LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Axa France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est formé contre la société Générali IARD, la SMABTP, la Mutuelle des architectes français, la SCPA Aurige Guyot, M. Jacques X..., M. Richard Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire de M. Jacques X... (entreprise Bati-Nord), M. Michel Z..., ès qualités de liquidateur de M. Jacques X... (entreprise Bati-Nord), le GFA Caraïbes, la SAS Bureau Véritas et la société Bet Tournier ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 septembre 2008) rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 17 novembre 2004, pourvoi n° 02-19.030), que la société civile immobilière Farid Moussa (la SCI) a, pour la construction d'un immeuble, souscrit une police d'assurances dommages-ouvrage auprès de la société Présence assurances, aux droits de laquelle se trouve la société Axa France ; que l'entrepreneur chargé du gros-oeuvre ayant abandonné le chantier, une expertise a été ordonnée ; qu'après dépôt du rapport, la SCI a assigné les locateurs d'ouvrage et l'assureur dommages-ouvrage en indemnisation de ses préjudices matériel et immatériel ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Axa à payer à la SCI la somme de 76 224, 51 euros au titre du préjudice immatériel, l'arrêt retient qu'à la date de la réception judiciaire fixée au 5 mai 1992, la SCI subissait un préjudice pécuniaire résultant de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de tirer profit de la location de l'immeuble, pourtant construit à cette fin et qu'elle était bien fondée à soutenir que les conditions contractuelles étaient remplies et qu'elle subissait un préjudice pécuniaire résultant de la privation d'un droit ou de la perte d'un bénéfice résultant directement d'un dommage survenu après réception ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les malfaçons elles-mêmes n'étaient pas survenues antérieurement à la réception, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Axa à payer à la SCI la somme de 76 224, 51 euros au titre de son préjudice immatériel, l'arrêt rendu le 26 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne, ensemble, la SCI, M. A..., ès qualités et M. Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux conseils pour la société Axa France IARD, venant aux droits de la société Présence assurances
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de FORT-DE-FRANCE le 30 mai 1995 en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la SCI FARID MOUSSA au titre de son préjudice immatériel, d'AVOIR dit la société AXA ASSURANCES tenue de garantir les dommages immatériels subis par la SCI FARID MOUSSA ensuite des désordres ayant affecté l'"opération de construction" décrite dans les conditions particulières de la police d'assurance "dommages-ouvrage" signée entre les parties le 21 mars 1990, dans les limites contractuelles de cette garantie et d'AVOIR condamné la société AXA ASSURANCES à payer à ce titre la somme de 76.224,51 euros à la SCI FARID MOUSSA.
AUX MOTIFS QUE "les conventions librement formées font la loi des parties ; elles s'exécutent de bonne foi" (article. 1134 du Code civil).
Les "conditions générales" de la "police dommages-ouvrage"
applicables aux conditions particulières souscrites par la SCI MOUSSA le 21 mars 1990 définissent les "dommages immatériels" de la manière suivante : "tout préjudice pécuniaire résultant de la privation d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par un immeuble ou de la perte de bénéfice, à l'exclusion de tout préjudice dérivant d'un accident corporel".
L'article 4 des mêmes "conditions générales" a trait à la "garantie facultative des dommages immatériels après réception" et dispose que "le présent contrat garantit les dommages immatériels subis par le ou les propriétaires de la construction et/ou le ou les occupants, résultant directement d'un dommage survenu après réception et garanti en vertu des articles 2 et 3".
Enfin l'article 5.32 des "conditions particulières" stipule que le plafond de cette garantie facultative est de 500.000 F (76.224,51 euros).
AXA ASSURANCES estime que sa garantie n'est pas due à ce titre puisque les désordres étaient réalisés lors de l'abandon du chantier en 1989, soit bien antérieurement à la réception judiciaire définitivement arrêtée à la date du 5 mai 1992.
Il n'est pas sérieusement contestable et résulte des constatations de l'expert qu'à cette dernière date, la SCI FARID MOUSSA n'avait pu achever les travaux et qu'en conséquence elle subissait un préjudice pécuniaire résultant de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de tirer profit de la location de l'immeuble, pourtant construit à cette fin.
Cela est si vrai que ce n'est que le 9 juillet 1992, soit postérieurement à la réception judiciaire, que le juge de la mise en état l'autorisait à faire effectuer les travaux d'achèvement et de reprise des malfaçons.
La SCI est donc bien fondée à soutenir que les conditions contractuelles sont remplies et qu'elle subit un "préjudice pécuniaire résultant de la privation d'un droit ou de la perte d'un bénéfice" résultant "directement d'un dommage survenu après réception et garanti en vertu des articles 2 et 3".
Bien que le préjudice subi à ce titre soit nettement supérieur, la SCI FARID MOUSSA limite le montant de sa demande à la somme de 76.224,51 euros, de telle sorte que les parties sont d'accord sur la limitation de la garantie contractuelle due pour ce chef de préjudice.
1°/ ALORS QUE la police d'assurance contractée par la SCI FARID MOUSSA auprès de la société AXA stipulait que « le présent contrat garantit les dommages immatériels subis par le ou les propriétaires de la construction et/ou le ou les occupants, résultant directement d'un dommage survenu après réception et garanti en vertu des articles 2 et 3 » ; que, pour être couverts, les dommages immatériels doivent être consécutifs à un dommage matériel qui doit lui-même être postérieur à la réception ; que pour retenir la garantie de la société AXA pour les préjudices immatériels, la Cour d'appel s'est bornée à constater que la SCI FARID MOUSSA subissait au jour de la réception des travaux un préjudice immatériel résultant de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de louer son bien ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la réception des travaux avait été judiciairement fixée au 5 mai 1992, date du dépôt du rapport de l'expert B... qui constatait l'inachèvement de l'ouvrage et les malfaçons ainsi que le préjudice immatériel en résultant pour la SCI FARID MOUSSA, ce dont il résultait que ces dommages étaient déjà tous réalisés lors de la réception, et que la garantie, couvrant uniquement les dommages immatériels résultant de dommages survenus après la réception, n'était donc pas due, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du Code civil.
2°/ ALORS QU 'en tout état de cause, la Cour d'appel, qui se détermine par la considération inopérante que la SCI FARID MOUSSA justifiait de l'existence d'un préjudice immatériel consécutif aux nonfaçons et malfaçons, et qui s'abstient de rechercher si celles-ci n'étaient pas survenues antérieurement à la réception, ce qui suffisait à exclure la garantie d'AXA, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.
3°/ ET ALORS QU' en retenant la garantie de la société AXA pour le préjudice immatériel subi par la SCI FARID MOUSSA aux motifs que ce n'est que le 9 juillet 1992, soit postérieurement à la réception judiciaire, que le juge de la mise en état l'a autorisée à faire réaliser les travaux d'achèvement et de reprise des malfaçons, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé l'article 1134 du Code civil.