LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Constate la déchéance du pourvoi principal en tant que dirigé contre Mme X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 mars 2009), que les époux Y..., maîtres de l'ouvrage, ont, par contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan du 23 novembre 1998 et avenant du 17 septembre 1999 prévoyant notamment le remplacement de l'escalier en bois d'accès à l'étage par un escalier en béton, chargé la société Maisons Serge Olivier de la construction d'une maison ; que le contrat stipulait une durée totale d'exécution des travaux de sept mois à compter de l'ouverture du chantier intervenue le 30 novembre 1999 ; que la société Compagnie européenne de garanties immobilières, devenue la société Européenne de garanties et cautions (société CEGC), a accordé le 7 décembre 1999 une garantie de livraison aux prix et délais convenus dans les termes de l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation ; que des différends s'étant élevés entre les parties, dont la société garante avait été informée, sur le retard pris par la réalisation du chantier et sur l'existence de malfaçons consécutives notamment à la mise en place de l'escalier en béton, M. Y... a, après expertise, assigné la société Serge Maisons Olivier en résiliation à ses torts du contrat de construction et la société garante, demandant la condamnation de ces sociétés au paiement de diverses sommes pour réparation des désordres, achèvement des travaux, pénalités de retard et indemnisation de ses préjudices ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour prononcer aux torts exclusifs de la société Maisons Serge Olivier la résiliation du contrat de construction, l'arrêt retient que seule celle-ci ayant eu l'obligation de veiller à la permanence de la régularité du contrat après les modifications décidées, son refus de procéder à l'achèvement, après le dépôt du rapport d'expertise, était fautif ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Maisons Serge Olivier faisant valoir avoir, après le dépôt du rapport de l'expert le 27 mars 2002, proposé au maître de l'ouvrage à deux reprises, les 26 juin et 22 juillet 2002, de reprendre les travaux, propositions toutes deux refusées, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal :
Vu l'article L. 231-6 du code de la construction de l'habitation ;
Attendu que pour prononcer la résiliation du contrat de garantie de livraison, l'arrêt retient qu'en conséquence de la résiliation du contrat de construction, la garantie accordée par la société CEGI est devenue caduque ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la garantie de livraison à prix et délais convenus, qui a pour but de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la construction telle qu'elle est prévue au contrat, provoqués par la défaillance du constructeur, constitue une garantie légale d'ordre public et autonome, qui ne s'éteint pas du seul fait de la résiliation du contrat de construction qui n'a pas d'effet rétroactif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal :
Vu l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ;
Attendu que pour limiter à une certaine somme le montant de la condamnation prononcé, avant compensation, au profit de M. Y..., l'arrêt retient qu'en conséquence de la résiliation du contrat de construction, le maître de l'ouvrage ne peut réclamer au constructeur les pénalités de retard prévues par le contrat résilié qui n'a plus vocation à s'appliquer ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la résiliation du contrat de construction n'ayant pas d'effet rétroactif ne fait pas obstacle à l'application au constructeur de pénalités contractuelles en cas de retard d'exécution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de maison individuelle et en ce qu'il dit que la société Maisons Serge Olivier peut prétendre au paiement du solde des ses factures de 12 771,70 euros sous déduction des frais de réfection de 674,72 euros, l'arrêt rendu le 26 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux conseils pour M. Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement, prononcé la résiliation du contrat de garantie de livraison souscrit le 7 décembre 1999 auprès de la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES, aux droits de laquelle se trouve la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS et débouté Monsieur Y... de sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société MAISONS SERGE OLIVIER et de la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES, aux droits de laquelle se trouve la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à lui verser la somme de 67.915,68 euros à parfaire, au titre des pénalités de retard contractuelles
AUX MOTIFS PROPRES QU' en conséquence de la résiliation du contrat de construction, Antonio Y... ne peut réclamer les pénalités de retard prévues par le contrat résilié qui n'a plus vocation à s'appliquer (…) ; qu'en conséquence de la résiliation du contrat de construction, la garantie accordée par la compagnie CEGI est devenue caduque ; que cette dernière ne peut en conséquence être condamnée ni à l'achèvement de la construction, ni au paiement des pénalités de retard, et encore moins, en l'absence de substitution de la garantie de remboursement à la garantie d'achèvement, au remboursement des sommes versées dont le dossier révèle au demeurant qu'elles n'ont pas été réglées en exécution du marché mais d'un contrat de vente extérieur à la garantie invoquée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la garantie de livraison n'étant que l'accessoire du contrat de construction, la résiliation de celui-ci emporte ipso facto la résiliation de celui-là (CA Orléans, 28 juill. 1998, Labolle/Cegi) ;
ALORS QUE D'UNE PART, le garant de livraison, qui remplit une obligation qui lui est personnelle, est tenu, dans ses rapports avec le maître de l'ouvrage, d'exécuter les obligations du constructeur qui n'y satisfait pas, de prendre à sa charge les conséquences du comportement du constructeur ayant abouti à un supplément de prix ainsi que les pénalités de retard prévues au contrat : que l'obligation du garant de livraison, indépendante du contrat principal, ne s'éteint pas du fait de la résiliation du contrat de construction pour inexécution des obligations du constructeur ; qu'en jugeant néanmoins que la garantie accordée par la compagnie CEGI était devenue caduque en conséquence de la résiliation du contrat de construction, la Cour d'appel a violé l'article L.231-6 du Code de la construction et de l'habitation ;
ALORS QUE D'AUTRE PART, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, la garantie de livraison relative au contrat de construction de maisons individuelles couvre le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution des travaux prévus au contrat ; que la résiliation du contrat de construction aux torts exclusifs du constructeur n'emporte pas résiliation de la garantie accordée par un établissement habilité à cet effet ; qu'en considérant que la résiliation du contrat de construction emportait ipso facto la résiliation du contrat de garantie de livraison, la Cour a violé l'article L 231-6 du code de la construction
ALORS QUE DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, la résiliation du contrat de construction ne fait pas obstacle à l'application au constructeur d'une clause pénale stipulée pour le cas d'inexécution ou de retard dans l'exécution ; qu'en jugeant néanmoins que la société MAISONS SERGE OLIVIER ne pouvait être tenue des pénalités de retard du fait de la résiliation du contrat à ses torts exclusifs, la cour d'appel a violé l'article L 231-2 du code de la construction et de l'habitation.
ALORS QU'ENFIN, et à titre subsidiaire, les pénalités de retard prévues à l'article L.231-2 du Code de la construction, dont le paiement est garanti par le garant de livraison en vertu de l'article L.231-6 du même Code, restent dues par le garant nonobstant la résiliation du contrat pour abandon de chantier aux torts du constructeur ; qu'en décidant que la CEGI ne pouvait être tenue du paiement de ces pénalités, la Cour a violé l'article L 231-1 du code de la construction et de l'habitation.
Moyen produit au pourvoi incident par de la SCP Didier et Pinet, avocat aux conseils pour la société Maisons Serge Olivier
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation du contrat de construction aux torts exclusifs de la société Maisons Serge Olivier Sarl, et d'AVOIR condamné celle-ci, après compensation, à payer à monsieur Y... une somme de 22.902,86 € assortie des intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QU'Antonio Y... a refusé de régler l'appel de fonds du constructeur correspondant à l'achèvement des plâtres au motif, exposé dans un courrier du 16 décembre 2000, que l'allongement de l'escalier de 20 cm par rapport au plan initial et le déplacement d'une gaine de VMC avaient induit la diminution de la superficie du wc ainsi que le déplacement de la porte y donnant accès qui venait buter contre la cuvette ; que l'expert a constaté que le désordre dénoncé avait pour origine l'allongement de l'escalier consécutif à une modification acceptée du projet initial, l'escalier en bois ayant été remplacé par un escalier en béton ; que, sans que sa démonstration soit prise en défaut par les explications et les pièces fournies par les parties, il a considéré, d'une part que l'escalier en béton aurait pu respecter les cotes initiales, d'autre part que l'entreprise, qui ne s'en était sans doute pas rendue compte à l'occasion de la modification, avait mal appréhendé les répercussions induites quant au tracé des cloisons et à la position du wc ; qu'il a imputé à juste raison au constructeur un manquement à l'obligation de conseil, relevant qu'Antonio Y..., non professionnel, ne pouvait proposer de solutions ; que les modifications induites par le changement d'escalier, en soi sources d'une gêne qui appelait un refus, ne peuvent être considérées comme ayant été acceptées de manière certaine par les maîtres d'ouvrage, un plan modifié versé aux débats uniquement en photocopie comportant certes des signatures ressemblant à s'y méprendre à celles apposées par les maîtres d'ouvrage sur le permis de construire, mais l'hypothèse d'un faux ne pouvant être écartée alors qu'à l'époque de la signature prétendue les époux Y... étaient déjà en instance de divorce ; que, non prévenu de manière prouvée des incidences de la modification de l'escalier, Antonio Y... était en droit d'exiger, sinon le respect des plans initiaux pour les cloisons et le wc, du moins la mise en oeuvre d'une solution permettant un usage normal du wc ; qu'il en est ainsi, d'autant plus, que l'expert a chiffré à 674,72 € le coût des travaux modificatifs acceptés par les deux parties permettant de retrouver cet usage ; que dans ces conditions le constructeur, confronté à la juste ire du maître d'ouvrage, a fautivement abandonné le chantier après le refus de règlement de la dernière situation présentée qui pouvait être surmonté moyennant un minimum de compréhension et de diligences et que rendait légitime une non-conformité affectant notablement un local indispensable de la maison ; que, nonobstant le faible coût des modifications à réaliser, comparé à l'appel de fonds non honoré, le légitime refus de paiement des maîtres d'ouvrage revêt un caractère mineur par rapport au manquement du constructeur ; que, seul ce dernier ayant eu l'obligation de veiller à la permanence de la régularité du contrat après les modifications décidées qui ne constituent pas en elles-mêmes une immixtion reprochable aux maîtres de l'ouvrage, et son refus de procéder à l'achèvement après le dépôt du rapport d'expertise étant fautif même si en raison du blocage des paiements - conséquence de sa propre carence - les droits à crédit des maître d'ouvrage avaient été entre-temps réduits, la résiliation sera prononcée à ses torts exclusifs ; que constituent une conséquence directe de la résiliation la perte d'une somme de 3.811,23 € versée au fournisseur d'une cuisine qui n'a pas été posée et l'obligation dans laquelle il se trouve de se loyer ailleurs en attendant ; que, même si les difficultés éprouvées dans l'exercice du droit de visite sur les enfants sont la conséquence du choix d'un mode d'hébergement – sans nécessité en caserne puis en camping – il est justifié, toutes causes confondues, de lui accorder une somme de 20.000 € ; qu'en conséquence du refus définitif d'achever l'immeuble opposé par l'entrepreneur après le dépôt du rapport d'expertise, les maîtres de l'ouvrage pouvaient faire procéder à l'achèvement par une entreprise tierce dès cette époque ; que, également engendré directement par la carence du constructeur et la résiliation, le surcoût de l'achèvement de la construction par rapport aux prévisions du contrat ne sera mis à la charge du constructeur que jusqu'à cette date et évalué à 15.000 € ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour prononcer la résiliation du contrat de construction aux torts exclusifs du constructeur, l'arrêt retient que les modifications induites par le changement d'escalier ne peuvent être considérées comme ayant été acceptées de manière certaine par les maîtres d'ouvrage, le plan modifié du 14 septembre 2000 ayant été versé aux débats uniquement en photocopie ; qu'en se prononçant ainsi, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de l'original du plan modifié, qui figurait sur le bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions récapitulatives du constructeur, signifiées le 10 avril 2008, et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE lorsque la partie, à qui on oppose un acte sous seing privé, dénie l'écriture qui lui est attribuée, le juge doit vérifier l'acte contesté et procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose, après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer ; que pour prononcer la résiliation du contrat de construction aux torts exclusifs du constructeur, l'arrêt retient que les modifications induites par le changement d'escalier ne peuvent être considérées comme ayant été acceptées de manière certaine par les maîtres de l'ouvrage, dès lors que si les signatures apposées sur le plan modificatif du 14 septembre 2000 ressemblent « à s'y méprendre à celles apposées par les maîtres de l'ouvrage sur le permis de construire », l'hypothèse d'un faux ne peut être écartée ; qu'en s'abstenant d'enjoindre aux parties de produire d'autres éléments de comparaison et, au besoin, d'ordonner une expertise, la cour d'appel a violé l'article 1324 du code civil, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, en tout état de cause, QUE la charge de la preuve de l'inexécution contractuelle incombe au demandeur en résiliation du contrat ; qu'en retenant qu'il n'était pas prouvé que le maître de l'ouvrage, demandeur principal en résiliation du contrat de construction, ait été informé des incidences de la modification de l'escalier, pour en déduire que le constructeur n'avait pas veillé à la permanence de la régularité du contrat après les modifications décidées, la cour d'appel qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;
4°) ALORS QU 'en énonçant que le constructeur avait commis une faute préjudiciable en refusant définitivement d'achever les travaux après que le rapport d'expertise ait été déposé le 27 mars 2002, cependant que la société Maisons Serge Olivier faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives, signifiées le 10 avril 2008, avoir proposé au maître de l'ouvrage à deux reprises les 26 juin et 22 juillet 2002 de reprendre les travaux, propositions toutes deux refusées (p. 12), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1353 du code civil.