LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 6 juillet 2010), que le 30 décembre 2004, la commune de La Roche-sur-Foron (la commune) a vendu à la société Aid concept (la société) un bâtiment à rénover sous la condition résolutoire que la réhabilitation devait être réalisée dans le délai de deux années à compter de la cession ; que, se prévalant du non-respect de cette condition, la commune a poursuivi la résolution de la vente ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il ressort de l'acte de vente que l'acquéreur avait visité les biens et qu'il avait accepté de les prendre tels quels, sans garantie du vendeur, y compris pour les vices cachés et que l'instabilité affectant le sol avait été découverte rapidement mais que la société n'en avait jamais référé au vendeur pour demander une modification des conditions imposées ou une prolongation du délai ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions par lesquelles la société faisait valoir que la commune ne l'avait pas informée du vice affectant la stabilité du sol alors qu'elle le connaissait antérieurement à la vente ou ne pouvait pas l'ignorer de sorte que sa mauvaise foi était avérée et qu'elle avait manqué à son obligation de loyauté, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;
Condamne la commune de La Roche-sur-Foron aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de La Roche-sur-Foron à payer à la société Aid concept la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la commune de La Roche-sur-Foron ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Aid concept
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé la résolution de la vente intervenue par acte authentique le décembre 2004 par la commune de LA ROCHE SUR FORON au profit de la société à responsabilité limitée AID CONCEPT, acte publié et enregistré le 9 février 2005 à la conservation des hypothèques de BONNEVILLE sous les références 2005 D N°2781 Volume : 2005 P N°1653, d'un bâtiment à rénover avec terrain attenant situés à LA ROCHE SUR FORON (HAUTE-SAVOIE) figurant au cadastre :
* section AB n°423, 28 rue du Pont Neuf pour une surface de 00ha01a98ca, * section AB n°424, 16 rue du Pont Neuf pour une surface de 00ha00a95ca, dit que ce jugement vaudrait en conséquence titre de propriété au profit de la commune de LA ROCHE SUR FORON et serait publié à la conservation des hypothèques de BONNEVILLE aux frais de la société AID CONCEPT, donné acte à la commune de LA ROCHE SUR FORON de son offre de verser à la SARL AID CONCEPT la somme de 102.253,22 €, en tant que de besoin de l'avoir condamné à ce faire, et débouté la société AID CONCEPT de ses demandes reconventionnelles,
AUX MOTIFS QUE « les explications et justifications de la SARL AID concept, si elles établissent que la rue du Foron a vu son accès interdit pendant quelques mois du côté de la rue Perrin par les travaux de l'immeuble porte de la Perrine, ne caractérisent aucunement l'impossibilité d'accéder au chantier par l'autre extrémité de la rue du Foron ; qu'elle ne justifie pas non plus de devis réalisés dès l'acquisition du bien, ou à l'époque, et que des fournisseurs auraient refusé d'honorer en juillet 2005 en raison du retard prétendument imposé ; que la SARL AID concept s'était engagée à réaliser une réhabilitation mais a pris l'initiative, au motif de la nature du terrain, qui est peut-être exactement indiquée, de détruire complètement l'immeuble sans obtenir l'accord du vendeur ni la modification du permis de construire ; que l'instabilité affectant le sol a été découverte rapidement mais que la SARL AID concept n'en a jamais référé au vendeur pour demander ni de modification des conditions imposées ni de prolongation du délai ; qu'il est bien évident que l'évolution des travaux, sur laquelle il n'est pas justifié que le vendeur ait eu la moindre influence, rendait impossible la réalisation de ce qui était convenu, ni quelque réalisation que ce soit dans le délai de deux ans ; que la SARL AID concept était certes dans l'obligation de demander un permis de construire modificatif mais qu'elle a fait ses travaux sans s'en inquiéter et n'a fait de demande qu'en arrivant à l' échéance du délai imparti, ayant ainsi, selon ses propres indications, attendu quelque dix huit mois ; que, dans ces conditions, pour ces motifs et ceux non contraires qu'il a retenus, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et ordonné les restitutions et leurs modalités ; »
ET AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE, « sur la réalisation de la condition résolutoire ; qu'aux termes de l'article 1183 du Code civil, "la condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé. Elle ne suspend point l'exécution de l'obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu'il a reçu, dans le cas où l'événement prévu par la condition arrive." ; que le contrat de vente signé par les parties le 30 décembre 2004 comporte une condition résolutoire expresse selon laquelle la réhabilitation du bâtiment devra être réalisée dans le délai de deux armées à compter de la date de signature du contrat ; que, considérant que cette condition n'était pas réalisée, le maire de la commune, après délibération en ce sens du conseil municipal, a, par LR avec AR reçue le 5 février 2007, informé la commune de LA ROCHE SUR FORON qu'elle se prévalait de la clause résolutoire et qu'elle souhaitait trouver un arrangement amiable afin de remettre les choses en l'état ; que, contrairement à ce que soutient la société AID CONCEPT, l'action de la commune n'est pas fondée sur l'article 1146 du Code civil qui dispose notamment que les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, mais sur les dispositions des articles 1183 et 1184 du Code civil qui ouvre la possibilité à la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ; que le fait que les parties n'aient pas indiqué dans leur convention que la clause résolutoire jouerait de plein droit, n'interdit pas, au contraire, à la commune de solliciter la résolution du contrat sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, lequel ne prévoit aucune mise en demeure préalable ; que, sur le fond, la société AID CONCEPT ne conteste pas que le bâtiment n'a pas été réhabilité en temps utile mais soutient qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de ce faire car les études de sol ont révélé qu'il était indispensable de le démolir intégralement, ce qui supposait une modification du permis de construire ; que, selon elle, l'autorisation aurait été donnée verbalement en juillet 2005 – ce qui est fermement contesté – sous condition de reconstruction des façades à l'identique et de demande d'un permis de construire modificatif incluant le droit de démolir ; que la requête, déposée le 27 novembre 2006, n'aurait reçu aucune réponse ; que la société AID CONCEPT fait aussi valoir que pendant la période prévisible des travaux, du 4 avril 2005 au 16 novembre 2006, le chantier était inaccessible en raison d'une part de la fermeture de la rue du Foron en exécution de 3 arrêtés municipaux et d'autre part du pont des Tanneries de mars à juin 2005 ; que, sur le premier point, elle verse aux débats une étude technique concluant à la réalisation de travaux importants de stabilisation des sols ; qu'il n'y est pas explicitement indiqué qu'il est nécessaire de procéder à la démolition de l'existant, mais, à supposer que les techniques décrites ne puissent être mises en oeuvre que sous cette condition, que ce facteur dont on ne peut considérer qu'il était imprévisible pour un professionnel du bâtiment, n'est de nature à neutraliser la clause résolutoire, étant observé qu'il ressort de l'acte de vente que l'acquéreur a visité les biens et qu'il a accepté de les prendre tels quels, sans garantie du vendeur, y compris pour les vices cachés ; qu'il importe en sus de relever :
- que le gérant de la commune de LA ROCHE SUR FORON avait déposé la demande de permis de construire en sa qualité de gérant de la SCI LES TERRASSES, avant transfert à la société AID CONCEPT et qu'il était donc censé s'être entouré de toutes les précautions techniques utiles,
- qu'il ne justifie pas avoir informé la commune de cette difficulté avant l'engagement de la présente procédure et donc avant le 31 décembre 2006, fin du délai contractuel de réhabilitation du bâtiment ;
que, sur le second point, force est également de constater que la société AID CONCEPT ne justifie pas avoir informé la commune qu'elle était dans l'impossibilité d'accéder au chantier et l'avoir mis en demeure de régler ce problème dont la réalité est contestée, pendant le délai fixé pour la condition résolutoire ; que, compte tenu de l'importance de la difficulté alléguée, cette absence de réclamation et de constat d'huissier établissant incontestablement la chose sont surprenantes ; qu'il ressort des arrêtés municipaux en question et d'une attestation émanant du responsable de l'entreprise les ayant effectués que les travaux d'élargissement du pont sur le Foron ont duré du 14 mars au 10 juin 2005 ; qu'il en ressort également que la circulation était déviée et qu'il était possible d'accéder à un parking ; que, selon l'allégation de la commune, non contestée par la partie adverse, ce parking permettait l'accès au chantier ; que la société AID CONCEPT produit une attestation de Monsieur X..., agréé en architecture, maître d'un ouvrage dénommé "Porte de la Perrine" construit à cette époque, qui atteste que pendant toute la durée de cet autre chantier la rue du Foron est restée inaccessible, soit du 4 avril 2005 au 16 novembre 2006 ; mais que, faute de présentation d'un plan clair et précis, il est impossible de vérifier la compatibilité de cette assertion avec celle de Monsieur Y..., associé et mandataire d'une SCI "Le Petit Chemin" qui affirme avoir sans difficulté fait construire un ensemble immobilier dans le même secteur que celui intéressant la société AID CONCEPT, avec cette précision que pendant la période du 1er septembre 2005 au 30 juin 2008 les entrepreneurs ont pu emprunter avec les engins nécessaires, sans aucune gêne la rue du Pont Neuf, et la rue du Foron à l'exception de la rue Perrine ; que la société AID CONCEPT qui prétend que ces travaux décidés par la commune l'ont empêchée de respecter le délai fixé dans la condition résolutoire supporte la charge de la preuve de son allégation ; or, que force est de constater à l'analyse des pièces susdites non seulement qu'elle ne le fait pas mais encore qu'elle ne s'est jamais plainte en temps utile d'une quelconque difficulté de cette nature ; que ce moyen ne sera donc pas accueilli étant au surplus constaté que la société AID CONCEPT n'a déposé la DROC que le 1er novembre 2005, 4 mois après la fin des travaux d'élargissement du Pont du Foron alors qu'elle était à même de les commencer dès le 22 décembre 2004, date de l'arrêté municipal lui transférant le permis de construire accordé le 29 juin 2004 à la SCI Les Terrasses du Foron ; que, dans ce contexte, la demande de permis de construire modificatif (démolition) déposée le 21 décembre 2006, à quelques jours de l'expiration du délai fixé dans la condition résolutoire, apparaît tardive si bien qu'il ne peut être considéré que l'absence de réponse des services de la mairie à cette requête, est constitutive d'une faute de nature à neutraliser les effets de la clause résolutoire ; qu'il convient en conséquence de prononcer la résolution de la vente conclue entre les parties le 30 décembre 2004 ; »
ALORS, D'UNE PART, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que la société AID CONCEPT faisait valoir, dans ses conclusions récapitulatives, que la commune avait connaissance depuis juin 2004 d'un risque relatif à l'absence de stabilité des sols de la zone concernée par l'opération litigieuse, dont elle s'était gardée d'informer la société AID CONCEPT antérieurement à l'acte de vente, de sorte que sa mauvaise foi était avérée, de même que son manquement à son obligation contractuelle de loyauté ; que la Cour d'appel, qui a estimé que la commune ne devait pas sa garantie pour ce vice, dont il est évident qu'il aurait modifié les conditions de vente, et que la société AID CONCEPT avait trop tardivement tiré les conséquences de cette instabilité, sans en avoir préalablement averti la commune ni demandé un nouveau délai, sans répondre à ce moyen de nature à permettre de retenir la garantie de la commune venderesse et à exonérer la société AID CONCEPT de sa responsabilité, a méconnu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE la société AID CONCEPT exposait également que le chantier n'était en réalité pas accessible par la rue du Pont-Neuf, celle-ci étant au-dessus du terrain en cause, ni par la rue Perrine, en raison de la présence d'un tunnel trop bas pour certains engins et de l'exiguïté de la rue, mais seulement par la rue du Foron, de sorte que les trois arrêtés municipaux de mars-avril 2005 limitant l'accès à cette rue interdisaient bien à la société AID CONCEPT de réaliser les travaux nécessaires au bon déroulement de l'opération litigieuse ; que la Cour d'appel, qui a jugé que l'inaccessibilité du chantier pendant plusieurs mois n'était pas démontrée, sans répondre à ce moyen sérieux, a de nouveau méconnu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la société AID CONCEPT soulignait encore que la commune l'avait mise dans l'incapacité d'honorer ses engagements contractuels, en ne l'informant pas du vice du sol, en interdisant l'accès au chantier et en ne donnant pas suite à la demande de permis de construire modificatif, tandis qu'elle-même avait en temps utiles fait réaliser les études de sol, lancé les appels d'offres, préparé les travaux imposés, et sollicité les autorisations nécessaires ; que la Cour d'appel, qui a prononcé la résolution de la vente aux torts de la société AID CONCEPT sans s'être prononcé sur ce moyen, de nature à influer sur l'issue du litige en ce qu'il démontrait l'absence de toute faute de sa part et la réalisation des diligences exigées en temps utile, de sorte que la demande de permis de construire modificatif n'était pas tardive et que la commune avait bien commis une faute en n'y répondant pas, a méconnu derechef les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.