LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux époux X... du désistement de leur pourvoi formé contre les époux Y... ;
Attendu que, par testament olographe du 24 mai 1997, Edmond Z... a institué M. et Mme X... légataires universels ; que, par testament olographe du 8 octobre 1997, Edmond Z..., qui résidait à la maison de retraite Les feuillantines, exploitée par sa propriétaire la société La Cerisaie, a révoqué le précédent testament et institué cette société légataire universelle ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article L. 209 bis du code de la famille et de l'aide sociale, devenu l'article L. 331-4 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, l'article 911, alinéa 1er, du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour débouter les époux X... de leur demande tendant à l'annulation du testament établi en faveur de la société La Cerisaie, après avoir justement retenu que l'interdiction de recevoir à titre gratuit instituée par le premier des textes susvisés n'était pas applicable à une personne morale, l'arrêt attaqué relève que le bénéficiaire du legs n'est pas M. B..., gérant de la société, que les époux X... ne démontrent pas que cette société ne serait qu'une société de façade et énonce qu'elle a une personnalité morale réelle et que son actif ne se confond pas avec celui de ses associés ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le legs consenti à la société La Cerisaie ne dissimulait pas une libéralité, par personne interposée, faite à M. A..., détenteur, avec son épouse infirmière, de la totalité des parts de cette société qu'il avait fondée et qui, exerçant ses fonctions de médecin au sein de la maison retraite, était frappé d'une interdiction de recevoir à titre gratuit, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande tendant à l'annulation du testament du 8 octobre 1997, l'arrêt rendu le 26 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société La Cerisaie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux conseils pour les époux X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de leur demande tendant à voir déclarer la nullité du testament établi par Monsieur Z..., le 8 octobre 1997, en faveur de la Société LA CERISAIE exploitant la maison de retraite LES FEUILLANTINES ;
AUX MOTIFS QUE cette action est fondée sur l'article L 331-4 du Code de l'Action Sociale et des Familles ; que l'article L 331-4 de ce Code, en sa rédaction applicable au litige, antérieure à la loi du 5 mars 2007, dispose que les personnes physiques propriétaires, administrateurs ou employés des établissements ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par des personnes hébergées dans le ou les établissements qu'elles exploitent ou dans lesquels elles sont employées que dans les conditions fixées à l'article 909 du Code Civil ; que ce texte, en sa rédaction alors applicable, ne concerne que les personnes physiques ; que le testament olographe du 8 octobre 1997, est ainsi rédigé : « Je soussigné Z... Edmond, sain de corps et d'esprit, demeurant résidence Les Feuillantines, quartier Russa 06440 L'Escarène, représentée par Monsieur B... Jean-Pierre, son directeur … » ; que le bénéficiaire du legs est : la maison de retraite LES FEUILLANTINES, établissement de la Société LA CERISAIE ; que le bénéficiaire est ainsi la Société LA CERISAIE Sarl qui a été envoyée en possession ; que le bénéficiaire du legs n'est pas Monsieur B... ; que les époux X... ne démontrent pas que la Société LA CERISAIE ne serait qu'une société de façade ; que cette société a une personnalité morale réelle et son actif ne se confond pas avec celui de ses associés ;
ALORS D'UNE PART QUE l'article L 331-4 du Code de l'Action Sociale et des Familles, dans sa rédaction applicable en l'espèce, est contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens en ce qu'il n'édicte d'incapacité de recevoir qu'à l'encontre des seules personnes physiques propriétaires de maison de retraite et ne protège ainsi que les seules personnes hébergées dans de tels établissements à l'exclusion de celles qui se trouvent hébergées dans une maison de retraite propriété d'une personne morale ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel ; qu'à la suite de l'abrogation du texte susvisé que ne manquera pas de prononcer le Conseil Constitutionnel, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale au regard du principe constitutionnel d'égalité des citoyens ;
ALORS D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT QU'aux termes de l'article 911 du Code Civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, toute disposition au profit d'un incapable sera nulle lorsqu'elle est faite sous le nom de personnes interposées ; que les dispositions de ce texte sont applicables aux situations visées par l'article L 331-4 du Code de l'Action Sociale et des Familles, notamment, dans sa rédaction applicable en l'espèce ; que Monsieur et Madame B... ayant soutenu qu'au travers de la Société LA CERISAIE, personne morale, les bénéficiaires du testament de Monsieur Z... étaient le gérant de celle-ci ainsi que ses fondateurs et porteurs de parts, il appartenait à la Cour d'Appel de rechercher quels étaient les véritables bénéficiaires dudit testament instituant un legs universel ; que dès lors, en se bornant à relever, pour débouter Monsieur et Madame X... de leurs demandes, que la Société LA CERISAIE avait une personnalité morale réelle et que son actif ne se confondait pas avec celui de ses associés sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le Docteur A..., fondateur avec son épouse, infirmière, de la SARL LA CERISAIE, détenteur avec elle de la totalité des parts sociales et médecin de Monsieur Z..., frappé à ce titre d'une incapacité de recevoir à titre personnel un legs de ce dernier, n'avait pas usé de son influence pour parvenir à ses fins en obtenant une libéralité par interposition de cette personne morale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 911 du Code Civil et L 331-4 du Code de l'Action Sociale et des Familles.