LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article R. 331-7 du code rural ;
Attendu que la déclaration mentionnée au II de l'article L. 331-2 du code rural est adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, selon les cas prévus aux troisième et sixième alinéas de l'article R. 331-4, respectivement au préfet du département sur le territoire duquel est situé le bien qui fait l'objet de la déclaration ou au préfet du département où se trouve le siège de l'exploitation du déclarant ; qu'elle peut également être déposée auprès de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt ; qu'il en est accusé réception ; que la déclaration doit être préalable à la mise en valeur des biens ; que dans le cas d'une reprise de biens par l'effet d'un congé notifié sur le fondement de l'article L. 411-58, le bénéficiaire adresse sa déclaration au service compétent, au plus tard dans le mois qui suit le départ effectif du preneur en place ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 25 août 2009), que par acte notarié du 11 janvier 1990, M. Albert X... a donné à bail à long terme aux époux Y... deux parcelles de terre, cadastrées n° 10 et n° 11 ; que le 7 avril 1992, un avenant au bail a été établi pour préciser que le point de départ du contrat, concernant les pâtures et les prés, était fixé au 15 novembre 1989 ; que M. X... est décédé le 4 janvier 1999 ; que par courrier du 4 novembre 2009, les preneurs ont informé le notaire en charge de l'indivision de la mise à disposition du bail au profit de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Couveau constituée entre les époux Y... ; qu'à la suite d'un acte de partage intervenu le 26 avril 2006, Mme Mariette X..., épouse A..., est devenue propriétaire de la parcelle n° 10 ; que le 10 mai 2006, elle a donné congé aux époux Y... et à l'EARL du Couveau aux fins de reprise au profit de son fils Hervé A..., pour le 14 novembre 2007, en ce qui concerne la partie affermée en nature de pâtures et prés et pour la date du 31 décembre 2007 pour la partie affermée en nature de terres et de bois ; que les époux Y... ont contesté ce congé ;
Attendu que pour annuler le congé, l'arrêt retient, après avoir relevé que les biens repris constituaient des biens de famille depuis plus de neuf ans, qu'il n'a pas été justifié, au moment prévu pour la reprise des biens du dépôt par M. Hervé A... de la déclaration préalable d'exploiter les biens loués ;
Qu'en statuant ainsi, alors que s'agissant de la reprise de biens de famille, le bénéficiaire de la reprise devait faire sa déclaration au plus tard dans le mois qui suivait le départ effectif de l'ancien exploitant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles L. 411-58 et L. 411-59 du code rural ;
Attendu que pour annuler le congé, l'arrêt retient que les éléments fournis à hauteur d'appel sont tous postérieurs à la date d'échéance du congé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme A... avait versé aux débats respectivement la lettre de démission de son fils en date du 27 octobre 2007, la demande d'attribution d'un prêt réservé aux jeunes agriculteurs et l'arrêté relatif à cette dotation en date des 23 octobre 2007 et 20 juillet 2008 et la lettre du préfet accordant l'autorisation d'exploiter à l'EARL de la Cressionnière, en date du 13 novembre 2007, qui constituaient autant d'éléments antérieurs à la date d'échéance du bail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 août 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer à Mme A... la somme de 2 500 euros ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour Mme A...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, annulé le congé délivré aux époux Y... par Mme A... aux fins de reprise au profit de son fils, Hervé,
AUX MOTIFS QUE le litige porte sur la capacité du preneur à disposer des moyens de pourvoir à son exploitation en vertu des dispositions de l'article L. 411-59 alinéa 3 du Code rural ; que les conditions d'exploitation doivent être appréciées à la date pour laquelle le congé a été donné ; que les premiers juges , relevant qu'il n'avait pas été justifié au moment prévu pour la reprise des biens du dépôt par M. Hervé A... de la déclaration préalable d'exploiter les parcelles louées, que de même à la date de la reprise, le bénéficiaire du congé n'était titulaire que d'une promesse de vente pour une part indivise de matériel, émanant de son père et au surplus imparfaite, puisque ne comportant pas le prix de cession, qu'enfin il n'était pas établi que le bénéficiaire de la reprise dispose de la capacité financière pour payer le prix de vente, annulaient le congé délivré le 10 mai 2006 au regard des dispositions de l'article L. 411-59 du Code rural ; que l'appelante conteste les constatations des premiers juges en arguant que son fils, bénéficiaire de la reprise, a démissionné de son emploi salarié le 1er février 2008 et s'est installé le 10 février suivant en intégrant l'EARL LA CRESSONNIERE -créée le 1er novembre 2007 par elle-même, associée unique, par cession de 40 % du capital qu'elle lui a consenti que les éléments fournis à hauteur d'appel sont tous postérieurs à la date d'échéance du congé et ne sont pas de nature à contredire les constatations des premiers juges ; que M. Hervé A... au 31 décembre 2007 était encore salarié à temps complet, ne disposait d'aucun cheptel et d'aucun matériel ; qu'au surplus, une partie du matériel mentionné dans la promesse de vente consentie par M. A... , père du bénéficiaire de la reprise a été apportée par Madame A... en nature du capital de l'EARL LA CRESSIONNIERE lors de sa création ;
ALORS , D'UNE PART, QUE le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application de dispositions de l'article L. 411-59 et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle visées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 du Code rural ; que s'agissant de la reprise de biens de famille, qui n'est pas soumis à autorisation, le bénéficiaire doit faire sa déclaration au plus tard dans le mois qui suit le départ effectif de l'ancien exploitant ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, et en relevant qu'il n'avait pas été justifié, au moment prévu de la reprise des biens, du dépôt par M. A... de la déclaration préalable d'exploiter les parcelles louées, la Cour d'appel a violé les articles L. 411-58 , L. 331-2-11 et R. 331-7 du Code rural ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge doit apprécier les conditions de la reprise en se plaçant au jour où la reprise s'exercera, et à l'aide des éléments de fait dont il dispose au moment où il statue ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que M. Hervé A... avait démissionné de son emploi de salarié le 1er février 2008 et s'était installé le 10 février suivant, soit quelques semaines après la date d'échéance du bail, ce qui démontrait sa volonté de poursuivre la mise en valeur des parcelles dans les conditions de l'article L. 411-59 du Code rural, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, au regard des articles L. 411-58 et L. 411-59 du Code rural ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en statuant encore comme elle l'a fait, tout en constatant que M. Hervé A... était associé à 40 % de l'EARL de la CRESSONNIERE et que celle-ci disposait d'une partie importante du matériel agricole, de sorte que le bénéficiaire de la reprise était en mesure de mettre en valeur les biens repris en utilisant le matériel de la société dont il était associé, la Cour d'appel n'a pas de ce chef également donné une base légale à sa décision au regard des mêmes textes ;
ALORS, ENFIN, QUE Madame A... avait versé aux débats respectivement la lettre de démission de son fils en date du 27 octobre 2007, la demande d'attribution d'un prêt réservé aux jeunes agriculteurs et l'arrêté relatif à cette dotation en date des 23 octobre 2007 et 20 juillet 2008 et la lettre du Préfet accordant l'autorisation d'exploiter à l'EARL de la CRESSIONNIERE, en date du 13 novembre 2007, qui constituaient autant d'éléments antérieurs à la date d'échéance du bail ; que, dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les éléments fournis à hauteur d'appel sont tous postérieurs à la date d'échéance du congé, la Cour d'appel n'a pas, de ce nouveau chef, légalement justifié sa décision au regard des mêmes textes.