LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, le 13 juillet 1973, Marie-Jeanne X... a fait donation à son époux, Albert Y..., de l'une des trois quotités disponibles prévues par l'article 1094-1 du code civil, au choix de celui-ci ; que Marie-Jeanne X... est décédée le 30 octobre 1997, en laissant son époux et leurs quatre enfants et en l'état d'un testament olographe du 26 mai 1987, confirmant la libéralité consentie à son conjoint et léguant à sa petite-fille, Mlle Z..., la quotité disponible ; que, par acte notarié du 15 avril 1998, Albert Y... a opté pour la totalité en usufruit des biens composant la succession de la défunte et que, par acte authentique du même jour, portant interprétation du testament et énonçant que la donation entre époux avait vocation à s'appliquer sur la réserve, puis sur la quotité disponible, Mlle Z... a reconnu que cet acte lui léguait uniquement une quote-part en nue-propriété ; qu'après le décès d'Albert Y..., Mme Ginette Y..., épouse B..., a assigné ses frère et soeurs, ainsi que sa fille, Mlle Z..., en liquidation et partage de la communauté et des successions des époux X...- Y... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé, après avertissement donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que Mme Y..., épouse
B...
, fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 23 octobre 2008) de l'avoir déboutée de sa demande de nullité de l'acte interprétatif du 15 avril 1998 du testament de Marie-Jeanne Y... du 26 mai 1987, et d'avoir dit que le legs consenti par cette dernière à Mlle Marie-Christine Z... le 26 mai 1987 doit produire son plein effet ;
Attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement retenu qu'un époux peut disposer en faveur de son conjoint de l'usufruit de la totalité des biens composant sa succession, par application de l'article 1094-1 du code civil, et que cette libéralité, en ce qu'elle n'affecte pas la nue-propriété des biens, lui laisse la faculté de disposer au profit d'un tiers de la nue propriété de la quotité disponible, fixée par l'article 913 du code civil ; qu'après avoir rappelé que, dans son testament, Marie-Jeanne X... avait confirmé la donation consentie à son époux de l'une des trois quotités disponibles prévues par l'article 1094-1 du code civil et légué à sa petite fille la quotité disponible, la cour d'appel a constaté qu'Albert Y... avait opté pour l'usufruit de la totalité des biens composant la succession de son épouse ; que, dès lors, l'acte du 15 avril 1998 par lequel la légataire avait reconnu que son legs portait sur une quote-part en nue-propriété, qui avait pour seul effet de réduire une libéralité excessive, n'était pas de nature à porter atteinte aux droits des enfants de la testatrice ; que la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante ;
Attendu, ensuite, que Mme Y..., tenue de ce legs ainsi réduit, n'est pas recevable à se prévaloir de la volonté de la testatrice de révoquer, pour partie, la donation consentie à son époux en excluant l'usufruit de celui-ci sur la quotité disponible ordinaire pour consentir à sa petite-fille un legs portant, non sur une quote-part en nue-propriété, mais sur la propriété de la quotité disponible, la légataire ayant seule qualité et intérêt à l'invoquer ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme Y..., épouse
B...
, fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer respectivement à Mmes Brigitte et Françoise Y... la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu, d'une part, que le premier moyen n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi, la première branche du moyen, qui invoque la cassation par voie de conséquence, est sans objet ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir justement retenu que l'intention frauduleuse ne pouvait être déduite de la seule omission de déclarer des dons reçus des défunts, la cour d'appel, qui a relevé qu'en première instance, puis en instance d'appel, Mme Y... invoquait l'existence d'un recel successoral dont ses deux soeurs se seraient rendues coupables, sans apporter la moindre preuve de leur intention frauduleuse de porter atteinte à l'égalité du partage, a pu décider qu'elle avait commis un abus de droit ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Ginette Y..., épouse B..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par Mme Ginette Y..., épouse B... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux conseils pour Mme Ginette Y..., épouse B...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Ginette Y... de ses demandes tendant à ce qu'il soit fait application des peines du recel successoral à Mesdames Brigitte et Françoise Y... ;
AUX MOTIFS QUE l'article 792 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, dispose que les héritiers qui auraient diverti ou recelé des effets d'une succession sont déchus de la faculté d'y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés. Ces dispositions ne s'appliquent qu'à la dissimulation d'effets de la succession et non à l'omission d'un héritier, fut-elle frauduleuse. Elles visent toutes les fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage soit qu'il divertisse des effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu'il les recèle en dissimulant sa possession. Il ne suffit pas qu'une libéralité soit déguisée ou indirecte pour qu'il existe un recel. Il appartient à celui qui allègue l'existence d'une dissimulation d'effets d'une succession pour rompre l'égalité du partage d'en rapporter la preuve. En omettant de révéler à leur soeur Ginette Y... épouse B... qu'elles avaient reçu des dons manuels de leurs parents qu'elles considéraient comme des cadeaux dont elles n'avaient pas à rendre compte, Françoise Y... et Brigitte Y... n'ont commis aucun fait positif de recel et n'ont pas voulu porter atteinte à l'égalité dans le partage. L'intention frauduleuse n'est nullement démontrée par Ginette Y... épouse B... qui ne peut la déduire de la seule omission de ses deux soeurs ;
ALORS QUE l'article 792 du Code civil prévoyant la sanction du recel successoral, s'applique à l'omission intentionnelle d'un héritier ; qu'en jugeant que ces dispositions légales « ne s'appliquent qu'à la dissimulation d'effets de la succession et non à l'omission d'un héritier, fut-elle frauduleuse » pour écarter la demande de Madame Ginette Y... tendant à ce qu'il soit fait application des peines du recel successoral à ses deux soeurs Françoise et Brigitte Y..., la Cour d'appel a violé ce texte, pris dans sa rédaction, applicable en la cause, antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Ginette Y... de sa demande de nullité de l'acte interprétatif du 10 avril 1998 du testament de Marie-Jeanne Y... du 26 mai 1987 et d'avoir dit que le legs consenti par cette dernière à Mademoiselle Marie-Christine Z... le 26 mai 1987 doit produire son plein effet ;
AUX MOTIFS QUE par testament olographe du 26 mai 1987, Marie-Jeanne X... a confirmé la donation faite à son conjoint et a légué à sa petite-fille Marie-Christine Z... la quotité disponible soit un quart de la part de Ginette Y... épouse B... et 2 / 48 ème à prélever sur la part de chacun de ses enfants. Aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe n'est pas valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; il n'est en revanche assujetti à aucune autre forme. Ces formalités doivent être observées à peine de nullité en application de l'article 1001 du même code. Le testament du 26 mai 1987 a été écrit, daté et signé par Marie-Jeanne X.... Il est donc régulier en la forme. Le tribunal a exactement relevé que l'absence d'enregistrement du testament malgré les prescriptions de l'article 636 du code général des impôts, dans le délai de trois mois à compter du décès du testateur, n'est pas de nature à en affecter la validité. Contrairement aux affirmations de Ginette Y... épouse B..., le legs consenti par Marie-Jeanne X... n'excède pas la quotité disponible, soit en l'espèce un quart des biens du disposant, puisqu'il porte sur 11 / 48ème alors que la quotité disponible est de 12 / 48ème. En tout état de cause, l'atteinte portée à la réserve n'entraînerait pas la nullité du testament mais seulement la réduction de la libéralité excessive. C'est vainement que Ginette Y... épouse B... fait longuement grief au notaire d'avoir manqué à ses obligations lors de la rédaction de l'acte du 15 avril 1998 et d'avoir ainsi par son comportement dolosif commis une faute lui causant un préjudice dans la mesure où celui-ci n'a pas été mis en cause dans le présent litige. Il n'est d'ailleurs présenté aucune demande à son encontre. Par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, le tribunal a rejeté les demandes de Ginette Y... épouse B... au titre de la nullité du testament et des actes subséquents, après avoir rappelé au visa des dispositions de l'article 1094-1 du code civil qu'un époux peut disposer au profit de son conjoint de l'usufruit de la totalité des biens composant sa succession tout en disposant au profit d'un tiers de la nue-propriété de la quotité disponible ordinaire fixée en présence de trois enfants ou plus au quart des biens selon l'article 913 du code civil ; il a relevé que conformément à la donation du 13 juillet 1973, Albert Y... a, par acte du 15 avril 1998, exercé, par délégation de la donatrice au profit du gratifié, son droit unilatéral et personnel d'option sur la totalité en usufruit des biens de la succession de son épouse, que chacun des gratifiés ne pouvant recevoir au-delà de la quotité qui lui est propre, sachant que le total des libéralités ne peut excéder le disponible ordinaire majoré du disponible spécial, Marie-Jeanne X... pouvait disposer au profit de Marie-Christine Z... concurrence de la quotité disponible soit un quart des biens, que dès lors qu'Albert Y... avait opté pour l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession de son épouse, le legs consenti à la petitefille ne pouvait s'exercer, de son vivant, qu'en nue-propriété, ce que l'acte du 15 avril 1998 n'a fait que constater. Le jugement sera confirmé de ce chef ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le disposant ne peut disposer cumulativement de la totalité de la quotité disponible spéciale entre époux prévue par l'article 1094-1 du Code civil et de l'ensemble de la quotité disponible ordinaire de l'article 913 du même Code ; qu'en l'espèce, Madame Ginette Y... soutenait, qu'en application de cette règle, le legs de la « quotité disponible » consenti par la testatrice à sa petite fille aurait dû réduire d'autant les droits transmis au conjoint survivant, légataire de l'usufruit de la totalité des biens de la succession de son épouse décédée ; qu'en se bornant à énoncer, pour faire droit à la demande de délivrance de legs de Mademoiselle Marie-Christine Z..., que ce legs n'avait pu s'exercer, du vivant de l'époux survivant que sur la nue-propriété de la quotité disponible ordinaire, sans rechercher si la volonté du testateur n'était pas de léguer à sa petite-fille la propriété de la quotité disponible ordinaire, auquel cas ce legs devait réduire d'autant l'assiette de l'usufruit légué au conjoint survivant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 913 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE Madame Ginette Y... reprochait au notaire d'avoir interprété le testament de sa mère en établissant le 15 avril 1998, un acte contenant une déclaration de la petite-fille de la défunte, suivant laquelle celle-ci reconnaissait que le legs de la quotité disponible qui lui avait été consenti ne portait que sur une quote-part de la nue-propriété, afin de donner sa pleine efficacité à l'option exercée le même jour par le conjoint survivant portant sur l'intégralité des biens composant la succession de son épouse décédée, ce qu'il ne pouvait faire qu'avec l'accord de l'ensemble des héritiers légaux, dûment convoqués, cette interprétation étant de nature à porter atteinte à leurs droits réservataires ; qu'en refusant de prononcer la nullité de cet acte interprétatif du 15 avril 1998, au motif que le notaire n'avait pas été attrait dans la cause et que cet acte n'a fait que « constater » le fait que le legs consenti à la petitefille ne pouvait s'exercer du vivant de l'époux que sur la nue-propriété, sans rechercher si cet acte ne procédait pas à une interprétation des dispositions ambiguës du testament de nature à porter atteinte aux droits des enfants de la testatrice, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 913 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Ginette Y... à payer respectivement à Mesdames Brigitte et Françoise Y... la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'en invoquant, devant le tribunal puis devant la cour, l'existence d'un recel successoral dont se seraient rendues coupables ses deux soeurs sans toutefois apporter le moindre élément de preuve de leur intention frauduleuse de porter atteinte à l'égalité des héritiers dans le partage, laquelle ne pouvait se déduire de la simple omission de déclarer les dons reçus de leurs parents, Ginette Y... démontre son intention de nuire aux intimées laquelle caractérise un abus de droit fautif. Le préjudice moral ainsi causé sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 2000 euros à chacune d'elles ;
1) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation critiquant le rejet des demandes d'application des peines de recel successoral devra, par voie de conséquence, entraîner la censure de la condamnation à dommages et intérêts fondée sur le caractère prétendument abusif de l'invocation du recel successoral ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en déduisant l'existence d'une intention de nuire du seul fait que l'exposante avait réclamé l'application des peines du recel successoral à ses soeurs, sans être en mesure de prouver leur intention frauduleuse, après avoir cependant constaté que celles-ci avaient effectivement omis de déclarer des dons manuels dont elles avaient bénéficié, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un abus de droit, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.