LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté mariage le 7 août 1965 ; que par assignation du 11 août 2004, Mme Y... a formé une demande principale en divorce pour rupture de la vie commune ; que M. X... a invoqué reconventionnellement la faute de l'épouse et sollicité le prononcé du divorce aux torts exclusifs de celle-ci et l'attribution de l'immeuble commun au titre du devoir de secours ; que l'arrêt attaqué a fait droit à la demande du mari sur le prononcé du divorce, en application de l'ancien article 241 du code civil, mais l'a débouté de sa demande d'attribution de bien au titre du devoir de secours ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de le débouter de sa demande d'attribution de l'immeuble commun au titre du devoir de secours, et de confirmer le jugement le déboutant de sa demande tendant à être déchargé de tout paiement d'une indemnité d'occupation de l'immeuble commun, alors, selon le moyen, que la pension alimentaire due au titre du devoir de secours après le divorce demandé pour rupture de la vie commune peut être fixée compte tenu du maintien du niveau de vie du créancier antérieur à la séparation ; que la cour d'appel qui, pour débouter le mari de sa demande d'attribution de l'immeuble commun au titre du devoir de secours s'est fondée sur l'absence d'évaluation préalable de cet immeuble et a retenu que la situation des époux devait être appréciée à la date de la requête a violé les articles 282 et 283 du code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige ;
Mais attendu que, lorsque, sur la demande reconventionnelle de l'époux défendeur à une action en divorce pour rupture de la vie commune, le divorce est prononcé aux torts de celui qui l'avait demandé, il produit les effets d'un divorce pour faute et met fin au devoir de secours, qu'il en résulte que la demande de M. X... fondée sur le devoir de secours ne pouvait être accueillie ; que par ce motif suggéré en défense, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Mais sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1076-1 du code de procédure civile ;
Attendu que lorsque l'une des parties n'a demandé que le versement d'une pension alimentaire ou d'une contribution aux charges du mariage, le juge ne peut prononcer le divorce sans avoir invité les parties à s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire ;
Attendu que l'arrêt a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse et débouté M. X... de sa demande d'attribution d'un bien au titre du devoir de secours ;
Qu'en statuant ainsi sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, prononçant le divorce des époux X...- Y... aux torts exclusifs de l'épouse en application de l'article 241 ancien du Code civil ;
D'avoir débouté M. X... de sa demande d'attribution de l'immeuble commun au titre du devoir de secours, et confirmé le jugement déboutant M. X... de sa demande tendant à être déchargé de tout paiement d'une indemnité d'occupation de l'immeuble commun ;
Aux motifs que « III-Sur la demande au titre du devoir de secours. L'ancien article 239 du Code civil applicable à la présente procédure prévoit que l'époux qui demande le divorce pour rupture de la vie commune en supporte toutes les charges et que dans sa demande il doit préciser les moyens par lesquels il exécutera ses obligations à l'égard de son conjoint. M. X... forme une demande sur le fondement dudit article 239 au titre du devoir de secours consistant en l'attribution au mari de l'immeuble commun par l'abandon par l'épouse de ses droits sur la communauté. En premier lieu il sera relevé que M. X... ne chiffre pas sa demande dès lors qu'il ne fournit aucune évaluation de l'immeuble commun sis ...à Saint Pierre du Mont. En second lieu, M. X... ne peut invoquer la situation respective des époux à l'époque de la première procédure en divorce diligentée par l'épouse en 1998 et remonter à la période de vie commune à Djibouti mais seulement la situation des parties à l'époque de la requête en divorce pour rupture de vie commune le 1er avril 2004. Or, précisément la situation des époux à cette époque a déjà été envisagée par la Cour dans son arrêt du 3 octobre 2005, statuant sur l'appel formé par M. X... à rencontre de l'ordonnance de non conciliation du 14 juin 2004, dans lequel il a été retenu que l'époux bénéficiant d'une pension de retraite de 1. 464, 15 € par mois et l'épouse d'une pension de retraite de 1. 059 € par mois, il ne pouvait être mis à la charge de celle-ci une quelconque contribution au titre du devoir de secours au profit du mari dont les revenus sont supérieurs. En conséquence M. X... sera débouté de sa demande à ce titre. IV-
Sur l'indemnité d'occupation de l'immeuble commun due par le mari. M. X... n'a pas relevé appel de ce chef et il n'y a dès lors pas à statuer sur ce chef de demande ;
1° Alors que la pension alimentaire due au titre du devoir de secours après le divorce demandé pour rupture de la vie commune peut être fixée compte tenu du maintien du niveau de vie du créancier antérieur à la séparation ; que la Cour d'appel qui, pour débouter le mari de sa demande d'attribution de l'immeuble commun au titre du devoir de secours, s'est fondée sur l'absence d'évaluation préalable de cet immeuble et a retenu que la situation des époux devaient être appréciée à la date de la requête, a violé les articles 282 et 283 du Code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige ;
2° Alors, subsidiairement, que lorsqu'une des parties n'a demandé que le versement d'une pension alimentaire ou d'une contribution aux charges du mariage, le juge ne peut prononcer le divorce sans avoir invité les parties à s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire ; que la Cour d'appel qui, saisie par l'épouse d'une demande de divorce pour rupture de la vie commune, et par le mari d'une demande reconventionnelle en divorce aux torts exclusifs de l'épouse et d'une demande d'attribution de l'immeuble commun au titre du devoir de secours, a rejeté cette dernière demande, après prononcé du divorce aux torts de l'épouse sans inviter les parties à s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire, a violé l'article 1176-1 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'avoir estimé que le jugement serait confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts, et de n'avoir alloué aucune somme à ce titre à M. X... ;
Aux motifs que « Sur les dommages-intérêts M. X... invoque le bénéfice des dispositions des articles 1382 et 266 du Code civil en faisant état d'un préjudice important tant moral que matériel au motif que l'épouse a brutalement mis fin à une vie harmonieuse et paisible et n'a pas contribué aux charges du mariage, l'obligeant à faire face seul à l'ensemble des charges de l'habitation et au motif qu'elle l'a coupé de toutes relations avec ses enfants et petits-enfants. Les conditions requises pour l'application de ces textes supposent que soit rapportée la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice. C'est à bon droit que le premier juge a relevé que M. X... ne produisait aucun élément de nature à établir l'existence d'un préjudice alors que Mme Y... a été autorisée à résider séparément depuis le 16 mars 1998, que le mari n'a formé aucune demande de réintégration du domicile familial et qu'il n'a pas non plus formé de demande de contribution aux charges du mariage. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ce chef de demande » ;
Et aux motifs adoptés du jugement que les conditions générales requises pour l'application de l'article 1382 du Code civil le sont également pour celle de l'article 266 du même Code ; que conformément au droit commun, trois conditions doivent être remplies :- un dommage,- une faute,- une relation de causalité entre la faute et le dommage ; qu'il appartient au demandeur de justifier de ces conditions ; que Monsieur X... demande paiement de la somme de 60. 000 €, semble-t-il au regard de l'attitude fautive de l'épouse qui a quitté le domicile familial, a été déboutée d'une demande en divorce, n'a pas réintégré le domicile familial et n'a pas contribué aux charges du mariage ; qu'il ne produit aucun élément pouvant établir l'existence d'un dommage justifiant le paiement de dommages et intérêts ; que Madame Y... a été autorisée à résider séparément depuis le 16 mars 1998 ; qu'aucune demande de réintégration du domicile familial n'a été formulée, pas plus que de demande de contribution aux charges du mariage ; que Monsieur X... ne justifiant pas de son préjudice sera débouté de sa demande » ;
1° Alors que les juges ne peuvent statuer par une décision dont le dispositif est en contradiction avec les motifs ; que la Cour d'appel, saisie d'une demande d'indemnisation par M. X..., qui a énoncé dans les motifs de son arrêt que le jugement serait confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ce chef de demande et, dans son dispositif, confirmer le jugement en ses autres dispositions, dont aucune ne statue sur la demande d'indemnisation que le Tribunal avait indiqué rejeter dans les motifs de sa décision, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2° Alors que le juge se prononce sur les demandes dont il est saisi dans le dispositif de sa décision ; que la Cour d'appel, saisie d'une demande d'indemnisation par M. X..., qui a énoncé dans les motifs de son arrêt que le jugement serait confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ce chef de demande et, dans son dispositif, confirmer le jugement en ses autres dispositions, dont aucune ne statue sur la demande d'indemnisation que le Tribunal avait indiquer rejeter dans les motifs de sa décision, a violé l'article 480 du Code de procédure civile ;
3° Alors, subsidiairement, que lors de l'ordonnance de non-conciliation, le juge prescrit les mesures qui sont nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée ; que la Cour d'appel, pour n'allouer aucune indemnisation à M. X..., a retenu que Mme Y... avait autorisée à résider séparément depuis le 16 mars 1998, et que n'ayant formé aucune demande de réintégration du domicile familial ni de demande de contribution aux charges du mariage, le mari ne justifiait pas de son préjudice ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant, pour accueillir la demande reconventionnelle du mari en divorce pour faute, que l'épouse, déboutée en 1999 de sa demande en divorce par jugement définitif, ne produisait pas de nouveaux éléments pour justifier de son départ du domicile conjugal, la Cour d'appel a violé l'article 254 du Code civil ;
4° Alors, encore plus subsidiairement, que l'époux qui invoque un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du lien conjugal peut en demander la réparation à son conjoint dans les conditions du droit commun ; que la Cour d'appel, pour n'allouer aucune indemnisation à M. X..., a retenu que Mme Y... avait autorisée à résider séparément depuis le 16 mars 1998, que n'ayant formé aucune demande de réintégration du domicile familial ni de demande de contribution aux charges du mariage, le mari ne justifiait pas de son préjudice ; qu'en statuant ainsi, en subordonnant la preuve du préjudice à des demandes de réintégration du domicile et de contribution, et tout en constatant, pour accueillir la demande reconventionnelle du mari en divorce pour faute, que l'épouse, déboutée en 1999 de sa demande en divorce par jugement définitif, ne produisait pas de nouveaux éléments pour justifier de son départ du domicile conjugal, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour Mme Y..., demanderesse au pourvoi incident
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef D'AVOIR prononcé le divorce des époux X...- Y... aux torts exclusifs de l'épouse ;
AUX MOTIFS QUE monsieur X... avait formé une demande reconventionnelle en divorce en invoquant la faute de l'épouse qui avait abandonné le domicile conjugal le 15 février 1998 soit antérieurement à l'ordonnance de non conciliation du 16 mars 1998 autorisant la résidence séparée des époux ; qu'il ressortait du jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 4 février 1999 dans le cadre de la première procédure de divorce initiée par madame Y... que l'épouse avait été déboutée de sa demande en divorce pour faute au motif qu'elle ne justifiait pas par la production d'un arrêt de travail de huit jours en date du 16 février 1998 des griefs allégués à l'encontre de son mari ; que ce jugement était devenu définitif et madame Y... ne produisait pas de nouveaux éléments autres que ceux rejetés par le jugement du 4 février 1999 permettant de justifier son départ du domicile conjugal ; qu'en conséquence le jugement serait réformé et le divorce serait prononcé aux torts exclusifs de l'épouse (arrêt, p. 6) ; que madame Y... avait été autorisée à résider séparément depuis le 16 mars 1998 ; que le mari n'avait formé aucune demande de réintégration du domicile familial (arrêt, p. 7) ;
ALORS QU'en ne constatant pas que le comportement imputé à l'épouse aurait constitué une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendu intolérable le maintien de la vie commune, et en ne se référant pas expressément à l'article 242 ancien du code civil, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ce texte, applicable à la cause ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en retenant que le fait, pour l'épouse, d'avoir abandonné le domicile conjugal le 15 février 1998, soit antérieurement à l'ordonnance de non conciliation du 16 mars 1998 autorisant la résidence séparée des époux, était, nonobstant l'absence de toute demande ultérieure de son époux tendant à la réintégration du domicile familial, de nature à justifier le prononcé du divorce aux torts de l'épouse, la cour d'appel a violé l'article 242 ancien du code civil.