND PANORAMA : en sa qualité de promoteur-vendeur, elle est débitrice envers les époux X... et Y... et Monsieur Z... de la garantie décennale concernant les biens vendus, par application de l'article 1646-1 du Code civil ; qu'en l'espèce : - les désordres affectant la solidité des ouvrages, puisque les immeubles sont inhabitables, en raison de la défaillance des fondations et des ouvrages de structure ; - ils sont apparus postérieurement à la réception : certes, si l'architecte de l'opération avait dénoncé à la société GSB des malfaçons le 29/11/2005, en réalité, comme l'a précisé l'expert judiciaire dans son pré-rapport, c'est seulement en juin 2006 que les désordres se sont manifestés dans toute leur amplitude, leur cause pouvant alors être identifiable ; - l'action a été engagée dans le délai décennal ; les désordres relèvent bien ainsi de la garantie décennale des constructeurs ; qu'en conséquence, la société LES CHALETS DU GRAND PANORAMA est responsable de plein droit du dommage conséquence des désordres affectant le béton » ;
ALORS QU'une provision ne peut être allouée, dans le cadre d'une instance en référé, que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en faisant droit à la demande de provision des époux X..., Y... et de Monsieur Z... formée à l'encontre de la société LES CHALETS DU GRAND PANORAMA – promoteur-vendeur de l'immeuble – en relevant que cette société serait, en cette qualité, débitrice de plein droit de la garantie décennale tout en constatant que la cause exclusive du sinistre résidait dans la présence, dans le béton ayant servi à la construction de l'immeuble, de granulats à forte teneur en gypse – ce dont il se déduisait nécessairement que la société LES CHALETS DU GRAND PANORAMA n'avait pris aucune part dans la réalisation du dommage, de sorte que sa responsabilité était à tout le moins sérieusement contestable–, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 809 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1792 du Code civil.