Sur le moyen unique du pourvoi principal de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon et le moyen unique du pourvoi incident de l'agent judiciaire du Trésor, réunis :
Vu les articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Attendu, selon ces textes et ce principe, que la rente d'invalidité indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel temporaire et permanent ; qu'en l'absence d'une perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement les postes de préjudice personnel du déficit fonctionnel temporaire et permanent ; qu'en présence d'une perte de gains professionnels et d'une incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de la rente, laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extrapatrimonial du déficit fonctionnel, temporaire ou permanent, s'il existe ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 31 juillet 1998, Mme X... a été blessée dans un accident de la circulation impliquant le conducteur d'un véhicule de police ; qu'elle a assigné en indemnisation devant le tribunal de grande instance l'agent judiciaire du Trésor, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon (la caisse) ;
Attendu que pour condamner la caisse à rembourser à Mme X... une certaine somme au titre du déficit fonctionnel après avoir fixé le montant total de son préjudice indemnisé par l'Etat, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la perte de gains professionnels actuels doit être évaluée à 71 098, 64 euros correspondant à des indemnités journalières ; que les arrérages échus de la rente s'élèvent à 12 498, 39 euros, le capital représentatif à celle de 85 650, 62 euros ; que l'Etat français, en exécution du jugement, a réglé à la caisse des sommes qui devaient revenir en application de la loi du 21 décembre 2006 à Mme X... ; que la caisse devra donc reverser à Mme X... les indemnisations lui revenant au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent afin d'éviter qu'en exécution de la décision, l'Etat français ne soit amené à payer deux fois ces indemnisations ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi éventuel de Mme X... :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le chef du jugement retenant que le gardien Lemoine était entièrement responsable de l'accident dont Mme X... a été victime et que la responsabilité de l'Etat français se substituait à celle de son agent, l'arrêt rendu le 29 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, demanderesse au pourvoi principal
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, qui a confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné l'Etat français à payer à la CPAM de Lyon la somme de 192 044, 83 au titre du remboursement des prestations servies à Madame X... ainsi que la somme de 12 498, 39 correspondant aux arrérages échus jusqu'au 29 septembre 2005, outre les arrérages à échoir depuis cette date au fur et à mesure des échéances de la rente servie à la victime dont le capital représentatif est de 85 650, 62, d'avoir condamné la CPAM de LYON à reverser à Madame X... les sommes mises à la chargedu tiers responsable de 34 500 représentant le déficit fonctionnel temporaire et de 156 000 représentant le déficit fonctionnel permanent.
AUX MOTIFS QUE le préjudice de Madame X... devait être calculé en fonction des dispositions de la loi du 21 décembre 2006 et évalué sur la base de la nomenclature dite DINTILHAC ; que les préjudices patrimoniaux temporaires se chiffraient à 192 044, 83 (dépenses de santé prises en charge par le CPAM pour 120 946, 19 et pertes de gains professionnels actuelles pour 71 098, 64) ; que ses préjudices patrimoniaux permanents étaient les arrérages de rente échus pour 12 498, 39, le capital représentatif de la rente étant de 85 650, 62, et la tierce personne pour 131 842, 88 ; la créance totale de la CPAM de Lyon s'établissait donc à la somme de 290 193, 88 ; que les préjudices extra patrimoniaux devaient être chiffrés comme suit : préjudices extra patrimoniaux temporaires : déficit fonctionnel temporaire pour 34 500, préjudice esthétique temporaire pour 3 450 et souffrances endurées pour 28 000, soit au total 65 950 ; que les préjudices extra patrimoniaux permanents s'évaluaient à 156 000 pour le déficit fonctionnel permanent, à 20 000 pour le préjudice d'agrément et à 18 000 pour le préjudice esthétique permanent, soit au total 194 000 ; que les préjudices extra patrimoniaux s'élevaient donc au total à 259 950 ; que le préjudice corporel de Madame X... s'élevait donc à la somme de 259 000 + 131 842, 88, soit 391 792, 88, somme de laquelle il convient de déduire les provisions versées pour un montant de 16 770, 18 faisant apparaître un solde de 375 022, 70 ; que les frais d'assistance à expertise pour un montant de 991 ne sont pas contestés ; qu'il convient de faire droit à cette demande, de même qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Madame X... la somme de 1 491 en réparation de son préjudice matériel ; que l'Etat français en exécution du jugement déféré a réglé à la CPAM des sommes qui devaient revenir en application de la loi du 21 décembre 2006 à Madame X... ; qu'il convient en conséquence de dire que la CPAM devra reverser à Madame X... les indemnisations lui revenant au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent afin d'éviter qu'en exécution du présent arrêt, l'Etat français soit amené à payer deux fois ces indemnisations ; qu'il revient à la CPAM la somme de 941 en application de l'article L. 376-1 alinéa 5, du Code de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement entrepris
ALORS QUE, D'UNE PART, en application de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre les tiers s'exerce poste par poste sur les indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a chiffré le préjudice patrimonial temporaire de Madame X... à la somme de 192 044, 83, représentant les dépenses de santé prises en charge par la caisse pour 120 946, 19 et les pertes de gains professionnels également prises en charge par la caisse pour 71 098, 64, et les préjudices patrimoniaux permanents à 12 498, 39 (arrérages de rente échues), 85 650, 62 (capital représentatif de la rente servie par la Caisse) et 131 842, 88 (tierce personne) ; et qu'en condamnant la caisse, dont la créance totale était de 290 193, 84, à reverser à Madame X... la somme de 190 500, ce qui a pour conséquence que son recours sur le tiers responsable ne peut s'exercer qu'à hauteur de 99 693, 84, la cour d'appel qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a violé l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale.
ALORS QUE, D'AUTRE PART, si le préjudice de la victime consécutif à un accident doit être réparé dans son intégralité, il ne doit en résulter ni perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a chiffré le préjudice corporel de Madame X... à la somme de 375 022, 70, et a condamné la CPAM à lui reverser les sommes de 34 500 et de 156 000 (soit 190 500) qui s'ajoutent à la somme de 273 424, 87 versée par l'Etat Français en exécution du jugement entrepris à titre de solde indemnitaire de son préjudice corporel, pour un total de 463 924, 87 excédant le préjudice corporel tel qu'évalué par la cour d'appel, qui a ainsi violé l'article 1382 du Code civil et l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale.
Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour l'agent judiciaire du Trésor public, demandeur au pourvoi incident
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en toutes ses dispositions relatives aux condamnations prononcées à l'encontre de l'Etat au profit de la CPAM de Lyon, portant en particulier sur les arrérages échus et à échoir de la rente servie à la victime ;
AUX MOTIFS QUE « le préjudice de Mme X... doit être calculé en fonction de la loi du 21 décembre 2006 et évalué sur la base de la nomenclature dite Dinthilac ;
I – Préjudices patrimoniaux :
A – préjudices patrimoniaux temporaires :
- dépenses de santé pris en charge par l'organisme social : 120. 946, 19- pertes de gains professionnels actuelles : 71. 098, 64
TOTAL : 192. 044, 83
B – préjudices patrimoniaux permanents :
- débours de la CMAP de Lyon : arrérages échus : 12. 498, 39 capital représentatif : 85. 650, 62
- tierce personne : confirmation jugement déféré : 131. 842, 88
La créance totale de la CPAM de Lyon s'établit donc à la somme de 290. 193, 84 euros ;
II – Préjudices extra-patrimoniaux :
A – préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
- déficit fonctionnel temporaire : confirmation : 34. 500- préjudice esthétique temporaire : 69 mois x 50 : 3. 450- souffrances endurées : confirmation : 28. 000
TOTAL : 65. 950
B – préjudices extra-patrimoniaux permanents :
- déficit fonctionnel permanent : confirmation : 156. 000- préjudice d'agrément : confirmation : 20. 000- préjudice esthétique permanent : confirmation : 18. 000 TOTAL : 194. 000
TOTAL A + B = 259. 950
Que le préjudice corporel de Mme X... s'élève donc à la somme de 259. 950 + 131. 842, 88 euros soit 391. 792, 88 euros somme de laquelle il y a lieu de déduire les provisions versées pour un montant de 16. 770, 18 euros laissant apparaître un solde de 375. 022, 70 euros ;
que l'Etat Français en exécution du jugement déféré a réglé à la CPAM des sommes qui devaient revenir en application de la loi du 21 décembre 2006 à Mme X... ; qu'il convient en conséquence de dire que la CPAM devra reverser à Mme X... les indemnisations lui revenant au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent afin d'éviter qu'en exécution du présent arrêt, l'Etat Français soit amené à payer deux fois ces indemnisations » ;
ALORS QUE la Cour d'appel qui statuait en application des nouvelles dispositions issues de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 sur la base de la nomenclature Dinthilac, ne pouvait condamner l'Etat, tiers responsable, à rembourser à la CPAM les arrérages échus et à échoir de la rente versée à la victime, à laquelle elle allouait l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire et permanent, sans aucune explication sur l'objet de cette rente et le préjudice qu'elle avait vocation à réparer ; qu'elle a ainsi violé l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ;
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour Mme X..., demanderesse au pourvoi éventuel
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir dit que le préjudice de Madame X... doit être évalué à la somme de 375 022, 70,
AUX MOTIFS QUE les préjudices patrimoniaux temporaires subis par Madame X... consistent en des dépenses de santé prises en charge par l'organisme social pour 120. 946, 19 et des pertes de gains professionnels actuelles pour 71. 098, 64 ; que les préjudices patrimoniaux permanents consistent en débours de la CPAM de Lyon, à savoir les arrérages de rente échus pour 12. 498, 39 euros et le capital représentatif pour 85. 650, 62 ; que la créance totale de la CPAM de Lyon s'établit donc à la somme de 290. 193, 84 ; que le préjudice corporel de Madame X... s'établit à 259. 950, représentant ses préjudices extra-patrimoniaux temporaire et permanent, plus 131. 842, 88, représentant le coût de la tierce personne, somme dont il convient de déduire les provisions versées pour un montant de 16. 770, 18 faisant apparaître un solde de 375. 022, 70 ;
ALORS QUE le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre les tiers s'exerce, poste par poste, sur les indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge ; qu'en fixant séparément la « créance totale » de la CPAM, sans imputer chacune de ses dépenses sur des chefs de préjudices de la victime, et en fixant ensuite, séparément, les préjudices non soumis à recours de ladite victime, la cour d'appel a violé l'article L. 376-1, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale ;
ALORS, subsidiairement, QU'il résultes des motifs de l'arrêt attaqué que la totalité des préjudices indemnisables s'élève à la somme de 681 926, 12, sauf à en déduire les provisions versées à hauteur de 16. 770, 18 ; qu'en décidant que le préjudice de Madame X... doit être évalué à la somme de 375. 022, 70 déduction faite des provisions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.