LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen ;
Vu l'article 21 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;
Attendu que Mme Renate X..., de nationalité allemande et M. Michel Y..., de nationalité française, mariés en 1984, ont eu un fils Florian né en 1985 ; que les époux se sont séparés en 1988, Mme X... étant rentrée avec son fils, en Allemagne, où elle a introduit une instance en contribution du père à l'entretien de l'enfant ; que par jugement par défaut du 18 octobre 1989, M. Y... a été condamné à verser une pension, réévaluée en 1993 et 2004 ; que parallèlement, M. Y... ayant assigné son épouse en divorce en France, le divorce a été prononcé aux torts partagés par jugement définitif du 7 mars 1991 ; que saisi sur requête aux fins d'exequatur déposée par M. Florian Y..., au visa du titre III de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, le président du tribunal de grande instance des Sables-d'Olonne, a déclaré exécutoire en France quatre jugements rendus par le tribunal d'instance de Düren (Allemagne) relatifs à la pension alimentaire due par M. Michel Y... ;
Attendu que pour infirmer l'ordonnance et accueillir l'exception de litispendance invoquée par M. Michel Y... en application de l'article 5 de la Convention de La Haye de 1973, du fait de la procédure de divorce intentée en France, l'arrêt énonce que la procédure initiée en France, et tendant notamment à la fixation d'une pension alimentaire est antérieure à celle ayant abouti au jugement du tribunal de Düren du 18 octobre 1989 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que chacun des litiges ayant été définitivement tranché avant le dépôt de la requête aux fins d'exequatur, il ne pouvait y avoir lieu à litispendance, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne M. Michel Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Ortscheidt ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. Florian Y... de sa demande d'exequatur du jugement par défaut du 8 octobre 1989, des jugements par défaut et modificatif des 14 décembre 1993, 28 septembre 2004 et de l'ordonnance de fixation de frais du 2 décembre 2004, rendus par le tribunal d'instance de Düren (Allemagne) ;
AUX MOTIFS QUE si, au sens du droit procédural interne français, M. Florian Y... n'était pas partie à l'instance en divorce opposant ses parents, il n'en demeure pas moins que le premier acte de cette procédure, laquelle implique nécessairement la fixation d'une pension alimentaire pour l'enfant mineur, soit la requête initiale en divorce déposée le 26 juin 1989 par M. Michel Y..., est antérieur à l'assignation en paiement d'une pension alimentaire, régulièrement signifiée en Allemagne le 27 septembre 1989 à l'avocat allemand de M. Michel Y... par M. Florian Y..., alors représenté par sa mère, Mme Z... ; qu'ainsi la procédure initiée en France, et tendant notamment à la fixation d'une pension alimentaire, est antérieure à la procédure initiée, en Allemagne à cette fin et ayant abouti au jugement par rendu par défaut par le tribunal de Düren, le 18 octobre 1989 ; qu'il est indifférent que la procédure introduite en France ait eu principalement pour objet le divorce des époux Y..., dès lors qu'elle tendait également et nécessairement, ne serait ce qu'à titre accessoire à la fixation d'une pension alimentaire pour l'enfant mineur issu du mariage ; que 1'exception de litispendance invoquée par M. Michel Y... est donc fondée, en application, des dispositions de l'article de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions relatives aux pensions alimentaires, si bien que la demande d'exequatur du jugement rendu par défaut le 18 octobre 1989 par le tribunal d'instance de Düren sera rejetée ; que le jugement modificatif et par défaut rendu le 13 décembre 1993 a été prononcé alors que la procédure de divorce introduite en France était toujours pendante ; que comme le jugement précité du 13 décembre 1993, le jugement modificatif du 28 septembre 2004, ainsi que l'ordonnance de fixation de frais du 2 décembre 2004 trouvent leur cause dans le premier jugement allemand du 19 octobre 1989 si bien que pour les mêmes raisons, ils doivent être privés d'efficacité en France.
1°) ALORS QUE la requête initiale en divorce, fondée sur l'article 242 du code civil, a pour seul objet, sous réserve s'il y a lieu, de la prescription des mesures d'urgence prévues à l'article 257 du même code, de convoquer l'époux défendeur à l'audience de tentative de conciliation ; qu'en considérant bien fondée l'exception de litispendance soutenue par M. Michel Y..., tirée de l'antériorité de la requête initiale en divorce introduite le 26 juin 1989 devant un tribunal français par rapport à l'assignation en paiement d'une pension alimentaire, introduite en Allemagne par Mme Y..., agissant au nom de son fils, M. Florian Y... le 27 septembre 1989, la cour d'appel a violé les articles 5 de la convention de La Haye du 2 octobre 1973 et 100 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'il y a litispendance européenne lorsque deux tribunaux également compétents sont saisis de deux demandes formées entre les mêmes parties, ayant la même cause et le même objet ; qu'en décidant que l'instance en divorce introduite en France par M. Michel Y... contre Mme X..., par requête initiale du 26 juin 2006, en ce qu'elle impliquait nécessairement la fixation d'une pension alimentaire au profit de M. Florian Y..., enfant mineur du couple, qui était antérieure à l'assignation en paiement d'une pension alimentaire régulièrement signifiée en Allemagne le 27 septembre 1989 à l'avocat de allemand de M. Michel Y... par M. Florian Y..., alors représenté par sa mère, justifiait l'exception de litispendance européenne soutenue par M. Michel Y..., la cour d'appel qui a ainsi déduit de la prétendue identité de parties dans les instances successivement engagées de la prétendue identité d'objet entre les actions, a violé les articles 5 de la convention de La Haye du 2 octobre 1973 et 100 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. Florian Y... de sa demande d'exequatur du jugement par défaut du 8 octobre 1989, des jugements par défaut et modificatif des 14 décembre 1993, 28 septembre 2004 et de l'ordonnance de fixation de frais du 2 décembre 2004, rendus par le tribunal d'instance de Düren (Allemagne) ;
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne le jugement par défaut du 18 octobre 1989, l'assignation n'a été reçue par l'avocat allemand de M. Michel Y... que 1e 27 septembre 1989, soit 21 jours avant la date à laquelle le jugement a été prononcé ; que s'agissant du jugement du 14 décembre 1993, les assignations des 31 août et 26 octobre 1992 n'ont été signifiées à M. Y... par la voie diplomatique que le 16 novembre 1993, soit moins d'un mois avant le prononcé du jugement ; qu'il en est de même du jugement du 28 septembre 2004, les assignations des 21 novembre 2003 n'ayant été signifiées à M. Y... que le 7 septembre 2004, soit vingt et un jours avant le prononcé du jugement ; que pour ces trois décisions, et contrairement au certificat de coutume versé aux débats, M. Y... n'a pas disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense ; qu'il n'a donc pas été satisfait aux prescriptions de l'article 6 de la convention de La Haye, si bien que pour ce motif également, M. Florian Y... sera débouté de ses demandes aux fins d'exequatur ;
ALORS QUE le juge est tenu de caractériser les circonstances particulières d'où il résulte que le défendeur jugé par défaut n'a pas disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense ; qu'en l'espèce, en considérant que pour les trois instances visant à l'obtention d'une pension alimentaire puis à sa modification ayant opposé en Allemagne M. Florian Y..., demandeur, à M. Michel Y..., son père, ce dernier n'avait pas bénéficié d'un délai suffisant pour préparer sa défense, sans préciser si les assignations avaient été délivrées à personne et, le cas échéant, les circonstances particulières qui auraient empêché M. Michel Y... de défendre à ces actions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la convention de La Haye du 2 octobre 1973.