LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Ordonne la jonction des pourvois n°s D 08-13.743 et S 08-16.193, qui sont connexes ;
Donne acte à la société Bourjois Sas du désistement de son pourvoi n° D 08-13.743 en ce qu'il est dirigé contre la société Giovanni Crespi spa ;
Attendu que la société Bourjois, fabricant des sacs Chanel, s'est approvisionnée, pour les doublures, en polyuréthane de différentes couleurs d'abord auprès de la société italienne Giovanni Crespi spa (société Crespi) puis auprès de la société italienne Gommatex poliuretani (société Gommatex) ; qu'ayant constaté un vieillissement prématuré des tissus, la société Bourjois a obtenu en 1994 la désignation d'un expert qui a déposé en 2004 un rapport opposable aux deux fournisseurs ; que, la société Gommatex ayant fait assigner, le 29 janvier 1997, la société Bourjois devant le tribunal de Prato (Italie) en déclaration de déchéance du droit à garantie pour les fournitures et de prescription du droit à garantie et, subsidiairement, en cas de refus, en rejet des demandes au fond qui pourraient être formées, la juridiction italienne s'est, par jugement du 30 novembre 1999, déclarée compétente ; que la cour d'appel de Florence, par arrêt du 7 octobre 2003, a rejeté l'appel de la société Bourjois, puis que la Cour de cassation italienne, par arrêt du 7 décembre 2006, rejetant le pourvoi, a dit le juge italien compétent ; que la société Bourjois ayant assigné les sociétés Gommatex et Crespi, en réparation de son préjudice, devant le tribunal de commerce de Nanterre, et les sociétés italiennes ayant soulevé l'incompétence de cette juridiction au regard de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifié ainsi qu'en l'état de la litispendance et de la connexité existant entre les actions engagées en France et en Italie, le tribunal, par jugement du 30 mars 2007 a déclaré les sociétés défenderesses bien fondées en leurs exceptions d'incompétence et de connexité et a renvoyé la société Bourjois à mieux se pourvoir ; que l'arrêt attaqué (Versailles, 14 février 2008) a confirmé le jugement dans les rapports entre la société Bourjois et la société Gommatex et, pour le surplus, en l'absence de connexité, a renvoyé le litige entre la société Bourjois et la société Crespi devant le tribunal de commerce de Nanterre ; que, par jugement du 3 mars 2009, le tribunal de Prato a déclaré la société Bourjois forclose de la garantie demandée à la société Gommatex ; que par jugement du 11 juin 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société Crespi et, disant la société Bourjois recevable en son action, a sursis à statuer ; que, par arrêt du 17 septembre 2009, la cour d'appel de Versailles, réparant une omission de statuer affectant sa décision du 14 février 2008, a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 30 mars 2007 sauf en ce qu'il avait fait droit à l'exception d'incompétence territoriale et à l'exception de connexité soulevées par la société Crespi, rejeté l'exception de connexité et renvoyé l'affaire devant le tribunal de Compiègne pour jugement du litige entre la société Bourjois et la société Crespi ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° D 08-13.743 pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° D 08-13.743 pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Bourjois fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'exception d'incompétence recevable et bien fondée et de l'avoir renvoyée à mieux se pourvoir alors, selon le moyen :
1°/ que constitue la chose jugée la contestation qui est tranchée dans le dispositif de la décision ; que par acte du 29 janvier 1997, la société Gommatex a fait assigner, devant le tribunal civil de Prato, (Italie), la société Bourjois en vue de voir déclarer, aux termes de l'article 1495 du code civil italien, la déchéance du droit à garantie avancé par la société Bourjois, la prescription effective de ce droit à garantie et en cas de refus, repousser subsidiairement et au fond, toutes les demandes qui pourraient être éventuellement avancées ; que la société Bourjois ayant soutenu que la juridiction italienne était incompétente, sans former aucune demande à l'encontre de la société Gommatex, le tribunal civil de Prato, la cour d'appel de Florence et la Cour de cassation italienne ont successivement jugé, dans les dispositifs respectifs de leurs décisions, que le tribunal italien était compétent pour statuer sur le litige dont il était saisi ; qu'en énonçant néanmoins, pour dire le juge français incompétent sur la demande, distincte, émanant de la société Bourjois et visant à mettre en jeu la responsabilité contractuelle de la société Gommatex, et renvoyer la société Bourjois à mieux se pourvoir sur cette demande, qu' il a été jugé, par ces décisions, que « la juridiction italienne était compétente pour connaître du litige opposant Gommatex à Bourjois et ayant trait aux conséquences de cette vente notamment quant à la garantie au titre des vices ayant pu affecter les marchandises livrées », la cour d'appel a dénaturé les décisions du tribunal civil de Prato, de la cour d'appel de Florence et de la Cour de cassation italienne, respectivement en date des 30 novembre 1999, 29 novembre 2003 et 7 décembre 2006, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'en se fondant sur l'autorité de chose jugée d'une décision ayant statué exclusivement sur la compétence territoriale du tribunal devant juger d'une éventuelle déchéance ou prescription de la garantie, pour en déduire que le juge français n'était pas compétent pour statuer sur une action en responsabilité contractuelle, la cour d'appel a encore violé l'article 1351 du code civil, ensemble les articles 4 et 480 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt rappelle que la société Gommatex s'est prévalue, dès l'instance en référé de 1994, de la compétence du juge italien ; puis, relève que le tribunal de Prato était saisi d'une demande tendant non seulement au constat de la déchéance du droit à garantie sur les fournitures contestées et à la déclaration de la prescription de ce droit à garantie mais aussi, en cas de refus, au rejet, au fond, des demandes pouvant être faites ; ensuite, qu'il retient que la juridiction italienne s'est déclarée compétente, sur le fondement de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles, pour connaître des conséquences de la vente, dès lors que le lieu de livraison des marchandises était situé en Italie ; que la cour d'appel de Versailles, retenant que les décisions rendues dans un Etat contractant sont, en vertu de l'article 26 de cette Convention, reconnues dans les autres Etats sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure, a pu en déduire, sans dénaturation ni violation de l'article 1351 du code civil, que les décisions du tribunal du Prato, de la cour d'appel de Florence et de la Cour de cassation italienne s'imposaient à la juridiction française ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° S 08-16.193, qui est recevable :
Attendu que la société Crespi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir renvoyé l'action introduite contre elle par la société Bourjois alors, selon le moyen, qu'"en vertu des articles 2, 3 et 5-1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, en matière contractuelle, un défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant ne peut être attrait que, soit devant le juge de son domicile, soit devant le juge du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; qu'en l'espèce, la société Crespi a toujours contesté la compétence de la juridiction française, notamment sur le fondement de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles, en soutenant que le lieu où l'obligation qui servait de base à la demande avait été exécutée se situait en Italie ; que sur ce point, le tribunal avait relevé (jugement, p. 9, in fine) « qu'en tout état de cause, l'exception d'incompétence territoriale également soutenue par Crespi, dont les factures étaient établies dans les mêmes termes que celles de Gommatex soit «franco frontière italienne», doit conduire le tribunal à se déclarer incompétent pour statuer sur la demande de Crespi, pour les motifs indiqués ci-dessus (paragraphe 1) ; en conséquence, le tribunal se déclarera incompétent et renverra Bourjois à mieux se pourvoir tant en ce qui concerne sa demande à l'égard de Gommatex qu'à l'égard de Crespi» ; que le tribunal avait en effet relevé (jugement, p. 6 et 7) que la société Gommatex soutenait que l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles désignait en l'espèce l'Italie en raison de la mention «franco frontière italienne» sur les factures et documents d'exportation, et qu'en tout état de cause, l'article 31 de la Convention de Vienne conduisait à retenir comme lieu de livraison l'Italie, et que «Crespi s'associe à cette exception en relevant que ses factures portent également la mention « franco frontière italienne», que c'est bien en Italie que Bourjois a acquis la propriété des marchandises litigieuses, que la juridiction italienne est seule compétente » ; qu'il avait ensuite retenu que le litige dont il était saisi portait sur la qualité de marchandises vendues par deux sociétés italiennes à un acheteur français, que selon l'article 5.1° de la Convention de Bruxelles, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant pouvait être attrait, en matière contractuelle, devant le Tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été exécutée, que s'agissant d'une vente internationale de marchandises, ce lieu devait s'apprécier selon les dispositions de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 qui conduisaient à retenir que si le vendeur n'est pas tenu de livrer les marchandises en un autre lieu particulier son obligation de livraison consiste, lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises, à remettre les marchandises au premier transporteur pour transmission à l'acheteur, et que la juridiction italienne s'était déclarée compétente en application de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles au motif de l'absence d'accord des parties relatif à l'individualisation d'un lieu d'exécution de l'obligation de délivrance différent de celui de la délivrance au transporteur, stipulé franco frontière italienne ; qu'ainsi, pour le tribunal, la solution retenue à l'égard de la société Gommatex au titre de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles, et conduisant à la compétence des juridictions italiennes, était également applicable à la société Crespi, les conditions de vente et de livraison étant identiques ; que dans ces conditions, la société Crespi sollicitant la confirmation du jugement, en retenant la compétence des juridictions françaises et en renvoyant l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre pour que soit jugé le litige opposant la société Bourjois à la société Crespi, sans motiver sa décision relative à la compétence des juridictions françaises au regard des articles 2, 3 et 5-1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, la cour d'appel a violé, pour absence de motifs, lesdits articles, ensemble l'article 455 du code de procédure civile" ;
Mais attendu que l'arrêt du 17 septembre 2009, rendu sur requête de la société Bourjois, retient, après constat d'une omission de statuer de l'arrêt attaqué sur la compétence de la juridiction française à l'égard de la société Crespi, d'abord, qu'en vertu de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles le défendeur peut être attrait, en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été exécutée, puis, que cette obligation était celle de livrer des produits conformes aux commandes et dépourvus de vices, ensuite, que les décisions italiennes n'étaient pas opposables à la société Crespi, encore, que la clause "franco-frontière" ne déterminait pas le lieu de livraison des marchandises, enfin, que les commandes précisaient que les livraisons devaient avoir lieu à Compiègne, ce que la société Crespi avait accepté ; que la cour d'appel en ayant déduit que la société Bourjois était fondée en son exception et que le tribunal de commerce de Compiègne était compétent, le moyen, inopérant, doit être rejeté ;
Sur le second moyen du pourvoi n° S 08-16.193, ci-après annexé :
Attendu que la société Crespi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de connexité soulevée ;
Attendu que l'arrêt constate souverainement d'abord la saisine des juridictions italiennes, par la société Gommatex, d'une action en déchéance de garantie et en prescription contre la société Bourjois, ainsi subsidiairement qu'en rejet des demandes pouvant être faites au fond ; puis l'absence d'action en responsabilité intentée par la société Bourjois en Italie ; qu'il relève encore que la société Bourjois a assigné les deux sociétés italiennes devant la juridiction française en réparation des vices rédhibitoires, en précisant la part de responsabilité incombant à chacune de ses adversaires ; enfin, que les fondements juridiques des actions, les périodes de fabrication des doublures litigieuses et les demandes de condamnations sont distincts ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision, dès lors que, au regard de l'article 22 de la Convention de Bruxelles, ne sont connexes que les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin de éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les deux pourvois ;
Condamne la société Bourjois aux entiers dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bourjois à payer à la société Gommatex la somme de 2 500 euros ; rejette les demandes pour le surplus ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° D 08-13.743 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Bourjois
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant, de ce chef, le jugement entrepris, déclaré la société GOMMATEX POLIURETANI SPA recevable et bien fondée en son exception d'incompétence et, se déclarant incompétent sur la demande dirigée contre la société GOMMATEX SPA, renvoyé la société BOURJOIS à mieux se pourvoir,
AUX MOTIFS QUE par acte du 29 janvier 1997, la société GOMMATEX a assigné la société BOURJOIS devant le tribunal de Prato, (Italie), aux fins d'obtenir la déchéance du droit à garantie de BOURJOIS sur les fournitures contestées par application de l'article 1495 du code civil italien et la prescription de ce droit eu égard à la date à laquelle les retours avaient eu lieu par rapport aux livraisons de doublures faites par le fabricant ; que dans le cadre du litige opposant GOMMATEX à BOURJOIS devant la juridiction italienne, à propos des mêmes marchandises et des mêmes livraisons, BOURJOIS a opposé une exception d'incompétence territoriale en faisant valoir qu'en vertu des dispositions de l'article 5. de la Convention de Bruxelles et de la Convention sur la vente internationale de marchandises, le tribunal compétent était celui du lieu de l'Etat où les marchandises contestées avaient été livrées à Chamant 60300 Senlis ; que, par décision du tribunal civil de Prato, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Florence du 29 octobre 2003 , il a été jugé que le lieu de livraison des marchandises ayant toujours été l'Italie, à savoir Prato, la juridiction italienne était compétente en application de l'article 5. de la Convention de Bruxelles pour connaître du litige opposant GOMMATEX à BOURJOIS et ayant trait aux conséquences de cette vente notamment quant à la garantie au titre des vices ayant pu affecter les marchandises livrées ; que par arrêt de la Cour de cassation italienne du 7 décembre 2006 le recours formé contre l'arrêt de la cou d'appel de Florence a été rejeté aux motifs de « l'absence d'accord des parties relatif à l'individualisation d'un lieu d'exécution de l'obligation de délivrance différent de celui de la délivrance au transporteur » et que « dans les ventes internationales de marchandises le lieu de délivrance est celui dans lequel les biens ont été transmis au transporteur sauf dérogation contractuelle prévue par les parties en ce qui concerne un lieu de délivrance différent aux fins de libérer le vendeur » ; qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, en vertu de l'article 26 de la Convention de Bruxelles, « les décisions rendues dans un Etat contractant sont reconnues dans les autres Etats contractants, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure » ; qu'il s'en suit que la décision rendue par la Cour de cassation italienne s'impose au juge français en ce qui concerne la compétence territoriale du tribunal devant statuer sur les conséquences de la vente de marchandises litigieuses par GOMMATEX à BOURJOIS notamment quant à la possibilité de se prévaloir de la garantie des vices ayant pu les affecter ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a renvoyé BOURJOIS à mieux se pourvoir en ce qui concerne sa demande à l'encontre de GOMMATEX ;
1) ALORS QUE constitue la chose jugée la contestation qui est tranchée dans le dispositif de la décision ; que par acte du 29 janvier 1997, la société GOMMATEX a fait assigner, devant le tribunal civil de Prato, (Italie), la société BOURJOIS en vue de voir déclarer, aux termes de l'article 1495 du code civil italien, la déchéance du droit à garantie avancé par la société BOURJOIS, la prescription effective de ce droit à garantie et en cas de refus, repousser subsidiairement et au fond, toutes les demandes qui pourraient être éventuellement avancées ; que la société BOURJOIS ayant soutenu que la juridiction italienne était incompétente, sans former aucune demande à l'encontre de la société GOMMATEX, le tribunal civil de Prato, la cour d'appel de Florence et la Cour de cassation italienne ont successivement jugé, dans les dispositifs respectifs de leurs décisions, que le tribunal italien était compétent pour statuer sur le litige dont il était saisi ; qu'en énonçant néanmoins, pour dire le juge français incompétent sur la demande, distincte, émanant de la société BOURJOIS et visant à mettre en jeu la responsabilité contractuelle de la société GOMMATEX, et renvoyer la société BOURJOIS à mieux se pourvoir sur cette demande, qu' il a été jugé, par ces décisions, que « la juridiction italienne était compétente pour connaître du litige opposant GOMMATEX à BOURJOIS et ayant trait aux conséquences de cette vente notamment quant à la garantie au titre des vices ayant pu affecter les marchandises livrées », la cour d'appel a dénaturé les décisions du tribunal civil de Prato, de la cour d'appel de Florence et de la Cour de cassation italienne, respectivement en date des 30 novembre 1999, 29 novembre 2003 et 7 décembre 2006, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2) ALORS QU' en se fondant sur l'autorité de chose jugée d'une décision ayant statué exclusivement sur la compétence territoriale du tribunal devant juger d'une éventuelle déchéance ou prescription de la garantie, pour en déduire que le juge français n'était pas compétent pour statuer sur une action en responsabilité contractuelle, la cour d'appel a encore violé l'article 1351 du code civil, ensemble les articles 4 et 480 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE le dessaisissement du juge, saisi en second lieu, en faveur du tribunal premier saisi, est subordonné à l'existence de demandes ayant le même objet et la même cause, formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'Etats contractants différents ; que, pour vérifier si deux demandes présentent le même objet, il convient de tenir compte uniquement des prétentions respectives des demandeurs dans chacun des litiges ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société GOMMATEX avait saisi le juge italien « aux fins d'obtenir la déchéance du droit à garantie de BOURJOIS sur les fournitures contestées … et la prescription de ce droit », que la société BOURJOIS avait saisi le juge français d'une action tendant à dire que « GOMMATEX et CRESPI sont responsables des dommages subis par BOURJOIS et condamner GOMMATEX à lui payer la somme de 6 533 529 euros » et que « devant les juridictions italiennes, BOURJOIS n'a engagé quant au fond aucune action en responsabilité et n'a formé aucune demande de condamnation à l'encontre de GOMMATEX », (arrêt, p.3, al.1 et 4 et p.11, al.4) ; qu'en déclarant néanmoins le juge français incompétent sur la demande en responsabilité contractuelle dirigée par la société BOURJOIS contre la société GOMMATEX SPA, et en la renvoyant à mieux se pourvoir, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 21 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, devenu l'article 27 du Règlement 44/2001 du 22 décembre 2000;
4) ALORS QUE le dessaisissement du juge, saisi en second lieu, en faveur du tribunal premier saisi, est subordonné à l'existence de demandes ayant le même objet et la même cause, formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'Etats contractants différents ; que la cause s'entend à la fois des faits et de la règle juridique invoquée comme fondement de la demande, laquelle doit être la même ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a encore constaté que la demande de la société GOMMATEX devant le juge italien était fondée sur l'article 1495 du code civil italien alors que la demande formée par la société BOURJOIS devant le juge français était une action en responsabilité contractuelle, (arrêt, p.3, al.1 et 4) ; qu'en déclarant néanmoins le juge français incompétent sur la demande en responsabilité contractuelle dirigée par la société BOURJOIS contre la société GOMMATEX SPA, et en la renvoyant à mieux se pourvoir, la cour d'appel, à nouveau, n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 21 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, devenu l'article 27 du Règlement 44/2001 du 22 décembre 2000
Moyens produits au pourvoi n° S 08-16.193 par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Giovanni Crespi Spa
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
ATTENDU QU'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour que soit jugé le litige opposant la société BOURJOIS à la société CRESPI,
AUX MOTIFS QU'il n'existe pas de lien de connexité entre l'action introduite devant les juridictions italiennes et celle introduite par la société BOURJOIS à l'encontre de la société CRESPI devant le tribunal de commerce de Nanterre, que le jugement sera donc réformé de ce chef et l'affaire renvoyée devant les premiers juges pour qu'il soit statué sur l'action introduite par la société BOURJOIS à l'encontre de la société CRESPI ;
ALORS QU'en vertu des articles 2, 3 et 5-1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, en matière contractuelle, un défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant ne peut être attrait que, soit devant le juge de son domicile, soit devant le juge du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; qu'en l'espèce, la société CRESPI a toujours contesté la compétence de la juridiction française, notamment sur le fondement de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles, en soutenant que le lieu où l'obligation qui servait de base à la demande avait été exécutée se situait en Italie ; que sur ce point, le Tribunal avait relevé (jugement, p. 9, in fine) « qu'en tout état de cause, l'exception d'incompétence territoriale également soutenue par CRESPI, dont les factures étaient établies dans les mêmes termes que celles de GOMMATEX soit « franco frontière italienne », doit conduire le Tribunal à se déclarer incompétent pour statuer sur la demande de CRESPI, pour les motifs indiqués ci-dessus (paragraphe 1) ; en conséquence, le Tribunal se déclarera incompétent et renverra BOURJOIS à mieux se pourvoir tant en ce qui concerne sa demande à l'égard de GOMMATEX qu'à l'égard de CRESPI » ; que le Tribunal avait en effet relevé (jugement, p. 6 et 7) que la société GOMMATEX soutenait que l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles désignait en l'espèce l'Italie en raison de la mention « franco frontière italienne » sur les factures et documents d'exportation, et qu'en tout état de cause, l'article 31 de la Convention de Vienne conduisait à retenir comme lieu de livraison l'Italie, et que « CRESPI s'associe à cette exception en relevant que ses factures portent également la mention « franco frontière italienne », que c'est bien en Italie que BOURJOIS a acquis la propriété des marchandises litigieuses, que la juridiction italienne est seule compétente » ;qu'il avait ensuite retenu que le litige dont il était saisi portait sur la qualité de marchandises vendues par deux sociétés italiennes à un acheteur français, que selon l'article 5.1° de la Convention de Bruxelles, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant pouvait être attrait, en matière contractuelle, devant le Tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été exécutée, que s'agissant d'une vente internationale de marchandises, ce lieu devait s'apprécier selon les dispositions de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 qui conduisaient à retenir que si le vendeur n'est pas tenu de livrer les marchandises en un autre lieu particulier son obligation de livraison consiste, lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises, à remettre les marchandises au premier transporteur pour transmission à l'acheteur, et que la juridiction italienne s'était déclarée compétente en application de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles au motif de l'absence d'accord des parties relatif à l'individualisation d'un lieu d'exécution de l'obligation de délivrance différent de celui de la délivrance au transporteur, stipulé franco frontière italienne ; qu'ainsi, pour le Tribunal, la solution retenue à l'égard de la société GOMMATEX au titre de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles, et conduisant à la compétence des juridictions italiennes, était également applicable à la société CRESPI, les conditions de vente et de livraison étant identiques ; que dans ces conditions, la société CRESPI sollicitant la confirmation du jugement, en retenant la compétence des juridictions françaises et en renvoyant l'affaire devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour que soit jugé le litige opposant la société BOURJOIS à la société CRESPI, sans motiver sa décision relative à la compétence des juridictions françaises au regard des articles 2, 3 et 5-1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, la Cour d'appel a violé, pour absence de motifs, lesdits articles, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
ATTENDU QU'il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir rejeté l'exception de connexité et d'avoir renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour que soit jugé le litige opposant la société BOURJOIS à la société CRESPI,
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 22 de la Convention de Bruxelles sont connexes, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que les juridictions italiennes sont saisies d'une demande tendant à voir juger que BOURJOIS est déchue de son droit à garantie sur les marchandises que lui a livrées GOMMATEX et en tout état de cause que ce droit à garantie est atteint par le prescription et à titre subsidiaire et au fond au rejet de toutes demandes qui pourraient éventuellement être avancées parce que sans aucun fondement ; que toutefois devant les juridictions italiennes BOURJOIS n'a engagé quant au fond aucune action en responsabilité et n'a formé aucune demande de condamnation à l'encontre de GOMMATEX ; que BOURJOIS a assigné les sociétés CRESPI et GOMMATEX aux fins qu'il soit jugé qu'elles sont responsables des dommages subis par BOURJOIS du fait des vices rédhibitoires présentés par les doublures fournies par CRESPI et GOMMATEX pour la fabrication de sacs et en vue d'obtenir leur condamnation à réparer son préjudice dans la proportion d'1/7 pour CRESPI et de 6/7 pour GOMMATEX et se voir allouer par provision une somme de 50.000.000 F ; que la question de la responsabilité de CRESPI est indépendante de la garantie contractuelle dont serait redevable GOMMATEX en vertu de l'article 1495 du code civil italien dès lors que CRESPI a été le fabricant des doublures incriminées de 1984 à 1986 et que GOMMATEX lui a succédé à partir de 1987 ; qu'au demeurant dans ses écritures au fond devant le tribunal, BOURJOIS, sur la base du rapport d'expertise, sollicite deux condamnations distinctes ; que par voie de conséquence, il n'existe pas de lien de connexité entre l'action introduite devant les juridictions italiennes et celle introduite par BOURJOIS à l'encontre de CRESPI devant le tribunal de commerce de Nanterre ;
ALORS QUE la société CRESPI faisait valoir devant la Cour d'appel que l'instance formée par la société BOURJOIS contre elle devant le juge français présentait un lien étroit de connexité avec l'instance pendante devant le Tribunal civil de Prato, dès lors que la société GOMMATEX lui avait succédé pour la livraison des produits litigieux et que la société BOURJOIS ne contestait pas avoir fourni à la société GOMMATEX des échantillons des produits de la société CRESPI en lui demandant de réaliser les mêmes produits, ce qui rendait centrale la question de la qualité des produits établissant de ce fait un lien évident entre ce qui pourrait être décidé par le juge italien sur la qualité des produits fournis par la société GOMMATEX et l'appréciation de la qualité des produits fournis par la société CRESPI ; que le Tribunal avait relevé à cet égard que la société GOMMATEX soutenait que la raison essentielle des désordres rencontrés était due au choix des matériaux utilisés à l'origine ; que les deux instances étaient donc susceptibles de mettre en cause la même question au fond, celle de la cause et de l'imputabilité des désordres ; que, par ailleurs, la société CRESPI faisait valoir devant la Cour d'appel qu'il existait un débat non tranché sur les quantités de marchandises livrées par chacun des deux fournisseurs, leur utilisation par la société BOURJOIS et le nombre respectif de sacs retournés ou détruits imputable à l'un ou l'autre des fournisseurs, et que, chacun des deux fournisseurs qui se s'étaient succédés dans le temps n'étant éventuellement responsable que pour ses livraisons, il était essentiel que soit statué par un seul et même jugement sur la responsabilité de chaque fournisseur ; qu'à cet égard, le Tribunal avait retenu qu'un partage de responsabilité entre les sociétés CRESPI et GOMMATEX était recherché par la société BOURJOIS et que, selon les conclusions de l'expert, ce partage de responsabilité serait fonction du volume et de la nature des matériaux livrés par chacun des fournisseurs, que ces matériaux s'étaient dégradés dans des conditions plus ou moins similaires et avaient ensemble concouru au même dommage ; qu'ainsi, la question du partage de responsabilité entre les deux fournisseurs n'était pas tranchée, puisque seul un juge, et non un expert, pouvait en décider ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans expliquer, comme elle y était invitée, en quoi la question de la cause et de l'imputabilité des désordres et, le cas échéant, la question de la part respective de responsabilité de chaque fournisseur dans les retours de sacs, questions toujours pendantes et que le juge saisi devrait trancher, ne risquaient pas d'aboutir à des solutions inconciliables si les causes étaient jugées séparément, alors même qu'elle relevait que la société BOURJOIS avait assigné les sociétés CRESPI et GOMMATEX aux fins qu'elles soient jugées responsables des dommages qu'elle avait subis du fait des vices présentés par les doublures fournies par ces sociétés pour la fabrication de ses sacs et condamnées à réparer son préjudice dans la proportion d'1/7 pour la société CRESPI et de 6/7 pour la société GOMMATEX, et que la demande introduite par la société GOMMATEX devant le juge italien tendait aussi à repousser subsidiairement et au fond toutes les demandes qui pouvant être avancées par la société BOURJOIS parce que sans fondement, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 22 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.