LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 janvier 2010) que MM. Jean-François et Jean-Michel X..., qui avaient constitué entre eux le GAEC de Wattines, devenu par la suite la SCEA 2002, ont cédé à M. Y... la majorité de leurs parts par actes des 18 janvier et 4 avril 2002, M. Jean-François X... demeurant toutefois associé minoritaire ; que la SCEA 2002 a été placée en redressement judiciaire par jugement du 15 juillet 2004 ; qu'invoquant des immixtions dans la gestion de leurs terres, notamment par mise des terres exploitées par la SCEA 2002 à la disposition de la SCEA de La Galinette, M. Y... et la SCEA 2002 ont assigné la SCEA de La Galinette et son gérant M. A... ainsi que M. Jean-François X..., aux fins de faire cesser ces actes sous astreinte ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'il est invraisemblable que les frères X..., lors de la constitution du GAEC des Wattines, ne l'ait pourvu sur les terres qu'il devait exploiter que du droit imparfait résultant d'une mise à disposition, que s'il s'était agi de simples mises à disposition, les statuts n'auraient pas manqué de la mentionner, que rien n'indique que les apports des baux n'ont pas été acceptés en leur temps par les propriétaires et que l'on ne peut faire grief aux cessionnaires des parts du GAEC de ne pas produire ces accords plus de vingt ans après la constitution du GAEC ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques et sans répondre aux conclusions de la SCEA de La Galinette faisant valoir que l'actif du GAEC ne comportait aucun droit au bail, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne M. B..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SCEA 2002 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. A..., la société La Galinette, M. D..., ès qualités et la société Berkowicz-Henneau, ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR interdit à la Scea La Galinette et à M. A... d'intervenir par tous moyens dans l'exploitation de la Scea 2002, sous une astreinte de 10.000 euros par infraction ;
AUX MOTIFS QUE les faits se résument de la manière suivante : à une date non précisée par les parties, les frères Jean-François et Jean-Michel X... ont constitué entre eux, à partir de terres sur lesquelles ils avaient un droit soit de propriété soit de bail rural, le Gaec de Wattines, ce groupement ayant été prorogé pour 30 ans par une assemblée générale du 20 juin 1988 ; que suivant un compromis en date du 9 janvier 2001, MM. Jean-François et Jean-Michel X... ont cédé respectivement les 18 janvier et 4 avril 2002 la totalité des parts qu'ils détenaient dans ce Gaec des Wattines à M. Fabrice Y... ; que ce Gaec, appelé par la suite Scea 2002 par le cessionnaire, a été mis, courant 2004, en redressement judiciaire ; qu'invoquant diverses immixtions dans la gestion des terres affectées à cette Scea 2002, M. Y... et les organes à la procédure collective de cette Scea ont, par actes des 19 et 21 novembre 2005, assigné M. Jean-François X..., une Scea de La Galinette et le gérant de celle-ci, M. Dominique A... (défendeurs appelés ci-après les consorts X...), aux fins de faire cesser ces immixtions sous astreinte ; que leur demande ayant été reçue par le premier juge, les consorts X... ont interjeté appel de ce jugement et contestent en appel sinon la réalité de ces immixtions, du moins leur illégitimité ; que ces immixtions consistaient, selon la Scea 2002, dans les faits suivants : des contrats de « mise à disposition », en date du 8 janvier 2005, ont été signés par M. X..., concernant la quasi-totalité des terres jusque là exploitées par la Scea 2002, au bénéfice de M. A... et/ou de la Scea La Galinette, une sommation a été faite à la Scea 2002, par lettre du 11 janvier 2005 émanant de M. X... et du 16 janvier 2005 émanant de la Scea La Galinette, de libérer les bâtiments correspondants à ces mises à disposition, une lettre du 10 février 2005 adressée par M. Jean-François X... aux responsables de la Scea 2002, leur faisant part de son « intention » de retirer les « mises à disposition » qu'il avait consenties de diverses terres au Gaec de Wattines devenu Scea 2002, et les sommant de cesser d'utiliser les terres concernées, les interventions par des courriers adressés début 2005, émanant de la Scea La Galinette et de M. A..., auprès de divers fournisseurs, exposant que la Scea La Galinette est désormais seule exploitante autorisée de ces terres, demandes adressées à la préfecture de l'Aisne, courant 2005, par la Scea La Galinette, tendant à obtenir l'autorisation d'exploiter les terres correspondantes à ces retraits de mise à disposition, interventions auprès d'organismes officiels tels que I'Onilait (attribution des quotas laitiers) ou Tereos (attribution des quotas betteraviers), en vue d'obtenir les autorisations officielles correspondantes à l'exploitation de ces terres, entravant ainsi l'attribution de ces aides ou autorisations à la Scea 2002, mise en culture (maïs) de certaines parcelles de la Scea 2002 par la Scea La Galinette ; que sans contester ces actes ou interventions, au demeurant difficilement discutables au regard des documents produits, les consorts X... prétendent les justifier ; qu'ils exposent en effet que le domaine exploité par la Scea 2002 étant composé de terres dont les baux avaient été consentis à M. X... et que ces baux avaient été affectés en leur temps au Gaec de Wattines par des contrats de « mise à disposition » régis par l'article L. du code rural, la nature juridique de cette affectation obligerait M. X..., selon cet article, à « continuer à se consacrer à (son) exploitation », ce qui justifie ses diverses interventions ; que, d'autre part, ces mises à disposition n'étant assorties d'aucun délai, elles seraient révocables ad nutum, ce qui lui permettrait d'affecter les terres concernées à toute autre société agricole à sa convenance ; qu'il résulte des statuts constitutifs du Gaec des Wattines que les terres qui le composent, dont les références cadastrales sont les mêmes que celles dont M. X... et la Scea La Galinette revendiquent de pouvoir les mettre à la disposition de la Scea La Galinette, lui sont affectées selon les écritures des intimés, les appelants n'ayant pas produit les statuts originaux à leurs pièces, en qualité d'« apport de divers biens » ; que cette expression n'étant pas explicitée dans le contrat et ne permettant pas notamment de savoir si ces apports sont en pleine propriété, en cession de bail ou en « mise à disposition », elle présente le caractère d'une clause obscure et ambiguë devant, aux termes de l'article 1156 du code civil, faire l'objet d'une interprétation ; que sur ce point, les consorts X... estiment qu'il ne peut s'agir d'un apport de droit au bail puisqu'un tel apport implique, en application de l'article L. du code rural, un agrément personnel du bailleur dont la Scea 2002 ne justifie pas ; qu'ils estiment en conséquence qu'il s'agit d'apports par « mises à disposition » lesquelles, selon l'article L. 411-37 du code rural précité, n'impliquent qu'une « information » du bailleur ; que cette analyse est contestée par les consorts Y... ; que, de fait, les appelants ne produisent aucunement la preuve des « informations de mises à disposition » qui seraient, selon leur interprétation, intervenues lors de la constitution du Gaec de Wattines, alors que celle production donnerait quelque crédit à leur affirmation ; qu'il est au demeurant invraisemblable que les deux frères X..., lors de la constitution entre eux du Gaec de Wattines en 1988, ne l'aient pourvu, sur les terres qu'il devait exploiter, que du droit imparfait résultant d'une « mise à disposition », droit impliquant qu'ils demeurent personnellement garants du règlement des fermages et de la bonne exécution des baux et qu'ils poursuivent, conjointement avec la société attributaire, l'exploitation des terres mises à disposition (article L. 411-37, alinéa 4 du code rural), et qui en outre, selon leur propre analyse, serait précaire et révocable ad nutum ; que cette invraisemblance est confortée par le fait qu'ils n'offrent aucunement d'établir que les bailleurs à l'époque leur auraient refusé celle exploitation en commun de terres qu'ils exploitaient jusque là à titre personnel ; qu'au surplus, il est évident que si de telles « mises à disposition » avaient été décidées, du fait de leur caractère dérogatoire au droit commun et des effets restrictifs et limités qu'elles confèrent aux droits du Gaec, elles n'auraient pas manqué, ne serait-ce que pour la protection des tiers, d'apparaître de manière plus explicite dans les statuts, par une formule telle que « ces apports sont effectués à titre de mise à disposition, en application de l'article L. 411-37 du code rural » ; que l'argument qu'invoquent les consorts X... selon lequel des apports de droit au bail seraient nuls faute des autorisations des propriétaires et, partant, ne sauraient se concevoir, n'est pas davantage pertinent ; que rien n'indique en effet que ces accords n'ont pas été en leur temps donnés par les propriétaires intéressés ; que, quant à faire grief à la Scea 2002 de ne pas les produire, le moyen est pour le moins spécieux ; qu'il est bien évident en effet que le cessionnaire des parts du Gaec de Wattines n'a aucune possibilité, plus de vingt ans après sa constitution à laquelle il n'a pas participé, de produire ces autorisations qui doivent être conservées dans les archives de l'étude notariale ayant formalisé le contrat de constitution du Gaec et difficilement accessibles ; que, de leur côté, les consorts X..., qui eux pourraient produire ces documents, n'ont aucun intérêt à cette production qui va à l'encontre de leur interprétation ; qu'à cet égard, il est révélateur qu'ils se gardent bien de demander, subsidiairement, la nullité de ces apports de droit au bail, alors même qu'ils affirment que cette action en nullité est d'ordre public et ouverte à quiconque ; qu'il suit de tout cela que ces baux ont été, en 1988, concédés au Gaec de Wattines, en application de l'article L. 411-38 du code rural, en qualité d'apport de droit au bail et cela avec les autorisations requises des bailleurs ; qu'ainsi, les droits découlant des baux apportés au Gaec de Wattines lors de sa constitution ou dans les années pendant lesquelles les frères X... en assuraient la gestion, ont été intégralement transmis à M. Y... par l'effet de la cession des parts intervenue en 2002 et seule la Scea 2002, continuatrice du Gaec de Wattines, peut exploiter légitimement les terres résultant de ces apports ;
ALORS, 1°), QUE les juges doivent examiner tous les éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en cause d'appel, la Scea La Galinette et M. A... avaient versaient aux débats le compromis de cession des parts du Gaec des Watinnes au profit de M. Y... selon lequel l'actif de la Gaec des Watinnes était seulement composé de matériel agricole, d'arrières de fumures, d'améliorations culturales et de parts de coopératives, M. Jean-François X... restant locataire des parcelles exploitées, le compromis étant par ailleurs conclu sous la condition suspensive que les propriétaires des parcelles acceptent de conclure de nouveaux baux, la clause précisant « compte tenu que M. F... n'a pas donné son accord pour le nouveau bail, M. Jean-François X... restera porteur de 15 parts » ; qu'il résultait, en effet, de ces stipulations contractuelles qu'au moment de la cession des parts au profit de M. Y..., le Gaec des Watinnes n'était titulaire d'aucun droit au bail mais était seulement bénéficiaire d'une mise à disposition des parcelles en cause, M. Jean-François X... restant seul titulaire des baux, raison pour laquelle, compte tenu du refus de l'un des bailleurs d'ores et déjà exprimé de consentir à la cession du droit au bail au profit de M. Y..., il était convenu que M. Jean-François X... resterait associé minoritaire de la société d'xploitation ; qu'en ne s'expliquant pas sur la portée de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE, dans ses conclusions d'appel, M. Jean-François X..., dont les intérêts sont indivisibles de ceux du Scea La Galinette et de M. A..., faisait valoir, en vue d'établir qu'il était resté seul titulaire des baux ruraux, notamment de celui consenti par M. F..., que la procédure en résiliation du bail qui avait été diligentée par les époux F..., faute de paiement des loyers, l'avait été à son à son encontre et non pas à l'encontre de la Scea 2002 ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, qui visait à établir en tout état de cause que le bailleur n'avait pas consenti à la cession du droit au bail au profit du Gaec les Watinnes, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 3°), QUE, selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 411-38 du code rural, le preneur ne peut, sous peine de nullité de l'apport, apporter son droit au bail à une société d'exploitation agricole qu'avec l'agrément personnel du bailleur ; qu'après avoir estimé que la preuve en était difficilement accessible à la Scea 2002, la cour d'appel s'est bornée à affirmer, sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait pour parvenir à cette conclusion, que M. Jean-François X... avait apporté les baux dont il était titulaire avec les autorisations requises des bailleurs ; qu'en présumant ainsi l'existence de l'agrément du bailleur, cependant qu'elle avait le pouvoir d'enjoindre soit aux bailleurs dont les noms étaient connus, soit au notaire ayant instrumenté la constitution du Gaec de produire les autorisations requises par la loi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.