LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 15 octobre 2008), que le 21 août 2001, Dominique X... a été tué de plusieurs coups de feu ; que ses ayants droit (les consorts X...) ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions de Bastia (la CIVI) en réparation de leurs préjudices ;
Attendu que le Fonds d'indemnisation des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le Fonds) fait grief à l'arrêt d'allouer diverses indemnités aux consorts X..., alors, selon le moyen :
1° / que commet une faute la victime qui se place délibérément dans une situation délictueuse présentant pour elle des risques dont elle ne peut ignorer l'existence et dont le dommage qu'elle a subi apparaît comme la simple réalisation ; qu'après avoir constaté que Dominique X..., qui appartenait probablement au groupe clandestin « Armata Corsa » et était en relation avec des personnes proches du grand banditisme insulaire, a été victime d'un guet-apens peu de temps après son retour en Corse, qu'il avait quitté quelques temps auparavant, se sachant menacé par des membres du grand banditisme insulaire qui lui imputait l'assassinat d'un de leurs membres, ce dont il résultait que son assassinat était la conséquence de ses activités clandestines dont il ne pouvait ignorer qu'elle présentait des risques dont son assassinat n'est que la réalisation, la cour d'appel, qui a néanmoins écarté la faute de Dominique X..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
2° / que commet une faute la victime qui se place délibérément dans une situation délictueuse présentant pour elle un risque dont elle ne peut ignorer l'existence et dont le dommage qu'elle a subi apparaît comme la simple réalisation ; qu'en écartant toute faute de Dominique X..., cependant qu'elle a relevé, d'une part, que se sachant menacé par des membres du grand banditisme, celui-ci avait d'abord quitté la Corse pour revenir quelques jours plus tard après avoir obtenu des garanties de personnes proches du groupe qui le recherchait, d'autre part, qu'il avait été assassiné immédiatement après son retour en Corse, ce dont il résultait qu'en cherchant à régler lui-même avec des personnes proches du grand banditisme le contentieux qu'il avait avec celles-ci, Dominique X... s'est délibérément placé dans une situation délictueuse présentant pour lui des risques qu'il ne pouvait ignorer et dont son assassinat apparaît comme la simple réalisation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
3° / que, quand bien même l'appartenance de Dominique X... au groupe armé clandestin « Armata Corsa » serait-elle simplement « supposée », en ne recherchant pas si cette appartenance et la participation habituelle de la victime aux activités délictueuses de cette organisation clandestine, d'ailleurs non contestée par les consorts X..., n'était pas établie par les pièces de la procédures ainsi que le faisait pourtant valoir le Fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'information, notamment des témoignages de membres de sa famille, a permis d'établir que Dominique X... se savait recherché par des personnes proches du grand banditisme insulaire qui lui imputaient l'assassinat d'un des leurs, ce qui avait justifié son départ précipité sur le continent et son retour en Corse, sur la base d'assurances données par des intermédiaires ; que c'est manifestement peu de temps après son retour que Dominique X... a fait l'objet d'un guet-apens ; que l'acquittement des personnes mises en cause ne permet pas nécessairement d'invalider les éléments recueillis dans ce cadre ; que toutefois, en l'absence d'éléments objectifs supplémentaires, la faute de la victime à l'origine de son assassinat ne saurait être présumée à partir de son appartenance supposée à un groupe clandestin, de sa mise en cause non étayée dans l'assassinat d'une personne proche du milieu du grand banditisme et de prises de contacts avec des proches de ce milieu ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits devant elle, la cour d'appel a pu déduire que Dominique X... n'avait pas commis de faute ayant concouru à son décès susceptible d'exclure le droit à indemnisation de ses ayant droits ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de Me Blanc ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis à la charge du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions le paiement à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, à Mme Micheline X... et Mlle Laurina X..., chacune la somme de 18. 000 euros, à M. Gilbert X... et Mme Z..., chacun la somme de 14. 000 euros, à Mmes Corinne X..., épouse Y... et Régine X..., épouse A..., chacune la somme de 7 000 euros ;
Aux motifs que « aux termes du dernier alinéa de l'article 706-3 du Code de procédure pénale la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ; qu'il appartient au Fonds de garantie de démontrer cette faute qui doit avoir concouru à la réalisation du dommage ; qu'en l'espèce, l'information a permis d'établir, ainsi que cela résulte des propres témoignages des membres de sa famille, que Dominique X... se savait recherché par des personnes proches du grand banditisme insulaire qui lui imputaient l'assassinat d'un de leurs membres ce qui avait justifié son départ précipité sur le continent et son retour en Corse, sur la base d'assurances donnés par des intermédiaires ; que c'est manifestement peu de temps après son retour que M. X... a fait l'objet d'un guet-apens ; que l'acquittement des personnes mises en cause ne permet pas nécessairement d'invalider les éléments recueillis dans ce cadre ; que toutefois, en l'absence d'éléments objectifs supplémentaires, la faute de la victime à l'origine de son assassinat ne saurait être présumée à partir de son appartenance supposée au groupe clandestin « Armata Corsa », de sa mise en cause non étayée dans l'assassinat d'une personne proche du milieu du grand banditisme et de prises de contacts avec des proches de ce milieu … ; qu'en conséquence, la preuve de la faute imputable à Dominique X... et de nature à exclure ou réduire le droit à indemnisation de sa ayants-droit n'est pas établie » ;
Alors, d'une part, que commet une faute la victime qui se place délibérément dans une situation délictueuse présentant pour elle des risques dont elle ne peut ignorer l'existence et dont le dommage qu'elle a subi apparaît comme la simple réalisation ; qu'après avoir constaté que Dominique X..., qui appartenait probablement au groupe clandestin « Armata Corsa » et était en relation avec des personnes proches du grand banditisme insulaire, a été victime d'un guet-apens peu de temps après son retour en Corse, qu'il avait quitté quelques temps auparavant, se sachant menacé par des membres du grand banditisme insulaire qui lui imputait l'assassinat d'un de leurs membres, ce dont il résultait que son assassinat était la conséquence de ses activités clandestines dont il ne pouvait ignorer qu'elle présentait des risques dont son assassinat n'est que la réalisation, la cour d'appel, qui a néanmoins écarté la faute de Dominique X..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
Alors, d'autre part, que commet une faute la victime qui se place délibérément dans une situation délictueuse présentant pour elle un risque dont elle ne peut ignorer l'existence et dont le dommage qu'elle a subi apparaît comme la simple réalisation ; qu'en écartant toute faute de Dominique X..., cependant qu'elle a relevé, d'une part, que se sachant menacé par des membres du grand banditisme, celui-ci avait d'abord quitté la Corse pour revenir quelques jours plus tard après avoir obtenu des garanties de personnes proches du groupe qui le recherchait et, d'autre part, qu'il avait été assassiné immédiatement après son retour en Corse, ce dont il résultait qu'en cherchant à régler lui-même avec des personnes proches du grand banditisme le contentieux qu'il avait avec celles-ci, Dominique X... s'est délibérément placée dans une situation délictueuse présentant pour lui des risques qu'il ne pouvait ignorer et dont son assassinat apparaît comme la simple réalisation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
Alors, en tout état de cause, que quand bien même l'appartenance de Dominique X... au groupe armé clandestin « Armata Corsa » serait-elle simplement « supposée », en ne recherchant pas si cette appartenance et la participation habituelle de la victime aux activités délictueuses de cette organisation clandestine, d'ailleurs non contestée par les consorts X..., n'était pas établie par les pièces de la procédures ainsi que le faisait pourtant valoir le Fonds de garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale.