LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1384, alinéa 5, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., démarché par M. Y..., agent de la société Assurances générales de France vie (AGF vie), devenue Allianz vie, jusqu'à sa démission le 10 décembre 2001, lui a confié, à compter d'octobre 2001, diverses sommes en vue de placements auprès d'AGF vie et de la société Assurances générales de France banque (AGF banque), devenue Allianz banque ; qu'une information judiciaire ayant été ouverte à l'encontre de M. Y... pour abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux, M. X..., affirmant avoir alors découvert le détournement des sommes versées, a assigné les deux sociétés, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du code civil, aux fins d'obtenir la réparation de son préjudice ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient que M. Y... a commencé à démarcher M. X... en octobre 2001 alors qu'il était préposé d'AGF vie et habilité à proposer des placements financiers auprès des deux sociétés ; qu'il a notamment attesté de cette qualité par la production de documents imprimés à en-tête des AGF ; que M. Y... n'a pas informé M. X... de sa démission fin novembre 2001 et qu'il a conservé l'apparence d'un mandataire des AGF en janvier et février 2002 ; que M. X... n'était pas un professionnel de la finance ; que, néanmoins, il avait, en tant que scientifique, un degré d'instruction suffisant pour s'apercevoir et se rendre compte de l'irrégularité manifeste des opérations souscrites ; que le 31 octobre 2001, il a souscrit une convention d'ouverture de compte d'investissement auprès de la société AGF banque qui ne précisait pas la nature et l'identité des titres acquis ; qu'il a parallèlement versé sur ce compte une certaine somme par un chèque établi non pas à l'ordre d'AGF banque comme prescrit sur le formulaire de souscription imprimé, mais à l'ordre de la Sogenal ; que même si cette indication d'ordre lui a été donnée probablement par M. Y..., M. X... devait se douter qu'un établissement bancaire tel qu'AGF banque ne faisait pas transiter ses comptes par une autre banque avec laquelle elle n'avait aucun lien apparent ; que le même jour, il a signé un "bulletin de rachat/-réinvestissement d'OPCVM", destiné au réinvestissement de sommes remboursées par AGF banque et émis sur cette base un second chèque à l'ordre de la Sogenal ; que les mêmes observations s'imposent en ce qui concerne les versements du 12 novembre 2001 et du 31 janvier 2002 par des chèques émis à l'ordre de la Sogenal ou de la Société générale ; qu'aux termes d'un bulletin de "reversement" destiné au remploi de fonds versés par la société AGF vie, M. X... a, le 25 février 2002, émis un nouveau chèque établi à l'ordre de M. Y..., sans aucune référence à l'un ou l'autre des contrats d'assurance-vie proposés sur le formulaire ; que cette accumulation d'irrégularités et, de la part de M. X..., d'imprudences fautives, démontre que M. Y... a agi en dehors de ses fonctions, réelles ou supposées, d'agent préposé des AGF ; que M. X... ne pouvait pas ignorer que ces opérations présentaient un caractère anormal et devait avoir conscience que M. Y... abusait de ses fonctions, ce dont il se déduit que la responsabilité des sociétés AGF banque et AGF vie n'est pas engagée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ces constatations que M. Y... avait trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ayant consisté à détourner les sommes confiées par M. X... et en créant une apparence telle que la victime, profane en matière de produits financiers et mise en confiance, n'avait pu réaliser qu'il agissait à des fins étrangères à ses fonctions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne les sociétés Allianz vie et Allianz banque aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Allianz vie et Allianz banque ; les condamne à payer à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Christian X... de ses demandes tendant à voir condamner la société AGF BANQUE à lui payer la somme de 56 389 €, la société AGF VIE la somme de 45 000 €, outre les intérêts légaux, solidairement ces deux sociétés à lui payer 15 000 € à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE lorsque M. Y... a commencé à démarcher Monsieur X... en octobre 2001, il était effectivement préposé de la société AGF VIE et habilité à proposer des placements financiers auprès des sociétés AGF VIE et AGF BANQUE ; qu'il a notamment attesté de cette qualité par la production de documents imprimés à en-tête des AGF ; que M. Y... n'a évidemment pas informé M. X... de sa démission fin novembre 2001 et qu'il a conservé l'apparence d'un mandataire des AGF en janvier et février 2002 ; que M. X..., s'il n'était pas un professionnel de la finance, avait en tant que scientifique un degré d'instruction suffisant pour s'apercevoir et se rendre compte de l'irrégularité manifeste des opérations souscrites ; que le 31 octobre 2001, il a souscrit une convention d'ouverture de compte d'investissement auprès de la société AGF BANQUE, convention qui permettait d'inscrire sur ce compte les titres et valeurs proposés dans la gamme des placements AGF Finance à partir du compte espèce associé, mais qui ne précisait pas elle-même la nature et l'identité des titres acquis ; qu'il a parallèlement versé sur ce compte une somme de 100 000 F par un chèque établi non pas à l'ordre d'AGF BANQUE comme prescrit sur le formulaire de souscription imprimé, mais à l'ordre de la SOGENAL ; que même si cette indication d'ordre lui a été donnée probablement par M. Y..., Monsieur X... devait se douter qu'un établissement bancaire tel qu'AGF BANQUE ne faisait pas transiter ses comptes par une autre banque avec laquelle elle n'a aucun lien apparent ; que toujours en date du 30 octobre 2001, M. X... a signé un « bulletin de rachat/-réinvestissement d'OPCVM », document qui n'est pas destiné à une nouvelle souscription mais au réinvestissement de sommes remboursées par AGF BANQUE ; qu'il a néanmoins émis sur cette base un chèque de 50 000 F, encore une fois à l'ordre de la SOGENAL ; que les mêmes observations s'imposent en ce qui concerne les versements du 12 novembre 2001 (50 000 F) et du 31 janvier 2002 (7 600 € et 18 300 €) par des chèques émis à l'ordre de la SOGENAL ou de la SOCIETE GENERALE ; enfin qu'aux termes d'un bulletin de « reversement » destiné au réemploi de fonds versés par la société AGF VIE, M. X... a en date du 25 février 2002 émis un nouveau chèque d'un montant de 45 000 € établi à l'ordre de M. Y... personnellement, sans aucune référence à l'un ou l'autre des contrats d'assurance vie proposés sur le formulaire, de sorte que même si la société AGF-VIE avait reçu les fonds elle n'aurait pas su à quel contrat les affecter ; que cette accumulation d'irrégularités et de la part de M. X... d'imprudences fautives démontre que M. Y... a agi en dehors de ses fonctions, réelles ou supposées, d'agent préposé des AGF ; que M. X... ne pouvait pas ignorer que ces opérations présentaient un caractère anormal et devait avoir conscience que M. Y... abusait de ses fonctions ; qu'en conséquence la responsabilité des sociétés AGF BANQUE et AGF VIE n'est pas engagée ; que M. X... doit être débouté de ses demandes et a fortiori de son appel incident ;
ALORS QUE, d'une part, le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si son proposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que dès lors, ayant relevé que M. Y... était préposé de la société AGF VIE et habilité à proposer des placements financiers auprès des sociétés AGF VIE et AGF BANQUE lorsqu'il a commencé à démarcher Monsieur X... en octobre 2001, qu'il a attesté de cette qualité par la production de documents imprimés à en-tête des AGF, qu'il ne l'a pas informé de sa mission fin novembre 2001, que le 31 octobre 2001 M. X... a souscrit une convention d'ouverture de compte d'investissements auprès de la société AGF BANQUE, que le 30 octobre 2001 il a émis un chèque de 50 000 F sur la base d'un bulletin de rachat/réinvestissement d'OPVCM de AGF BANQUE, que le 25 février 2002 il a encore émis un 45 000 € aux termes d'un bulletin de reversement d'AGF VIE, en retenant, pour débouter Monsieur X... de ses demandes en paiement contre AGF BANQUE et AGF VIE, que l'accumulation d'irrégularités des opérations souscrites démontrait que Monsieur Y... a agi en dehors de ses fonctions réelles ou supposées d'agent préposé des AGF, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations, d'où il ressort que M. Y... a profité de son emploi et des documents des sociétés AGF VIE et AGF BANQUE, à sa disposition dans le cadre de ses attributions pour placer les produits financiers pour commettre ses agissements au détriment de M. X..., les conséquences légales qui s'imposaient et a violé l'article 1384 alinéa 5 du Code civil ;
Et ALORS QU'en outre, seule la connaissance que la victime avait ou pouvait avoir que le préposé agissait à des fins personnelles en dehors de ses fonctions est de nature à exonérer le commettant de sa responsabilité ;que dès lors, en retenant que les chèques n'avaient pas été établis à l'ordre d'AGF BANQUE comme prescrits sur les formulaires, que le bulletin du 30 octobre 2001 n'était pas destiné à une nouvelle souscription, que le 25 février 2002 il avait émis un chèque à l'ordre personnel de M. Y... sans aucune référence à l'un des contrats d'assurance vie proposé sur le formulaire, pour décider que M. X..., qui avait un degré d'instruction suffisant, ne pouvait pas ignorer que ces opérations présentaient un caractère anormal et devait avoir conscience que M. Y... abusait de ses fonctions et le débouter en conséquence de ses demandes en paiement, la Cour, qui a elle-même relevé que M. Y... a démarché M. X... en octobre 2001 en attestant de sa qualité de préposé de la société AGF VIE habilité à proposer des placements financiers auprès des sociétés AGF VIE et AGF BANQUE par la production d'imprimés à en-tête des AGF, que M. X... n'était pas un professionnel de la finance, que le 31 octobre 2001 il a souscrit une convention d'ouverture de compte d'investissement auprès d'AGF BANQUE, qu'il a établi les chèques à l'ordre que lui a indiqué M. Y... et qu'il a signé des bulletins d'AGF BANQUE et d'AGF VIE à l'occasion de ses versements, n'a pas tiré de ses constatations d'où il ressort que M. X..., profane en matière de produits financiers, qui a souscrit des placements auprès d'AGF BANQUE et d'AGF VIE sur les indications de M. Y... qui s'était prévalu d'agent habilité et utilisait les documents de ces sociétés, a légitimement pu croire que M. Y... agissait pour le compte d'AGF BANQUE et d'AGF VIE, les conséquences légales qui s'en évinçaient et a de nouveau violé l'article 1384 alinéa 5 du Code civil.