LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le 10 octobre 2003, un incendie s'est déclaré dans la maison d'habitation de M. et Mme X... et l'a endommagée ; qu'une expertise ordonnée en référé ayant établi que l'incendie avait pris naissance dans le sèche-linge de marque Whirlpool, par suite d'un échauffement de cet appareil, M. et Mme X... et leur assureur, la sociéte Les Mutuelles régionales d'assurances devenue société Thelem assurances, ont assigné en responsabilité et réparation la société Sogara, propriétaire du magasin "Carrefour" où ils avaient acquis cet appareil le 13 novembre 1999, et la société Whirlpool France ;
Attendu que pour déclarer la société Whirlpool responsable du dommage subi par M. et Mme X... et la condamner à leur payer diverses sommes, l'arrêt énonce qu'il ressort du rapport d'expertise de M. Z... que, s'il est patent que le feu est parti du sèche-linge fabriqué par la société Whirlpool, les causes de ce départ de feu sont ignorées ; qu'aucun vice de l'appareil n'a été mis en évidence ni aucune faute en relation avec l'incendie à l'encontre de M. et Mme X... et de ladite société ; que lorsque la chose à l'origine du dommage a un dynamisme propre et dangereux, ce qui est le cas de ce sèche-linge à la fois chauffant et soufflant, doté d'un dynamisme interne qui lui est propre, et dont les potentialités de mise à feu, selon l'expert, existent au regard de ses effets de chauffe et de ses effets électrostatiques, il est acquis que la responsabilité du fabricant en sa qualité de gardien de la structure peut être mise en cause, et qu'il lui appartient, pour s'exonérer de sa responsabilité, de démontrer l'existence d'un cas fortuit ou de force majeure, ou d'une cause étrangère ; que la société Whirlpool ne rapporte pas cette preuve ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que les causes de l'incendie étaient ignorées et que l'appareil était exempt de vices, et alors qu'un sèche-linge, à raison d'une potentialité de mise à feu au regard des effets de chauffe et des effets électrostatiques indissociables des propriétés chauffantes et soufflantes qui le rendent conformes à sa destination, ne constitue pas, de ce seul fait, une chose dotée d'un dynamisme propre et dangereux par nature, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne M. et Mme X... et les sociétés Thelem assurances et Sogara France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X..., les sociétés Thelem assurances et Sogara France, in solidum, à payer à la société Whirlpool France la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Whirlpool France
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit la société WHIRLPOOL responsable du dommage subi par les époux X... et de l'avoir condamnée à payer à la société THELEM et aux époux X... différentes sommes,
AUX MOTIFS QU' il ressort du rapport de l'expert que si le feu est parti du sèche linge fabriqué par la société WHIRLPOOL, les causes de ce départ de feu sont ignorées : aucun vice de l'appareil n'a été mis en évidence et aucune faute en relation avec l'incendie n'est établie ni à l'encontre des époux X... ni à l'encontre de la société WHIRLPOOL ; que lorsque la chose à l'origine du dommage a un dynamisme propre et dangereux, ce qui est le cas de ce sèche linge à la fois chauffant et soufflant, doté d'un dynamisme interne qui lui est propre et dont les potentialités de mise à feu selon l'expert judiciaire existent au regard de ses effets de chauffe et de ses effets électrostatiques, il est acquis que la responsabilité du fabricant en sa qualité de gardien de la structure peut être mise en cause et qu'il lui appartient de démontrer pour s'exonérer de sa responsabilité l'existence d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère ; que la société WHIRLPOOL ne rapporte pas cette preuve ; qu'elle invoque les dispositions de l'article 1384 al 2 du code civil selon lesquelles celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis à vis des tiers des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable ; que certes, les dommages invoqués par les époux X... ont été causés par l'incendie et la société WHIRLPOOL a la qualité de gardienne de la structure du sèche ligne où le feu a pris naissance ; mais si aucune faute n'est établie à son encontre, elle ne détenait pas au sens de l'article 1384 al 2 du code civil le sèche linge litigieux puisqu'elle était dépourvue de tout pouvoir d'intervention sur celui-ci ; que par ailleurs, les époux X... acquéreurs de la machine et propriétaires de l'immeuble où elle était déposée ne sont pas des tiers au sens de l'article 1384 al 2 du code civil ; que celui-ci n'est donc pas applicable dans le présent litige,
1) ALORS QUE la distinction entre la garde de la structure et celle du comportement n'est applicable qu'aux choses animées d'un dynamisme propre et intrinsèquement dangereuses en raison de propriétés explosives, ou devenues dangereuses en raison d'un vice ; qu'un sèche linge, qui possède des propriétés chauffantes mais pas explosives, n'est pas une chose intrinsèquement dangereuse ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que le sèche-linge litigieux n'était pas affecté d'une défectuosité le rendant dangereux ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la société WHIRLPOOL en tant que gardienne de la structure du sèche-linge, la cour d'appel a violé l'article 1384 al 1 du code civil ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, en cas d'incendie ayant son origine dans une chose, la responsabilité du détenteur s'apprécie au regard des conditions posées par l'article 1384 al 2 du code civil ; que le détenteur au sens de ce texte correspond au gardien au sens de l'article 1384 al 1 du code civil ; que le détenteur peut ainsi être le gardien de la structure, quand bien même il n'appréhende pas matériellement la chose siège du sinistre ; que sa responsabilité est engagée non seulement envers les tiers mais encore à l'égard de l'utilisateur de la chose siège du sinistre ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel, qui a énoncé que la société WHIRLPOOL si elle était la gardienne de la structure n'était pas la détentrice au sens de l'article 1384 al 2 du code civil, a violé ce texte ;
3) ALORS QU'en déclarant la société WHIRLPOOL responsable des conséquences de l'incendie ayant eu son siège dans le sèche linge dont elle avait la garde, sans relever à son encontre de faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 al 2 du code civil.