LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Pierre X... est décédé le 4 août 1987, en laissant pour lui succéder Mme Alice X... née Y..., son épouse, ainsi que Mme Geneviève X... épouse Z..., Mme Anne-Marie X... et M. Jacques X..., ses trois enfants issus d'un premier mariage ; que par acte authentique du 6 novembre 1983, il avait consenti à chacune de ses filles une donation par préciput et hors part de la nue-propriété de 90 actions de la société anonyme Socomec ; qu'au cours des opérations de partage judiciaire de la succession, un désaccord est survenu entre les cohéritiers sur la portée d'un acte signé le 8 juin 1988 par les enfants du de cujus, intitulé "protocole d'accord" ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 17 décembre 2009) d'avoir confirmé le jugement ayant rejeté ses prétentions tendant à voir juger que le protocole d'accord du 8 juin 1988 ne pouvait s'analyser en un partage partiel définitif de la succession de son père et qu'elle n'a pas renoncé à exercer les droits qu'elle tient de la donation qui lui avait été consentie par acte authentique du 6 novembre 1983 ;
Attendu qu'ayant relevé, d'abord, que dans l'exposé préliminaire du protocole d'accord du 8 juin 1988, Mme Geneviève X... épouse Z..., Mme Anne-Marie X... et M. Jacques X... avaient expressément indiqué "entend(re) réaliser un équilibre et un partage par parts égales de la propriété des actions dépendant des successions de leur père et mère" et "assurer une répartition équitable des revenus de ces mêmes actions", ensuite, que cet acte comprenait un inventaire de l'ensemble des actions dépendant de ces successions, la répartition précise de celles-ci entre chacun des enfants du de cujus à la date de l'accord incluant notamment, pour Mme Z..., celles reçues le 6 novembre 1983 en donation, ainsi que leur nouvelle répartition, la cour d'appel a pu déduire de l'acceptation expresse par cette dernière du partage des actions et de la nouvelle répartition qui en est résultait sa volonté non équivoque de renoncer à se prévaloir de la donation préciputaire du 6 novembre 1983 ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... et la condamne à payer à chacun des trois défendeurs la somme de 850 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour Mme Z....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant rejeté les prétentions de Madame Z... tendant à voir juger que le protocole d'accord confidentiel du 8 juin 1988 ne pouvait s'analyser en un partage partiel définitif de la succession de son père, Pierre X... et qu'elle n'a pas renoncé à exercer les droits qu'elle tient de la donation qui lui avait été consentie par acte authentique du 6 novembre 1983.
AUX MOTIFS PROPRES QUE la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en premier lieu, en signant le document intitulé "PROTOCOLE D'ACCORD" du 8 juin 1988, les parties au litige, héritières de Monsieur Pierre X... et de Madame Marie A..., entendaient expressément selon les termes de l'exposé préliminaire de cet accord : "… réaliser un équilibre et un partage par parts égales de la propriété des actions dépendant des successions de leur père et mère. Par ailleurs, ils entendent assurer une répartition équitable des revenus de ces mêmes actions" ; que dans ce but, qu'après avoir fait l'inventaire de l'ensemble des actions de la SA SOCOMEC et de la SA HOLDING INTERPARTICIPATION et la répartition précise de celles-ci entre chacun des héritiers à la date de l'accord (ainsi, 268 actions SOCOMEC et 18 actions INTERPARTICIPATION pour Madame Geneviève Z...), ces héritiers ont convenu de "répartir" les actions entre eux afin d'assurer une égalité des droits entre les héritiers, l'acte précisant clairement la nouvelle répartition résultant de l'accord pour chacun d'entre eux, soit en ce qui concerne Madame Geneviève X..., épouse Z... un ensemble de 372 actions réparties en 354 actions SOCOMEC et 18 actions INTERPARCIPATION ; que par le même acte les héritiers susnommés ont ensuite convenu des dispositions permettant d'assurer entre eux un revenu égal des actions ainsi partagées ; qu'il ressort ainsi sans le moindre doute des termes comme du contenu de ce protocole d'accord, que celui-ci constitue un acte de partage définitif des actions SOCOMEC et INTERPARTICIPATION, les dispositions relatives à la répartition équitable des revenus étant l'accessoire du partage des actions et la demanderesse et appelant ne pouvant tirer aucune conséquence particulière de la mention "confidentiel" apposée sur cet acte comme sur son annexe, cette confidentialité, sans doute motivée par la révélation des difficultés financières de l'un des héritiers, n'en faisant pas un acte obscur et précaire ; que le protocole d'accord en litige a en outre été passé le même jour que celui où les parties passaient devant notaire un acte distinct de partage de parts sociales relatif à leurs droits dans les deux SCI dépendant de la succession de Monsieur Pierre X..., ainsi qu'un deuxième acte portant attribution à titre de partage partiel d'un droit d'habitation à Madame Alice Y..., cette circonstance ne pouvant que conforter la volonté des parties et donc de la demanderesse d'avoir voulu régler ensemble le 8 juin 1988 le partage de biens de la succession à la suite du décès de Monsieur Pierre X... ; qu'en second lieu, il se déduit nécessairement de l'acte de partage, en litige que Madame Geneviève X... épouse Z... renonçait, comme sa soeur Anne-Marie X... qui en avait aussi bénéficié, à la donation préciputaire des 90 actions SOCOMEC reçues de son père le 6 novembre 1983 ; qu'il importe peu à cet égard que l'acte de partage ne mentionne pas l'existence de cette donation, la demanderesse ne prétendant pas l'avoir ignorée et l'acte faisant clairement apparaître ainsi que rappelé ci-dessus le nombre d'actions SOCOMEC détenues par celle-ci avant le partage, incluant celles reçues le novembre 1983 en donation, Madame Z... ne soutenant pas qu'elles auraient été omises de la répartition qui lui a été attribuée (268 actions) ; qu'en acceptant expressément avec son frère et sa soeur le partage des actions SOCOMEC et INTERPARTICIPATION et la nouvelle répartition des actions qui en est résulté, elle a donc sans équivoque manifesté sa volonté de renoncer à la donation préciputaire du novembre 1983, ce qu'elle pouvait faire ; qu'il convient également d'observer que l'appelante n'a jamais remise en cause l'adéquation du partage réalisé et des dispositions convenues à sa suite, avec l'objectif recherché par les héritiers de "réaliser un équilibre et un partage par parts égales de la propriété des actions dépendant des successions de leur père et mère ; qu'en troisième lieu, si Madame Geneviève X... épouse Z... fait valoir à titre subsidiaire que son consentement au protocole d'accord du 8 juin 1988 a été vicié pour avoir été donné par erreur, elle procède par voie d'affirmation et n'apporte pas la moindre preuve du vice allégué, les motifs développés ci-dessus démontrant au contraire que la demanderesse était parfaitement informée et consciente de la portée de l'acte qu'elle a signé, aussi bien en ce qu'il emportait partage définitif des actions SOCOMEC que renonciation à la donation du novembre 1983, et auquel elle a adhéré pendant près de quatorze ans avant de vouloir le remettre en cause.
ET AUX MOTIFS ADOPTES qu'il n'est pas contesté que l'acte litigieux du 8 juin 1988 a concerné la totalité des actions de la société SOCOMEC dont y compris les quatre vingt dix actions qui avaient fait l'objet de la donation du 6 novembre 1983 ; qu'il est exact que l'acte du 8 juin 1988 ne comporte aucune référence à celui du 6 novembre 1983 ; que cependant, la demanderesse quand elle a signé l'acte du 8 juin 1988 avait alors nécessairement connaissance de l'acte du 6 novembre 1983 qui l'avantageait et en ayant accepté un partage égal des actions et des revenus qu'elles généraient, a implicitement mais nécessairement renoncé à l'avantage qui lui avait été consenti par la donation préciputaire et qui était né dans son patrimoine ; qu'elle ne fait état d'aucun vice du consentement quant à cette renonciation ; qu'il s'en suit que ses demandes tendant à voir juger qu'elle n'a pas renoncé à la donation préciputaire et à opérer un partage après exécution de cette donation, doivent être rejetées, l'acte en cause ayant entièrement réalisé partage des biens qu'il concerne.
ALORS QUE D'UNE PART, la volonté non équivoque de renoncer à une donation préciputaire lors d'un acte notarié postérieur ne peut être sans équivoque dès lors que ce dernier acte, au demeurant intitulé "protocole d'accord" et signé sans avoir été auparavant transmis aux parties, ne fait aucune référence à la donation notariée antérieure ; qu'en déclarant sans équivoque la renonciation tacite de Madame Z... au bénéfice de la donation préciputaire du 6 novembre 1983 après avoir relevé qu'il importe peu à cet égard que l'acte de partage ne mentionne pas l'existence de cette donation, la Cour a violé l'article 1134 du Code civil.
ALORS QUE D'AUTRE PART, en affirmant que Madame X... n'apportait pas la moindre preuve du vice affectant le consentement qu'elle a donné à la signature du protocole d'accord du 8 juin 1988 alors que celle-ci exposait très clairement dans ses conclusions signifiées le 29 mai 2009 que ni l'intitulé ni le contenu de ce protocole d'accord du 8 juin ne lui permettaient de savoir qu'il s'agissait d'un acte de partage des actions Socomec et Interparticipation et qu'elle avait notamment été induite en erreur par la mention "CONFIDENTIEL" portée sur ce document, par opposition à deux actes notariés en date du même jour et intitulés "partage partiel" passés devant un autre notaire ; que ces circonstances parfaitement expliquées démontraient clairement que Madame Z... n'avait jamais entendu renoncer aux parts sociales qui lui avaient été attribuées antérieurement de sorte que son consentement avait bien été vicié ; qu'en affirmant qu'elle procédait par voie d'affirmation et n'apportait pas la moindre preuve que son consentement au protocole du 8 juin 1988 avait été vicié, la Cour a dénaturé les écritures dont elle était saisie en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.